Article rédigé par Le Salon Beige, le 25 janvier 2019
Source [Le Salon Beige] Adélaïde Pouchol, rédactrice en chef adjointe de L’Homme Nouveau et porte-parole de la Marche pour la Vie, a été interrogée sur Breizh-info.com.
Extraits :
Quel bilan tirez vous de cette marche pour la vie 2019 ?
L’avortement est devenu un sujet absolument tabou en France aujourd’hui, sa remise en cause est même interdite ou presque depuis la loi sur le délit d’entrave numérique de 2017. Et pourtant plusieurs dizaines de milliers de personnes sont descendues dans la rue pour demander une attention portée aux plus petits et vulnérables d’entre nous, une attention à toute vie humaine dès son commencement. 1000 jeunes bénévoles de 18 à 30 ans encadraient la manifestation : c’est énorme, quand on y pense, autant de jeunes qui donnent leur WE pour une cause qui n’est décidément pas moralement correcte, qui viennent dans le froid assurer la logistique, l’animation, la sécurité… Cet esprit de service est à mon sens très révélateur de ce qui anime tous ceux qui sont venus manifester le 20 janvier dernier, il est aussi pour beaucoup dans le bilan très positif que nous tirons de cette marche. Par ailleurs, l’actualité aidant certainement, nous étions sensiblement plus nombreux que l’année dernière. Dans le contexte de remise en cause profonde de la politique menée ces dernières décennies, la tenue de la Marche pour la vie le lendemain d’une énième manifestation des Gilets jaunes a rendu visible une forme de convergence des détresses, qui sont autant sociales, politiques, économiques qu’anthropologiques.
Enfin, cette Marche pour la vie est un signe très fort pour la France : nous sommes encore capables, en dépit de la pression médiatique et politique, de penser que le meilleur avortement est celui qu’on évite ; nous sommes encore capables de penser que chaque atteinte à l’humanité de l’embryon est en réalité une atteinte à notre propre humanité et met en péril ce qui fait une société ; nous sommes encore capables de penser que supprimer une vie innocente n’est pas la bonne manière de régler un problème. La Marche pour la vie est une très bonne nouvelle pour la liberté de conscience !
Une majorité de Français, si l’on en croit les sondages, semble favorable au droit pour chaque femme à avorter. N’avez vous pas l’impression d’aller en opposition avec cette majorité dans votre démarche ?
Si dans un groupe de 10 personnes, 6 d’entre elles soutiennent mordicus que 2 et 2 font 5, le résultat devient-il juste par une sorte d’opération de la démocratie qui serait une forme nouvelle de l’opération du Saint-Esprit ? A l’évidence, non. De très nombreuses questions relèvent de ce qu’on peut appeler la prudence politique et peuvent être débattues et soumises au vote, comme la limitation à 80 km/h, par exemple. En revanche, l’embryon est un être humain et l’avorter c’est retirer la vie à un être innocent et c’est une réalité qui ne dépend en rien des idées en vogue du moment. Ceux qui ont conscience de ce qu’est réellement l’avortement ont le devoir de le dire, ils ont un rôle prophétique pour la civilisation. Quand l’esclavage était légal, complètement admis et intégré en Occident, pensez-vous que les premiers à le remettre en cause ont été acclamés, compris, respectés ? Je crois beaucoup à la puissance des minorités créatrices, de ces empêcheurs de tourner en rond, de ces éveilleurs de conscience qui sont un aiguillon pour la société dans laquelle ils vivent.
J’ajoute qu’il est devenu tellement difficile de ne pas considérer l’avortement comme un progrès social magnifique pour toutes les femmes que nombre d’entre elles souffrent secrètement de leur avortement. Leurs tripes et leur cœur disent non à l’avortement, leur bouche doit dire oui parce que c’est comme ça, un point c’est tout, et qu’il serait extrêmement sexiste de dire que l’avortement peut laisser des séquelles psychologiques… Si nous étions pouvions réellement nous exprimer librement sur ce sujet en France, si l’avortement n’était pas devenu le seul horizon pour une femme en détresse, s’il n’était pas devenu normal que les hommes se sentent parfaitement désengagés par rapport à l’enfant dont ils sont pourtant responsables pour moitié, les Français seraient-ils aussi unanimes ? J’en doute !
Que réclamez-vous exactement ? Les exemples historiques en Irlande notamment montrent tout de même les dangers qu’une interdiction de l’avortement entraine – notamment pour la femme – non ?
La Marche pour la vie dépasse très largement la question de la légalisation de l’avortement. Cette année, nous marchions également pour la liberté de conscience des professionnels de santé, nous marchions aussi pour nous opposer au marché de l’embryon déjà ouvert depuis quelques années en France et qui promet de se développer avec la révision des lois de bioéthiques. Pour le dire en un mot, nous pensons que chaque personne mérite la plus grande des considération, en dépit des conditions parfois très difficiles dans lesquelles elle peut advenir. Et parce que chaque personne mérite un infini respect, elle ne peut être achetée, congelée, manipulée, tuée, ni même être le projet de quelqu’un, si bien intentionné soit-il.
Nous voulons que ce respect se traduise dans la politique de notre pays, nous voulons que cesse ce qui s’apparente en réalité à un trafic d’êtres humains ou les transgressions éthiques font la richesse de quelques experts de la procréatique. Pour ce qui est de l’avortement comme tel, il est évident que l’interdire ne suffit pas, il serait d’ailleurs criminel de se limiter à cela.
La culture de vie, ce n’est pas d’abord le refus de l’IVG, c’est un système politique et social fondé sur une solidarité réelle, qui soutient les femmes enceinte, ou sexualité rime avec responsabilité. Les partisans de l’avortement nous disent souvent que refuser l’avortement, c’est condamner les femmes à mourir d’un avortement clandestin… Le sophisme est manifeste et pourtant il continue d’empoisonner le débat. A l’évidence, si nous pensons que la vie est infiniment précieuse, ce n’est pas pour rester indifférent à la mort d’une femme ! Nous voulons sauver les deux vies, celle de la mère et de l’enfant !
Enfin, il faut dire qu’il subsiste hélas toujours des cas limites, des exceptions. C’est vrai, interdire l’IVG pourrait conduire certaines à prendre le risque de l’avortement clandestin. En réalité, ce risque existe aussi en France aujourd’hui quand le délai légal des 12 semaines est dépassé. La seule manière d’éviter absolument tout IVG clandestin serait de l’autoriser jusqu’à la fin de l’accouchement… […]