Article rédigé par Boulevard Voltaire, le 18 octobre 2018
Source [Boulevard Voltaire] Quand on est Président, il faut, plus que quiconque, tourner sept fois la langue dans sa bouche avant de parler. Emmanuel Macron ne l’aurait-il pas encore tout à fait intégré ?
C’était le 26 septembre dernier, à l’événement Goalkeepers, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Arpentant le podium, il déclare tout de go : « I always say : present me the lady who decided, being perfectly educated, to have seven, eight, nine children. »
Bien sûr, il faut remettre la phrase dans le contexte : son intervention évoquait la natalité en Afrique. Mais quelles que soient les femmes destinataires, dans son esprit, de ce compliment délicat – on s’étonne, d’ailleurs, qu’aucune féministe ne dénonce cette incursion autoritaire d’un « mâle blanc » dans l’intimité de femmes africaines, qui ne subissent peut-être pas toutes leur maternité, dont les enfants sont parfois la seule richesse et qui, après tout, ne sont en toute logique pas les seules (quid des pères ?) à devoir être interpellées -, les mots ont un sens et ils ont de quoi mettre en colère les mères de famille XXL : niveau d’éducation et nombre d’enfants, selon Emmanuel Macron, seraient donc inversement proportionnels. Les berceaux contre le cerveau.
Certaines Américaines ont fort peu apprécié la plaisanterie – dire que l’on raille la goujaterie machiste de leur propre président… – et lui ont obligeamment envoyé une photo de leur (nombreuse) progéniture accompagnée de leurs (non moins nombreux) diplômes. C’est Catherine R. Pakaluk, professeur de recherche en sciences sociales et économie à l’université qui a créé le hashtag #PostCardsForMacron, partageant aussi sec un cliché de six de ses huit enfants.
On ne saurait trop déconseiller à notre Président de réitérer sa petite plaisanterie lors de son prochain voyage en Allemagne (oui, même là-bas… on ne peut décidément faire confiance à personne), surtout s’il veut poursuivre la coopération militaire entre nos deux pays : le ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, est mère de sept enfants.
À dire vrai, leurs french sisters n’ont pas tellement ri non plus. Les familles conservatrices nombreuses ne sont pas l’apanage des États-Unis. Dans la propre patrie d’Emmanuel Macron, il est des milieux – il est vrai méconnus – qui aiment la vie et n’ont de cesse de le montrer, parfois dans les grandes largeurs. N’en déplaise aux idées reçues, pas seulement dans les rangs issus de la diversité. Personne ne s’est donc demandé, au gouvernement, pourquoi les cortèges de la Manif pour tous étaient si pleins de jeunes et d’enfants ? À la veille d’une possible nouvelle bronca, la question, pourtant, pourrait ne pas manquer d’intérêt. Les jeunes de 2012 sont sans doute devenus des adultes, parfois eux-mêmes parents, les enfants, sûrement des adolescents, tandis que grandissaient selon toute probabilité… d’autres enfants. Cela s’appelle une démultiplication. Mais vous avez raison, c’est un autre sujet dont nous aurons, qui sait, l’occasion de reparler.
Ceux qui les côtoient savent qu’il vaut mieux éviter de trop mettre en pétard les mères de famille (très) nombreuse, elles ne pourraient mener leur « petit » monde tambour battant et licou serré sans un caractère un peu trempé et une bonne dose de combativité. Il n’y a pas si longtemps, la nation leur manifestait sa reconnaissance, aujourd’hui on les prétend dénuées d’intelligence ? Loin, de l’autre côté de l’Atlantique, elles envoient des cartes postales virtuelles. En France, elles pourraient choisir, en sus du hashtag, de se se déplacer. Pour se présenter, pardi, et faire montre de leur parfaite éducation en allant prendre le thé le petit doigt en l’air à l’Élysée. Ce n’est pas ce qu’Emmanuel Macron demandait ?