Article rédigé par Aleteia - Jean Michel Olivereau, le 27 novembre 2018
Source [Jean Michel Olivereau] Avec Internet, la pornographie touche la société toute entière : de jeunes enfants en sont aussi victimes. Ces mœurs n’ont rien à voir avec l’amour dont l’Évangile révèle la beauté. Il importe d’être conscient du mal fait par l’industrie qui répand et exploite ces images et d’aider à y résister.
1.
Malgré son sens étymologique, la pornographie – représentation (graphos) des prostituées (pornaï) – ne se limite pas à des images ou des écrits : il s’agit d’une perversion des mœurs dont les multiples ramifications altèrent aussi bien l’éducation des enfants que l’harmonie des couples et le tissu sociétal. Cependant, la dimension « image » de la pornographie est importante, car son impact est démultiplié par les avancées technologiques des médias qui amplifient le pouvoir de fascination des images et en facilitent l’accès.
La perception visuelle des caractères sexuels du sexe opposé échappe difficilement à certains stéréotypes
La silhouette féminine en sablier asymétrique est une image archétypale à laquelle sont sensibles les sujets masculin, comme en témoignent les concours de beauté où les trois mensurations – tours de poitrine, de taille et de bassin – semblent incontournables. On vient même de démontrer que les hommes préfèrent les silhouettes féminines dont la courbure lombaire est très proche de 45°. Cet angle correspond en fait à un optimum pour combiner grossesses et activité soutenue, ce qui montre que la nature gère les stimuli érogènes en fonction de la reproduction. Ainsi, le pouvoir séducteur de l’ampleur de la poitrine féminine est évidemment indissociable de sa capacité à allaiter, ce qui est vital pour la progéniture. Au demeurant, ces mécanismes perceptifs rudimentaires, fort utiles à la perpétuation de l’espèce, sont totalement inadéquats pour permettre une véritable rencontre de l’autre dans la complémentarité des sexes. Ces signifiants élémentaires ne sauraient épuiser ni même évoquer la richesse de la personne aimée, même s’ils peuvent contribuer utilement à l’attachement.
Se polariser sur ces caractéristiques physiques du sexe est extrêmement réducteur et peut conduire à la pornographie
Ces stimuli sexuels perceptifs présentent deux insuffisances majeures :
- Ils sont radicalement anonymes, impersonnels et incapables d’entretenir l’amour. Une vie de fidélité conjugale demandera de refuser de donner suite aux multiples stimuli érogènes (réels ou en images) provenant d’autres personnes que le conjoint.
- Ils peuvent – en s’appliquant aux organes sexuels eux-mêmes et dans un contexte voulu d’impudicité – être amplifiés, déformés et idolâtrés pour former les racines du voyeurisme et du fétichisme de la pornographie. Cette fragilité humaine représente un risque réel pour l’individu comme pour le couple.
Dès 1989, Douglas T. Kenrick démontrait qu’après avoir regardé un magazine érotique, les hommes se disaient alors moins épris de leur épouse. C’est le piège de ce type de regard réducteur qui explique la dureté apparente de l’Évangile : « ... Moi je vous dis : Quiconque regarde une femme pour la convoiter a déjà commis l'adultère avec elle dans son cœur » (Matthieu 5,28). Ces perceptions sexuelles sont essentiellement le fait du sexe masculin, plus prédateur. Cependant, l’émancipation sexuelle du sexe féminin fait que certaines femmes, par imitation ou par expression de tendances latentes jusqu’alors refoulées, manifestent maintenant des réactions similaires devant des images réductrices de la masculinité.
La révolution politico-sexuelle post-1968 a été un tournant décisif en ce domaine
Une période de développement technologique et économique ayant rendu la vie quotidienne plus facile, en procurant maintes commodités ignorées des générations précédentes, on pouvait s’attendre, dès les années 60, à ce que les Occidentaux, de plus en plus consommateurs de confort et de plaisirs, en demandent toujours plus, y compris dans le domaine de la sexualité. Deux avancées biomédicales (les antibiotiques jugulant les maladies vénériennes et la contraception hormonale) allaient permettre cette libération sexuelle. Celle-ci tourna bien vite à la licence et se manifesta d’emblée par une profusion de productions érotico-pornographiques. Écrits, émissions radio et TV, films, revues et même catalogues familiaux de mode se sont mise à suggérer, décrire et exhiber, à grande échelle, ce qui était jusqu’alors considéré comme impudique, dégradant et vulgaire. Même ceux qui désapprouvaient ce type de production ne purent les éviter complètement tant elles devinrent omniprésentes. Cependant, cette explosion de permissivité fut aussi l’aboutissement de tout un processus idéologique antérieur que nous évoquons ailleurs (voir le point 4 ci-dessous).
Le développement des médias et moyens de communication a démultiplié la diffusion et l’impact des images pornographiques
Les images érotico-pornographiques existent depuis toujours. Présentes à Pompéi, elles sont déjà ébauchées dans les peintures préhistoriques. Cependant, les graphismes anciens ne représentaient que des humains abstraits. Avec l’avènement de la photographie, ce sont maintenant des personnes réelles qui deviennent des images-objets et sont réduites à leur corps sexué. Le cinéma, la télévision en couleur (et bientôt en relief) ne font qu’amplifier l’impact de ces images et l’avilissement vécu et assumé qui en découle. L’impact de ces images est important, car le spectateur, bien qu’il sache que ce spectacle n’est formé que d’images artificielles, n’oublie pas que de véritables personnes ont accepté qu’elles soient prises. Ces images ne font pas que restituer le comportement d’autrui, elles s’immiscent dans celui du spectateur. En effet, grâce aux techniques d’imagerie cérébrale, on sait que faire soi-même une action – ou bien voir quelqu’un d’autre l’accomplir – active dans le cerveau des régions quasiment identiques. On comprend mieux ainsi la capacité des films érotico-pornographiques à affecter la conscience du spectateur.
2.
La pornographie correspond à une recherche délibérée d’une forme effrénée et transgressive d’excitation sexuelle. Non seulement elle détourne de la sexualité vécue comme recherche d’un plaisir commun et d’une forme d’échange, mais aussi, indirectement, elle la dissocie de sa dimension vitale qu’est la procréation. Sans doute parce qu’il est plus insidieux et rarement recherché comme tel, son effet le plus dommageable est une véritable détérioration de l’autre et de soi-même, de la liberté, de l’intériorité, du sens de l’altérité et donc de la capacité à aimer en vérité.
Au minimum, la pornographie ramène l’acte sexuel à une pulsion hygiénique animale
C’est ce qu’exprime en termes crus le turbulent fondateur de l’antipsychiatrie, Thomas Szasz : « Le film porno type montre […] la dépersonnalisation absolue de l’acte le plus intime, la transformation de l’activité sexuelle humaine en une procédure bestiale où le bon orgasme correspond à une bonne défécation. » Wilhelm Reich pour sa part, est enthousiaste : « Ce que nous sommes en train de vivre, c’est une profonde révolution de la vie culturelle[…] Les sens de l’animal homme s’éveillent d’un sommeil millénaire. […] Ce mouvement ne peut plus être arrêté ! » Ce retour à l’animal est étonnamment bien accepté. L’affirmation de John Stuart Mill (philosophe anglais du XIXe siècle) ne semble maintenant plus aussi convaincante : « Peu d’humains accepteraient d’être réduits au statut de vil animal contre la promesse d’une vie entière vouée au plaisir bestial. Nous préférons notre condition d’humain insatisfait à celle de porc comblé ». L'option « porc comblé » apparaît actuellement comme une option banale et familière. Certains ambitionnent même de donner à cette réduction une portée métaphysique. Michel Onfray, qui fut d’abord un héraut de la libération sexuelle, affirmait ainsi à la télévision : « Je baise donc je suis ».
Une volonté d’abaisser l’homme lui-même en-deçà de l’humain et du vivant le réduit à l’état de machine, d’objet
Par les comportements qu’elle exhibe et qu’elle induit, la pornographie fait pire que de réduire la sexualité aux pulsions animales : elle représente une volonté d’abaisser l’homme lui-même en-deçà de l’humain et du vivant ; elle le réduit à l’état de machine et d’objet. En un scénario dramatique, plus l’homme se comporte en machine, plus la femme est réduite à l’état d’objet, et plus la femme s’accepte et s’exhibe en tant qu’objet, plus elle induit chez l’homme une sexualité machinale. Par effet miroir, cette double attitude est tragiquement auto-amplificatrice : en une réciprocité perverse, chacun y devient à la fois victime et bourreau de l’autre. C’est une inversion totale, une corruption radicale de l'amour conjugal véritable. Aucune sexualité amoureuse ne peut se fonder sur une fusion corporelle réduite au machinal et assortie de la réciprocité d’un double abaissement : celui du cœur et celui de l’esprit. Comme le note le philosophe Dominique Folscheid : « Le dispositif est entièrement inversé. Tout ce qui s’offrait en montée, on aspire à le vivre en descente. [...] C’est toujours en-dessous que se cache la jouissance » (Sexe mécanique, 2002). Il faut noter que cette sexualité dégradée est a priori déconnectée de la reproduction, car cette option vers une autre vie l’ennoblirait ; or l’avilissement est un « plus recherché comme tel ».
La femme est complètement détruite dans la pornographie
Non seulement son image, mais sa dignité, sa personne même, sont plus que niées : elles sont réellement déconstruites. La femme s’y trouve réduite à une collection d’organes excitants, à des morceaux d’elle-même (ce qui évoque les pulsions partielles de l’approche psychanalytique). Ainsi, le psychiatre belge Paul Verhaeghe remarque : « À l’arrivée, l’autre (la partenaire) attend en qualité de sujet, tandis que la pulsion n’a besoin que d’une partie de l’autre, [que de] quelque chose de partiel... ». La femme essaye parfois d’instrumentaliser ces pulsions partielles. Ainsi, une marque de sous-vêtements fit même une pub sur ce thème : « Mes jambes, tu les aimes ? Et mes fesses, et mes seins ? » etc.
Malheureusement, un stock de pièces détachées ne constitue pas une personne. Dans ce cas, la personne disparaît, car elle n’est plus nécessaire, les pièces détachées d’innombrables femmes étant interchangeables ! Paradoxalement, il n’est que deux façons de consommer de l’humain par morceaux, et de le réifier (chosifier) : le cannibalisme et la pornographie en acte. On peut regretter l’époque ou un athée comme Albert Camus (1913-1960) pouvait s’insurger : « Est-ce que l’on fait la nomenclature des charmes d’une femme aimée ? Non, on l’aime en bloc, si j’ose dire ».
Certaines vedettes de cinéma reconnaissent l’aspect déshumanisant des scènes de sexe
Cela leur rapporte pourtant beaucoup d'argent, car la dégradation sexuelle (de la femme surtout) non seulement fascine, mais se vend très bien. De fait, nombre d’actrices doivent un succès soudain à une scène dite « torride » et en réalité tout simplement vulgaire et dégradante : ces scènes sont assimilables à de la pornographie. Paradoxalement, malgré l’appât de gains substantiels, et même si certaines ont récidivé, écoutons leur désarroi : « Le fait de déshabiller systématiquement les filles au cinéma, ce n’est qu’un truc d’après 68. [...] Moi, je suis très pudique et tourner à poil, j’en ai chialé. C’était l’horreur. J’en ai même vomi. Je crois que je ne recommencerai jamais » (Béatrice Dalle). « Je me suis sentie trahie, complètement déboussolée et j’ai craqué. J’avais honte de moi. Cela m’a valu une dépression et un mois d’hôpital psychiatrique » (Fiona Gélin). « Pendant deux ans, j’ai arrêté de tourner comme pour me purifier. Je pensais au rachat de mon âme, aux enfants que j’aurais un jour. Je ne voulais pas qu’ils aient honte de leur mère » (Valérie Kaprisky).
Mais la pornographie peut conduire à des perversions bien plus graves
Freud a montré que « les impulsions de cruauté ont des sources distinctes de celles de la sexualité, mais elles peuvent s’unir très tôt à celle-ci. » Le succès planétaire (plus de cent millions d’exemplaires vendus en 2015) d’une trilogie vantant les nuances d’un pseudo-amour gravement obscurci par les pratiques sadomasochistes montre que ce qui était (avant 1968) catalogué en psychiatrie comme une perversion est accepté maintenant comme une façon de pimenter la vie sexuelle. Les deux aristocratiques écrivains – le marquis de Sade au XVIIIe siècle et Leopold von Sader-Masoch au XIXe – dont les noms sont à l’origine de ce que l’on nomme maintenant une « paraphilie » (façon d’aimer autrement), étaient de véritables pervers, comme ces citations le montrent : « Éteins ton âme, […] tâche de te faire des plaisirs de tout ce qui alarme ton cœur » ; « prenons l’habitude et le remord s’évanouira, le crime répété rend impassible » ; « tant pis s’il y a des victimes, il en faut. » (Sade). « Le moment exaltant de l’amour, ce fut toujours, pour moi, le passage du social au naturel, le retour à la bête » (Sacher-Masoch). Au vu d’une telle involution, on ne peut que s’émerveiller devant la prescience d’Albert Camus qui écrivait : « Deux siècles à l’avance, […)] Sade a seulement cru qu’une société basée sur la liberté du crime devait aller avec la liberté des mœurs. […] Notre temps s’est borné à fondre curieusement son rêve de république universelle et sa technique d’avilissement ». Babel plus Sodome : quel sinistre programme !
Comme toutes les drogues, la pornographie produit une habituation conduisant à une inflation des besoins et de la « consommation »
Pour obtenir le même degré de jouissance de leurs clients, ceux qui produisent et vendent de la pornographie ne cessent de proposer des transgressions de plus en plus déshumanisantes. Plus la victime est nantie initialement d’une dignité particulière (entre autres religieuse), plus l’avilissement à laquelle elle est conduite – par l’être le plus abject possible auquel elle se donne –, plus sera importante la provocation à l’excitation perverse. Cette hauteur de chute n’a cessé d’augmenter depuis la libération sexuelle des années 60. Aux dernières nouvelles, la bestialité ne suffisant sans doute plus, les scénaristes du porno en sont maintenant, à l’aide d’images de synthèse, à mobiliser les plus cruels et répugnants animaux préhistoriques ! On voit ici que la sexualité dénaturée aveugle tellement ses consommateurs qu’elle peut aussi les conduire jusqu’à une réelle débilité intellectuelle. Michela Marzano (philosophe de la sexualité) constate d’ailleurs que s’adonner à la pornographie conduit non seulement à « mourir à la vie, mourir au désir », mais aussi « mourir à la pensée » (2003).
La pornographie est à l’origine de véritables addictions
Les raisons en sont multiples. Tout d’abord la pornographie met en jeu ce que l’on appelle les pulsions sexuelles (liées à l’équilibre hormonal), lesquelles sont parmi les plus difficiles à contrôler. Mais la pornographie a aussi une dimension sidérante intellectualisée, car elle réalise – mais en sens inverse – des prodiges de même ampleur que ceux qui caractérisent les contes de fées. En effet, ceux-ci transforment soudainement une bête monstrueuse en prince charmant, ou un misérable pantin-jouet en un beau petit garçon ; une pauvre fille souffre-douleur y devient aimée comme une princesse, etc. Or la pornographie, par ses pires variantes, opère des transmutations exactement inverses ! La déchéance physique et morale d’une personne humaine est, hélas, un spectacle qui peut fasciner, et pas seulement les pervers – un peu comme le dynamitage d’immeubles imposants attire de nombreux spectateurs. Sur le plan neurologique, on constate que l’activité cérébrale des victimes d’addiction sexuelle reflète celle observée chez les personnes victimes d’une addiction à des drogues chimiques (Valerie Voon, Cambridge, 2014).
Cette addiction, qui touche environ 10% des internautes masculins, est un véritable fléau qui frappe à l’intérieur des familles
Tout particulièrement les plus jeunes. Près de la moitié des familles se sentiraient menacées par cette drogue, et la pornographie est de plus en plus impliquée dans les divorces. Cette dépendance n’épargne pas les acteurs qui, dans le cadre de leur profession, jouent en ce domaine avec le feu. En effet, il est des comportements innés avec lesquels on ne peut guère faire semblant, parce qu’ils sont, à leur base, pilotés par des logiciels cérébraux que nous ne maîtrisons que difficilement. Certaines célébrités américaines se sont soumises à des cures de désintoxication. Il existe, en France et ailleurs, des associations de « sexoliques anonymes » s’aidant mutuellement à sortir de la servitude. Comme pour les alcooliques, la moindre récidive peut ramener à l’état d’addiction. Or il est plus facile de ne pas ingérer d’alcool que d’empêcher les images érotiques omniprésentes d’atteindre notre rétine.
3.
Si la pornographie ne touchait qu’une minorité d’individus, comme ce fut le cas jusque dans les années 60, ce ne serait que l’un des malheurs pouvant affecter la liberté humaine. Mais sa diffusion et son emprise sur les mœurs sont telles dans toutes les cultures, dans tous les milieux et parmi toutes les générations, qu’elle représente un fléau d’ampleur mondiale qui pèse lourdement non seulement sur la dignité humaine, mais aussi sur les valeurs et les équilibres sociétaux qui y sont liés.
L’importance de la pornographie consommée par Internet est réellement considérable
- 12% des sites sont pornographiques. Il y en aurait 25 millions dans le monde entier (2010).
- 25% des recherches d’informations et 35% des téléchargements concernent la pornographie.
- Chaque jour, 2,5 milliards d’emails ont un contenu pornographique plus de 8% du total du trafic.)
- Aux États-Unis, 70% des hommes âgés de 18 à 24 ans consultent les sites pornographiques.
- Aux États-Unis, un tiers des consommateurs de pornographie sont des femmes.
- La consultation de ces sites se poursuit même au bureau (20% des hommes, 13% des femmes).
- L’âge moyen du premier contact avec la pornographie par Internet est de 11 ans ! Parmi les 14-18 ans en Europe, 80% des garçons et 45% des filles, avaient en 2011 vu au moins un film X dans l’année. Les trois quarts consulteraient chaque jour des sites pornographiques.
- Chaque seconde, plus de trois millions de dollars sont dépensés dans ce domaine.
- Le porno via Internet rapporte 2,8 milliards de dollars par an aux États-Unis (près de cinq pour la planète).
- La pornographie sous toutes ses formes rapportait 97 milliards par an au début du XXIe siècle.
Source principale: http://www.journaldugeek.com/2010/06/02/quelques-chiffres-pour-le-porn-sur-internet/La vogue des smartphones s’accompagne de la diffusion d’images pornographiques privées
Le « sexting » devient fréquent chez les moins de 25 ans : 35% (1 sur 2 au Canada) ont reçu des photos ou des vidéos exhibitionnistes d'autrui et 25% ont envoyé ce type d’images. Des préados de plus en plus jeunes sont victimes de ces diffusions « privées ». Ceux qui les reçoivent sont six fois plus susceptibles de passer à l’acte que les autres. On a observé que certaines filles ayant divulgué leur intimité (qui devient très souvent publique malgré elles) en viennent à tenter de se suicider. Données 2013, Source : http://www.ifop.com/media/poll/2219-1-study_file.pdf
La facilité d’accès à la pornographie diminue la liberté de la refuser
L’exercice de notre liberté exige souvent la prise de conscience – laborieuse –d’être sur une mauvaise pente. Mais la pente n’est guère perceptible, si c’est un puits dans lequel on peut chuter presque par mégarde, l’exercice de la liberté devient beaucoup plus délicat. Prenons un exemple réel : dans la Russie tsariste, à la fin du XIXe siècle, un jeune garçon est devenu accro aux images pornographiques ; mais les obtenir est une aventure difficile, risquée, et la pente est longue. De nos jours, un garçonnet semblable au jeune Léon Trotski (1879-1940) n’aurait qu’à faire quelques clics sur son smartphone ! Cette facilité d’un accès soudain au porno explique pour une part cette maladie contagieuse de notre époque où « un monde entièrement voué au sexe est à l’œuvre 24 heures sur 24, ignorant les fuseaux horaires, prêt à jaillir en pleine page ou en plein écran sitôt qu’on lui en offre la plus minime occasion » (Dominique Folscheid). Comme le notait la philosophe Simone Weil, réfléchissant sur les risques encourus par la pureté : « Quoi de plus facile ? Pas de point de rupture ; quand on voit le fossé, on l’a déjà franchi. Pour le bien, c’est tout le contraire ; le fossé est vu quand il est à franchir [...]. On ne tombe pas dans le bien ! ».
La pornographie atteint et affecte spécifiquement, de plus en plus, les adolescents
Pour en prendre la mesure, Il suffit d’écouter des responsables de l’éducation sexuelle intervenant dans le cadre de l’Éducation nationale : « Il y a quarante ans (avant 1968), la naïveté des enfants des écoles était extraordinaire ». Aujourd’hui, les questions des écoliers de dix ans la feraient presque rougir. C’est affreux et cela tient essentiellement aux films X » (2006). Une autre, médecin, précise : « Les jeunes sont exposés de plus en plus tôt et de plus en plus fréquemment au porno. La référence au X est constante. Lorsque j'arrive en CM 2 [...] ils me parlent […] de tout le catalogue X. Il y a quelques années, on parlait de sentiments et de biologie. Au collège, c’est plus impressionnant encore : on parle des pratiques extrêmes qui font partie des figures imposées du « hardeur ». » (L’Express, 2006). L’éducation sexuelle laïque n’améliore pas cette lamentable situation. Au début des années 2000, Jack Lang, ministre de l’Éducation nationale, avait prévu un manuel d’éducation sexuelle, sous forme de cassettes suggestives que les enseignants ne purent que surnommer « L’Emmanuelle scolaire » ! L’Europe ne présente aucune garantie : un sexologue danois (le professeur Christian Graugaard), a proposé l’introduction de la pornographie à l’école, pour rendre les cours d’éducation sexuelle plus attrayants (2015). Les dégâts observés chez les préadolescents ne sont pas que moraux ; ils sont aussi intellectuels : leur curiosité naturelle pour le monde qui les entoure risque de se réduire du fait de leur focalisation sur les questions sexuelles. Freud avait parfaitement compris que « la sexualité, si elle se manifestait de façon trop précoce, romprait toutes les barrières et emporterait tous les résultats si péniblement acquis par la culture » (Cf. la vidéo ▶ Sexy inc. Nos enfants sous influence. - YouTube).
Cette consommation de pornographie dégrade gravement les rapports entre les sexes
C’est vrai même pour certains pensionnaires des maisons de retraite, dont les comportementsparadoxaux choquent les jeunes aides-soignantes pourtant très « libérées ». Mais ce fléau frappe spécifiquement les jeunes générations. Dès 2008, aux États-Unis, 25% des filles (14-18 ans) présentaient au moins une maladie sexuellement transmissible (Center for Disease Control). L’une des raisons de la vaccination de fillettes de 11 ans contre le papillomavirus est la banalisation des rapports oro-génitaux chez les « teens » (augmentation des cancers de la gorge de 72% de 2000 à 2004). Puisque la sexualité réifiante conduit à dégrader l’estime de l’autre et ce qui reste de l’amour, il n’est pas étonnant que l’American Psychological Association ait relevé en 2013 que la violence physique est présente dans une liaison sur trois chez les 14-20 ans. Cette violence n’est pas l’apanage des garçons puisqu’ils représentent 40% des victimes. L’association entre sexualité et violence se poursuit dans les universités américaines, où 25% des étudiantes sont victimes de viols ou de tentatives de viol, par des copains de fac (2013). Sigmund Freud (1856-1939) notait que « l’amour physique sans tendresse est une névrose ». Il est même devenu un fléau social.
Une triste nouveauté apparue avec le XXIe siècle est l’introduction de la pornographie comme composante habituelle de la sexualité d’un nombre croissant de couples
Et dans les émissions de téléréalité, lesquelles tentent souvent de faire passer le marginal pour le normal, on voit des couples ordinaires exposer leurs pratiques sodomiques sans la moindre pudeur. Le fait que la pornographie soit devenue une habitude domestique s’explique aisément par l’omniprésence des stimuli insidieux ou frontaux que la société ne cesse d’imposer à tous, et même aux enfants, pour lesquels la pornographie, trop souvent, tient lieu d’éducation sexuelle. On leur fait croire que les comportements statistiquement majoritaires représentent une nouvelle loi morale. Cette pornographie domestique a aussi un aspect exhibitionniste, puisque, dès les débuts des années 2000, la pornographie amateur proposait 3 500 000 pages sur Internet ! Lorsque les préadolescents ont accès à ce répertoire domestique, ils en déduisent, hélas pas toujours à tort, que c’est cela la sexualité de leurs parents – ce qui mine un peu plus l’autorité de ceux-ci.
4.
Les moteurs et les prétextes de la diffusion de la pornographie sont multiples. La pornographie estune industrie rentable, mais c’est aussi un levier pour promouvoir des changements régressifs dans les mœurs, en politique et dans les religions. C’est aussi un instrument de gouvernance. Les prétextes : liberté, catharsis, hygiène sociale, érotisme esthétique, etc. sont nombreux et tous fallacieux.
La pornographie et les comportements dégradés et obsessionnels qu’elle induit sont un moyen d’obnubiler la population, de l’anesthésier pour mieux la manipuler
Déjà l’encyclopédiste athée et sensualiste Helvétius (1715-1771) conseillait : « Le législateur habile joindra un gouvernement utile avec l'amour des plaisirs. Oui, la règle la plus sûre pour rendre un peuple soumis, c'est qu'en suivant sa nature, à ses sens tout soit permis. » Plus près de nous, Soljenitsyne constatait : « On asservit plus facilement un peuple par la pornographie, qu’avec des miradors ». Lorsque l’on considère les mauvaises situations (démographique, économique, sécuritaire) éthique de l’Occident postchrétien, on doit se poser la question suivante : aurait-il été possible de conduire obstinément ces populations dans des directions périlleuses, si elles n’avaient pas été simultanément anesthésiées par l’exacerbation du goût du plaisir facile ? Dans ce cocktail anesthésique, il est indubitable qu’une sexualité débridée par la pornographie a joué un rôle majeur. Dès le début de la révolution sexuelle aux États-Unis, Pitrim Sorokin (directeur du département de sociologie à Harvard) avait prévenu : « Il n’y a pas d’exemple d’une communauté qui ait gardé sa haute position dans la hiérarchie des cultures après avoir remplacé des coutumes strictes envers la sexualité par des coutumes relâchées. »
La pornographie est instrumentalisable pour promouvoir la désintégration sociale en vue d’une révolution
C’est ce que prévoyait le psychanalyste marxiste Wilhelm Reich (1897-1957) : « Le mouvement révolutionnaire construit tout d’abord une idéologie favorable au sexe, en donnant à celle-ci la forme pratique d’une nouvelle législation et d’un nouveau mode de vie sexuel ». Et le philosophe marxiste Herbert Marcuse (1898-1979) constatait : « La révolution sexuelle qui se tourne contre la morale dominante doit, en tant que facteur désintégrateur, être prise au sérieux. » Staline n’était pas en reste : « Il faut rendre ridicule toute maîtrise sexuelle. Par le gaspillage des forces de production, nous devons affaiblir et épuiser l’homme de l’Occident. » André Breton (1896-1966, surréaliste mêlant érotisme et sadisme) voulait « libérer » la femme pour « miner les assises de la civilisation » en utilisant « l’arme à longue portée du cynisme sexuel ». L’un des écrivains dont les écrits préparèrent directement mai 68 (Raoul Vanaeigem, marxiste situationniste) est encore plus explicite : « Le déchaînement du plaisir sans restriction est la voie la plus sûre vers la révolution de la vie quotidienne […] Cette société marchande […], je soutiens qu’elle ne résistera pas aux guerriers du plaisir à outrance. » Dans ce désir de désintégration, toutes les « paraphilies » sont pour certains mobilisables. Ainsi, Françoise d’Eaubonne – 1920-2005, cofondatrice du Mouvement de Libération des Femmes (MLF) et du Front homosexuel d’Action révolutionaire (FHAR) – affirmait : « Vous dites que la société doit intégrer les homosexuels ; moi je dis que les homosexuels doivent désintégrer la société » (1971).
La pornographie est un moyen d’amoindrir le christianisme et, indirectement, de promouvoir des politiques qui lui sont contraires
Dès 1838, « Vindice » (pseudonyme d’un responsable de la Haute Vente Maçonnique italienne) déclarait : « [Les] bases de l’ordre social peuvent crouler sous la corruption. Ne nous lassons donc jamais de corrompre. Faites des cœurs vicieux et vous n’aurez plus de catholiques ». Plus récemment et dans un style plus direct, le cinéaste Luis Buñuel (1900-1983, marxiste anticatholique militant) annonçait : « J’introduirai la prostitution jusque dans les familles. Sous une forme plus subtile, la même stratégie était présente dans le Rapport sur le comportement sexuel des Français, remis au gouvernement en 1972 sous la responsabilité du docteur Pierre Simon (Grand-Maître de la Grande Loge de France) et auteur d’une préface édifiante. On y apprend que « la vie est un matériau qui se gère » et que « dans le camp des progressistes [celui de l’auteur], la modification politique et sociale doit se faire autour de nos pulsions et pour leur satisfaction », entre autres pour «congédier la transcendance et saluer la matière ». Ce rapport pourrait se résumer dans le paganisme fermé à tout avenir de la citation de Nietzsche placée au début : « Ô mon âme, je t’ai appris à dire aujourd’hui. Je t’ai lavée de la pudeur et de la vertu mesquine et je t’ai appris à te lever nue sous les rayons du soleil ».
Le premier des arguments avancés en faveur de la pornographie est de libérer l’individu. Mais nous avons vu que, sur le plan de l’esprit, elle conduit à la servitude
Cette contrainte est présente au niveau même de la vie sexuelle théoriquement libérée. Le sexologue Giorgio Abraham l’explicite : « Si on essaie de démolir les tabous, une autre réglementation est recherchée […]. Ce n’est plus le fait de se demander si une activité sexuelle donnée est permise ou pas, mais si l’inactivité sexuelle est permise ou pas. […] On se sentira alors coupable de la même façon que l’on pouvait se sentir coupable dans le passé par rapport à la morale transgressée. » Deux auteurs évoqués ici par ailleurs (respectivement aux points 5 et 4) comme chantres du sexualisme, revenus de cette prétendue libération, ont émis des propos significatifs après mai 68 : « L’érotisme cesse d’être l’expression de l’individu. C’est l’individu maintenant qui n’est plus qu’un moyen » (André Malraux, 1901-1976). « Le plaisir obligatoire remplace le plaisir prohibé. La jouissance s’affronte à la façon d’un examen, avec échec ou réussite à la clé. […] On se jetait jadis sur les plaisirs […]. Maintenant ce sont les plaisirs qui se jettent sur nous » (Raoul Vanaeigem, 1979). Notre époque est celle de la dérision et Mgr Tony Anatrella (psychanalyste, sexologue) en analyse parfaitement la signification en rapport avec cette libération ratée : « La dérision, tant à la mode aujourd’hui (…) traduit une déception : c’est une façon de dire que l'on n’arrive pas à trouver sexuellement son plaisir. »
On prétend que, par un effet cathartique, la pornographie entraînerait un assainissement des mœurs
Wilhelm Reich décrivait ainsi les conséquences théoriques de la libre sexualité : « Dès lors que les besoins génitaux de base sont satisfaits », comme par enchantement toutes les perversions sexuelles sont censées disparaître : « Le rapport avec une prostituée devient impossible ; les fantaisies sadiques disparaissent ; […] violer le partenaire devient inconcevable, ainsi que l’idée de séduire des enfants ; les perversions anales, exhibitionnistes ou autres disparaissent… » ! Son disciple Reimut Reiche affirmait encore en 1968 : « De ce fait, une morale sexuelle […] devient superflue ». Un tel aveuglement traduit une grave distorsion de la pensée. En fait, « beaucoup de violeurs et de personnes qui se livrent à des voies de fait sur des enfants disent qu’elles ont imité des actes vus dans des films pornographiques » (Thomas Szasz, 1920-2012, psychiatre hongrois émigré aux États-Unis et critique des fondements scientifiques du freudisme, citant Victor B. Cline, un collègue psychologue de l’Université de l’Utah). Le rôle incitatif des films pornographiques est tel que les pédophiles s’en servent pour séduire et salir leurs malheureuses petites victimes. Que 85% de l’industrie pornographique soit aux mains du crime organisé, c’est-à-dire de pourrisseurs de la société, va de soi.
La pornographie ne serait que de l’érotisme, voire une façon d’exprimer des thèses
La frontière entre érotisme et pornographie a toujours été floue, et elle l’est plus que jamais. En témoignent ces citations de « pornocrates » aux antipodes de la morale, d’Alain Robbe-Grillet (1922-2008, romancier cinéaste et académicien) : « La pornographie, c’est l’érotisme des autres ! », à Catherine Millet (auteur à succès de La Vie sexuelle de Catherine M., 2001) : « Érotisme et pornographie, aujourd’hui, ça ne veut plus dire grand-chose », parce qu’ils deviennent indiscernables entre eux et le plus souvent, de la vie courante. Ceci est dû en partie au phénomène d’inflation et l’écrivain Gilles Lapouge remarque que « l'érotisme est souvent la pornographie de la veille ». Les subterfuges pour masquer la pornographie sont nombreux Il y a l’appel à l’esthétique, comme si l’adjonction du beau pouvait faire autre chose que d’augmenter le pouvoir de séduction de l’abaissement. Il y a enfin le moyen « légal » : il suffit d'ajouter une thèse ou un message à portée pseudo-philosophique pour que la diffusion des images pornographiques soit légitimée. Ainsi, Catherine Breillat ayant produit un film salace de plus, pouvait se réjouir : « La commission de classification a compris qu’il ne s’agissait pas d’un porno, mais d’un devoir de philo. C’est pour cela que le film n’a été interdit qu’au moins de 16 ans ». Dès le début de la révolution sexuelle, un philosophe né dans le « sexualisme » (son père traduisit Freud) ne s’y trompa pas et dénonça le nouvel érotisme : « L’érotisme accablant, suffocant où nous sommes plongés, et qui sert […] à abêtir le genre humain, n’est ni une cause, ni une conséquence de la sécheresse contemporaine ; il est cette sécheresse elle-même » (Vladimir Jankélévitch, 1903-1985).
5.
L’Évangile et les mœurs pornographiques sont incompatibles. Ce n’est pas une question de pudibonderie. C’est une question de dispositions relationnelles, et plus fondamentalement d’amour avec un A majuscule. Par l’indigente instantanéité du jouir (suivant la formule du philosophe Gabriel Marcel, 1889-1973) qui l’obsède, par l’égoïsme, voire l’agressivité, qui l’accompagne, par le désir de salissure qui la fonde, par l’idolâtrie qu’elle promeut, la pornographie mine tout rapport à nous-mêmes, à l’autre et à Dieu.
Les chantres d’une sexualité transgressive vantent eux-mêmes l’interférence, voire l’antagonisme, entre ces pratiques et le rapport aux valeurs et à Dieu :
- Sade (1797) : « Il n’est rien de sacré. Tout [...] doit plier sous le joug de nos fougueux travers ». « Respectons éternellement le vice et ne frappons que la vertu. »
- Bakounine (1876) : « Il nous faudra réveiller le diable chez le peuple et exciter en lui les passions les plus viles », clamait ce héraut de l’anarchisme et de la libre sexualité.
- Georges Bataille (1947) : « Il n’y a plus rien en nous qui mérite d’être nommé sacré, qui mérite d’être nommé bien, sinon le déchaînement des passions. »
- André Malraux (1958) : « Ce n’est pas par la conscience de ce qu’il a de particulier que l’individu s’atteint ; c’est par la conscience plus forte de ce qu’il a de commun avec autrui et qui n’est ni son âme, mais son sexe. »« En narguant les bonnes mœurs, il s’agit de narguer Dieu – et aussi de le nier – au nom des hommes », disait en 2001 Jean-Jacques Pauvert, éditeur d’ouvrages licencieux.
Cette forme de transgression se montre particulièrement apte à s’opposer à toute transcendance
En considérant ce type de profession de non foi, on comprend mieux cette profonde réflexion de Gustave Thibon (1903-2001) : « Tu t’affliges de voir de quoi les hommes sont esclaves. Pour avoir la clef de ce mystère d’abaissement, cherche donc de Qui ils ont refusé d’être les serviteurs ».
Ceci confirme l’intuition de sainte Catherine de Sienne, Docteur de l’Église au XIVe siècle : « En étant privé de la pureté, nous sommes privés de Dieu » et donc de la Vie. Rappelons ici cet avertissement de Georges Bernanos (écrivain, 1888-1948) : « Lorsque vous aurez tari chez les êtres, non seulement le langage, mais jusqu’au sentiment de pureté, [de sorte] que la luxure apparaisse ainsi qu’un appétit des entrailles analogue aux autres, alors […] je vous annonce une rage de suicides contre laquelle vous ne pourrez rien ». Notre « culture de mort » n’est pas autre chose qu’une rage multiforme de suicides.Tout couple qui se veut chrétien devra être vigilant, car la frontière entre érotisme conjugal et pornographie est fragile
La séduction érotique à l’intérieur du couple marié est légitime. Cependant tout couple qui se veut chrétien devra être vigilant, car la frontière entre érotisme conjugal et pornographie est fragile et les mimétismes à la mode peuvent la rendre incertaine. Dans un monde où, dès avant l’adolescence, nombreux sont ceux qui ont été confrontées aux images dégradantes et obsédantes de l’éroto-pornographie, il devient difficile aux couples de ne pas introduire dans leurs jeux amoureux, machinalement et parce que tout le monde le fait, des pratiques scabreuses, voire incompatibles avec la dignité humaine et donc la morale chrétienne. Au demeurant, les listes du permis et du défendu varient suivant les théologiens, ce qui est normal étant donné qu’ils ne peuvent codifier toutes les circonstances et les intentionnalités en jeu. Mais il faut se méfier de la morale contextuelle qui se meut si facilement en morale à la carte. En ce domaine, un repère (certes insuffisant) pourrait-être cette déclaration de Louis Pauwels (écrivain, 1929-1997), revenu des illusions du sexe transgressif, et qui se convertit sur le tard : « Je te désire, donc je suis ; tu m’excites, donc tu m’empêches d’être. » Ce sont des questions qui devraient être abordées entre époux à tête reposée, car dans le feu de l’action, comme le dit l’écrivain Georges Bataille (1897-1962), « l’exubérance sexuelle nous éloigne de la conscience, et altère en nous la faculté de discernement ». Enfin, les libidos variant selon les individus. Il est utile de rappeler, avec le sexologue Sylvain Mimoun, qu’« il y a de nombreux couples pour qui le contexte de la sexualité conjugale est presque une histoire de compromis entre ce qu’elle attend de la vie et ce qu’il attend du sexe » (2001).
La notion de licence, voire d’adultère entre époux, à l’intérieur même du mariage est une notion ancienne que l’on trouve déjà chez Plutarque
« La pudeur d’une épouse ne doit point tomber avec la robe qui la dépouille ». Cette notion d’adultère dans le mariage, du fait d’un regard chosifiant, fut évoquée par saint Jean-Paul II dans son audience publique du 8 octobre 1980 (Le Monde, 11.10.80) : « Même s'il s'agit de sa propre femme, un tel regard de l'homme, utilitariste, la réduit à l'état de l'objet de son propre instinct». Un écrivain lui répondit vertement en arguant du fait que désirer sa femme n’est pas un péché. Certes, mais le désir n’est pas un argument suffisant, car c’est une dynamique qui ignore elle-même ses limites ; c’est une notion floue, qui peut recouvrir des projets fort différents. Le désir est une entité pulsionnelle, facilement explosive et peu maîtrisable ; ce n’est pas une composante assez fiable pour la laisser à elle seule avaliser ce qui convient à l’amour véritable. On justifiait jadis la prostitution par ce que certains maris y trouvaient ce qu’ils n’osaient pas demander à leur femme. Maintenant que la plupart l’obtiennent, alors que la prostitution continue de proliférer, on peut constater l’échec de ladite libération des mœurs et son opposition à l’Évangile. En effet, saint Paul nous rappelle que « sous l’emprise de la chair, on ne peut pas plaire à Dieu » (Romains 8,8).
Contrairement à ce qui semblerait évident, poser des limites à l’expression du désir sexuel ne l’amoindrit pas, mais au contraire le stabilise en le structurant
Comme le reconnaissent les psychanalystes, hors de toute morale chrétienne, « la limite est constitutive du désir » (Sigmund Freud, 1856-1939) et « le désir est structuré par un manque » (Jacques Lacan, 1901-1981). Une des conséquences de la déstructuration du désir pouvant miner la libido (par absence de limites) se rencontre chez ces couples qui, à force d’en vouloir toujours plus, en voulant imiter et suivre l’inflation pornographique, n’y arrivent plus. Nombre de sexologues ont noté l’afflux soudain de couples de patients consultants après la diffusion d’un nouveau film hard qu’ils avaient voulu imiter ! On voit aussi des jouisseurs invétérés s’imposer des périodes de continence pour pouvoir sauver leur désir. D’ailleurs, la jouissance, le plaisir seraient-ils illimités au point qu’ils sauraient apporter le bonheur ? Le philosophe Alain (1868-1951) nous prévient que « les plaisirs ont grand besoin de bonheur », et Jean Cocteau (1889-1963), esthète affranchi, constate : « À force de plaisir, notre bonheur s’abîme ». On peut donc conclure avec Paul Verhaeghe (voir ci-dessus au point 2) que « la poursuite du maximum de satisfaction sexuelle comme signe de bien-être psychologique […] est sans nul doute, l’un des plus grands mythes de l’ère contemporaine. […] Personne ne jouit moins que celui ou celle qui a tout vu et tout vécu ». Ajoutons : et au prix de transgressions déshumanisantes.