Article rédigé par vice.com, le 22 décembre 2018
Source [vice.com] On a discuté avec quatre jeunes qui ont choisi la foi chrétienne plutôt que de passer leur vie devant un écran plasma à regarder « Les Anges de la Téléréalité ».
Malgré une image à la fois ringarde et répréhensible dues aux déviances condamnables des générations précédentes, Charles, David, Johan et Jérémy parlent ouvertement de cette vocation qui les lie autant à Dieu ainsi que des besoins courants des croyants, alternant bible et smartphone. Leur quotidien relève plutôt d’un don de soi total et d’une recherche du bonheur à travers Dieu, avec des journées parfois plus chargées que celles d’un médecin de campagne. Malgré une crise des vocations, la proportion de prêtres pour le nombre de pratiquants reste bonne. Pour le devenir, il faut passer par le séminaire : l’école des prêtres.
Le séminaire dure six ans, où chacun mûrit ce projet de vie radical, découvre et teste l’isolement, comme le célibat. La formation du prêtre comporte quatre dimensions : spirituelle, pastorale, humaine (diplomatie du quotidien) et intellectuelle (philosophie puis théologie). Il arrive souvent que certains réalisent ne pas être transcendés et abandonnent ou changent de voie en cours de cursus.
Cette année 114 prêtres ont été ordonnés en France, mais rares sont les non-croyants à savoir de quoi la foi catholique est-elle vraiment le nom, et pourquoi certains lui consacrent encore leur vie quand on peut passer sa vie devant un écran plasma à regarder Les Anges de la Téléréalité du matin au soir entre deux journées de boulot dans le tertiaire.
David, 33 ans, prêtre
Vivant dès l'âge de 17 ans avec sa grand mère, David assiste à sa première messe à 20 ans. Habité mais rêvant d’être vétérinaire, il passe un bac S puis réalise que Dieu est sa seule passion. Il fait les démarches pour devenir prêtre, un curé lui dit de revenir après avoir plus travaillé et vécu. Il vends alors des chaussures pendant deux ans puis démissionne. Le même jour, il se tourne vers Dieu : « Je ne savais pas ce qu’était être prêtre mais c’est ce que je voulais ». Il entre au séminaire à 24 ans avant d’être nommé dans le 93 pour y agir « au nom du patron ».
David est devenu prêtre « pour être heureux » bien que « selon la société, ce métier offre tout pour rater sa vie : pas d’argent, pas de carrière, pas de famille... et la Seine-Saint-Denis ». Aujourd’hui, Montfermeil et sa réputation sulfureuse rassemblent quatre prêtres pour une population mixte. David prend ce qui l’intéresse dans chaque rite traditionnel, progressiste ou charismatique, et ne définit pas son rôle comme celui d’un animateur, d’un aide sociale ou d’un psychologue. Il n’est là que pour la foi. Pas celle qui endort les gens mais celle qui les réveille. Je comprends mieux sa collection de DVD Star Wars dont les enjeux et la grande quête lui parlent particulièrement.
David et ses collègues sont aussi confrontés à de l’intégrisme islamiste, parfois prôné par des ex-catholiques reconvertis. Il considère cela comme une bonne leçon donnée à l’église : « Depuis les années soixante les chrétiens ont trop édulcoré leur approche alors que l’homme a besoin de cadres, ce que propose justement cet islam radical. Oser exiger beaucoup de tes disciples prouve ta confiance en eux, ce qui est exploité par certains islamistes qui disent que « si le prêtre, contrairement à l’imam, te laisse aller au foot plutôt qu’à la messe, c’est qu’il sait qu’il a tort et que son Dieu est faible. » En 2018 l’église récolte ces mauvais fruits qu’elle a semés ». Avec ses propres fidèles il compare le catéchisme à l’école : « l’enfant n’a pas envie d’y aller mais il le doit pour apprendre à se construire ».
Diplomate du quotidien, David raconte ce mariage où les familles souhaitaient du Céline Dion pendant la messe : « D’accord si on envoie un "notre père" au vin d’honneur ». Il tient à ce que tous gardent un bon souvenir de l’église et accepte tout ce qui a du sens pour les paroissiens, en restant compatible avec sa vision de la foi et de l’église. Son avis sur la question du célibat : « Même selon Dieu "l’homme n’est pas fait pour être seul". Ce célibat, qui serait impraticable sans le soutien de la foi, a pourtant un sens évident : la solitude permet le développement d’un amour supérieur. » Et comme David donne tout par amour, il se considère comme « déjà pris », distinguant bien plaisir et bonheur. Dans 10 ans il ne sera plus à Montfermeil mais toujours dans le 93 qui l’a vu naître et qu’il garde dans son coeur. Quand il me dépose au RER, sa voiture envoie un vieux Snoop Dog. David ajoute : « Dieu n’est pas forcément un obstacle au bonheur ».