Article rédigé par Le Salon beige, le 14 février 2019
Source [Le Salon Beige] L’Institut Diderot a récemment organisé une réflexion sur la laïcité, centrée sur l’avenir de la Loi 1905 et sur la séparation des Eglises et de l’Etat, avec Jean-Claude Seys, président de l’Institut Diderot, et Jean-Philippe Hubsch, Grand Maître du Grand Orient de France. L’intervention de ce dernier est accessible ici.
Au cours de cette séance, Jean-Philippe Hubsch rappelle que la première génération républicaine est quasiment franc-maçonne. Il estime qu’il est nécessaire de revoir la loi, notamment pour s’adapter à l’émergence d’une religion qui est considérée comme deuxième de France numériquement : l’islam. Au sein de la franc-maçonnerie, il y a eu la création de l’appel des 113, qui s’oppose fermement à la modification des articles 1 et 2 (loi de 1905, consolidée en mars 2008) et de toute disposition qui pourrait modifier les relations entre l’Etat et les religions de France.
Article 1 : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.
Article 2 : La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l’Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l’exercice des cultes. Pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d’aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons. Les établissements publics du culte sont supprimés, sous réserve des dispositions énoncées à l’article 3.
Le Grand Orient déposera, à priori mi-février, un projet de loi avec les points suivants :
- une demande de transparence du financement des cultes
- la garantie du respect de l’ordre public
- le besoin de consolider la gouvernance des associations cultuelles.
Quelques remarques du Grand Maître :
- Le discours de Macron aux Bernardins laisse le Grand Orient perplexe, car il estime que Macron cherchait à faire de l’identitarisme.
- La laïcité est tantôt opposée à l’Islam, tantôt elle le considère comme une ouverture à un projet multiculturaliste.
- La franc-maçonnerie du Grand Orient est associée au mot de laïcité : elle est gardienne du temple. Elle est universaliste, car la loge est une marque de tolérance et d’ouverture : accueillir l’autre oui, mais seulement dans le cas d’une appartenance à des bases communes.
Principe de laïcité en entreprise :
Les juridictions judiciaires sont compétentes, mais cela ne s’applique pas aux entreprises privées. Certaines personnes estiment que la liberté de conscience et de culte recule. Pour cela, l’Etat Républicain doit se protéger des attaques communautaristes de certains groupes de pression.
Selon le Grand-Orient, chaque citoyen doit pouvoir exprimer ses libertés mais dans la sphère privée. En public, c’est dans le respect de la laïcité. Il est rappelé que nul n’a à connaître les choix politiques et religieux d’une personne et cela, l’Etat s’interdit d’y renoncer. Par ailleurs, la religion est une opinion (sic) qui peut changer.
Quelques questions des participants :
Concernant l’islam, pouvons-nous réellement laisser cette religion se gérer lorsque nous savons que des imams ne parlent pas français, qu’ils reçoivent des financements étrangers, qu’il y a un non-respect de la laïcité républicaine et que la liberté de conscience des femmes est très restreinte ?
Réponse : réformer l’islam de France est une volonté d’Emmanuel Macron et les grands maîtres des différentes obédiences approuvent.
Est-ce qu’une modification du Concordat d’Alsace-Moselle est prévue ?
Réponse : A priori, non. Cependant, il faut apporter une évolution au Concordat, dans le but de le supprimer un jour en transférant les charges financières sur les communautés territoriales.
Que font les francs-maçons musulmans du Grand Orient de France pour protéger la laïcité républicaine ?
Réponse : ils ne sont pas répertoriés donc le nombre est inconnu, mais nous savons qu’ils sont les plus ardents défenseurs de la laïcité. En Turquie et en Tunisie, certains risquent leur vie en étant franc-maçon, nous espérons que cela ne sera pas le cas de l’Italie.
Comment réécrire une loi qui corresponde aux attentes d’une société en 2019, tout en respectant le principe de laïcité ?
Réponse : La France est un pays où les religions et les agnostiques vivent correctement. La loi 1905 fonctionne depuis plus d’un siècle. Par ailleurs, on donne une place trop importante au religieux, contrairement au poids réel.
Les églises construites avant 1905 sont financées par les finances publiques, ne faut-il pas annuler cela pour prendre en compte la rupture d’égalité ?
Réponse : Il y a une antériorité historique qui rend la restauration légitime. Certes nous constatons une rupture d’égalité, mais pas au point de devoir aller dans le sens d’une modification.
Ne faut-il pas former les ministres des cultes sur les principes de la laïcité ?
Réponse : Ce rôle est celui de l’éducation universitaire, sans pour autant rentrer dans la gestion du culte.
Concernant la révision des lois bioéthiques, est-ce normal que nous ayons une présence religieuse et notamment catholique dans le débat ?
Réponse : Oui bien sûr, il est normal que le pouvoir public écoute et reçoive les grands courants religieux.
Remarques de quelques participants :
- La troisième génération des immigrés est animée par la pauvreté, elle est incapable de financer son culte. Il faut donc rétablir le principe d’égalité en instaurant d’urgence un plan Marshall dans les banlieues.
- Les imams doivent pouvoir prêcher en français, après obtention d’un diplôme universitaire certifié par l’Etat.
- L’Etat n’a pas à organiser une religion, mais il doit imposer une règle républicaine.