Article rédigé par Atlantico, le 07 décembre 2018
Source [Atlantico] Les fractures qui divisent aujourd'hui la société sont plus visibles que jamais avec la France des Gilets Jaunes qui s'oppose dans la rue à la "Macronie".
Atlantico : Dans une note publiée en février dernier vous (Jérôme Fourquet) évoquiez la sécession des élites dans un processus lancé depuis 1985, une analyse qui peut venir en miroir d'une nouvelle note publiée le 28 novembre dernier, sur les fractures françaises révélées par les Gilets jaunes". Comment expliquer que ces fractures latentes viennent à s'ouvrir aujourd'hui, quel en a été le processus, d'un point de vue politique, sur les 30 dernières années ?
Jérôme Fourquet : La note rédigée à l'époque revenait sur un processus multiforme qui avait abouti à cette situation qu'une élite (plus caractérisée en termes de niveau de diplômes qu'en terme de richesse), la partie la plus éduquée qui correspondrait à 5 à 10% de la population s'était très fortement autonomisée culturellement et donc aussi psychologiquement et sociologiquement du reste du corps social.
Différents processus ont abouti à cela. Tout d'abord, nous sommes dans un prisme géographique. On note une concentration des CSP + dans le cœur des grandes métropoles (très visible à Paris, car on observait 25% de la population CSP+ en 82, contre50% en 2014).
On a donc une homogénéisation géographique et une concentration de ces populations. Ce qui ne facilite pas la mixité et l'échange avec les autres catégories qui n'ont pas disparu mais nous avons une telle proportion de cadres qui fait que l'on peut vivre en osmose dans un milieu où l'on ne trouve quasiment que ses semblables.
Cela a toujours existé. Mais ça a pris des proportions astronomiques à la fois en termes de taux mais également en temps d'espace concerné.
Nous avons également un phénomène de ségrégation éducative et sociale qui s'est mis en place dans les écoles avec l'investissement massif des cadres dans les écoles A côté de cela nous avons le phénomène des colonies de vacances de moins en moins mixtes socialement et qui s'adresse de plus en plus au milieu les plus modestes. Les classes moyennes ne sont pas assez aidées financièrement pour y avoir accès et les clases privilégiées ne les y envoient pas et préfèrent les séjours à thèmes plus fortement facturées.
Autre exemple, la disparition du service militaire qui, jusqu'au début des années 90 faisait qu'à peu près deux tiers d'une classe masculine avait une expérience commune de 10 mois ou un an. En sommes, il y a toute une série d'institution, de lieux, ou de moment, qui étaient des occasions de brassages et qui permettaient aux membres de ces classes favorisées de côtoyer le reste de la population qui se sont refermé ou qui ont disparus.
Tout ça a fait que petit à petit nous avons des classes dirigeantes qui vivent en autarcie les unes avec les autres et avec des occasions de contact de moins en moins évidentes et courantes avec le reste de la population.
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