Article rédigé par Info Catho, le 21 février 2019
Source [Info Catho] Par le Père Keith Beaumont, Prêtre de l’Oratoire, Président de l’Association française des Amis de Newman, via France Catholique :
Lors de sa béatification le P. Keith Beaumont plaidait pour la proclamation de John Henry Newman comme docteur de l’Église. Alors que la reconnaissance d’un miracle ouvre la voie à la canonisation, cette réflexion est plus que jamais d’actualité.
La béatification par l’Église d’un homme ou d’une femme est, comme chacun sait, l’avant-dernière étape précédant sa canonisation. Mais il existe aussi une étape ultérieure à laquelle accèdent seule une infime minorité d’hommes et de femmes – trente-trois au total, dont seulement trois femmes (en attendant Edith Stein ?). C’est la déclaration que le saint ou la sainte en question fait partie désormais des « Docteurs de l’Église », ceux dont l’enseignement (en latin, doctrina) est reconnu comme jouissant d’une autorité particulière.
Le mot « canonisation » vient du grec kanôn, qui signifie d’abord, roseau, ensuite règle de mesure, puis norme. Tous les sens du mot « canon » ont d’ailleurs la même origine, qu’il s’agisse du « canon » de l’Écriture (les livres reconnus par l’Église comme « canoniques » sont ceux considérés comme normatifs pour la foi des chrétiens), du « canon » que l’on tire (la fabrication du « canon » tirant des boulets ou des obus ainsi que du « canon » d’un fusil doit répondre à des normes extrêmement précises, sans quoi le métal risque d’éclater !), ou du petit « canon » que l’on boit (il s’agit d’une mesure strictement contrôlée !). En « canonisant » certaines personnes, l’Église les propose donc aux fidèles comme « normes » ou comme « modèles » de la vie chrétienne. (Certes, elle propose aussi de les invoquer comme « intercesseurs » ; mais la « fonction » principale du canonisé reste, selon l’étymologie, de constituer un modèle ou une norme pour les autres chrétiens.)
Mais qu’est-ce qu’on « canonisera » dans le cas de Newman. En général, c’est la vie d’un saint qui est proposé aux fidèles comme « norme » ou « modèle ». Or, je n’ai aucun doute quant à la sainteté de la vie de Newman. Mais celui-ci est aussi un penseur et un écrivain – l’auteur de plus d’une quarantaine de livres, sans parler des quelque vingt mille lettres dont la publication en 32 gros volumes vient de s’achever. Il est non seulement l’un des grands penseurs chrétiens des temps modernes, mais aussi un maître et un guide spirituel hors pair. La puissance de son intelligence, sa vaste culture, sa perception psychologique lucide et parfois décapante, sa connaissance intime de la Bible et des écrits des Pères de l’Église, et la richesse de sa propre expérience de Dieu, lui ont permis de venir en aide de son vivant à des milliers de personnes cherchant un conseiller théologique et spirituel. Et son immense œuvre écrite lui permet de continuer à jouer ce rôle encore aujourd’hui, pour des millions de personnes à travers le monde.
Newman a travaillé assidûment au renouveau de deux Églises, l’Église anglicane d’abord, l’Église catholique ensuite – son passage de l’une à l’autre comportant une rupture personnelle terrible, mais témoignant d’une continuité sans faille sur les plans intellectuel et spirituel. Il s’est illustré dans une grande diversité de genres littéraires – des sermons (douze volumes publiés), des œuvres théologiques, des œuvres historiques (consacrées surtout aux premiers siècles chrétiens et aux Pères de l’Église), une autobiographie souvent comparée aux Confessions de saint Augustin, deux livres consacrés à une réflexion sur l’éducation universitaire, des œuvres poétiques, des prières et méditations, et même deux romans. Sa pensée théologique – on l’a maintes fois affirmé – a profondément marqué le Concile Vatican II, à travers des théologiens influents au Concile comme les Pères Congar et de Lubac, le cardinal américain John Courtney Murray, principal architecte de la Déclaration sur la liberté religieuse, et le jeune Joseph Ratzinger qui fut très marqué par la pensée de Newman pendant ses années de séminaire. Il a aidé l’Église à enrichir sa pensée sur la nature de la conscience, sur le développement doctrinal, sur la nature de l’Église (plus d’un siècle avant l’encyclique de Pie XII, Mystici Corporis, de 1943, il a prôné une conception de l’Église comme « corps mystique du Christ »), sur le rôle des laïcs et sur ce que le Concile appellera « l’appel universel à la sainteté ».
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