Article rédigé par Boulevard Voltaire, le 15 octobre 2018
Source [Boulevard Voltaire]
Pour Boulevard Voltaire, Philippe de Villiers présente Le Mystère Clovis. Dans ce livre écrit à la première personne, il donne la parole au roi mérovingien et fait revivre sa conversion.
Le récit met également en lumière la parenté troublante entre le contexte historique ayant entraîné la chute de l’Empire romain et la situation de l’Europe actuelle.
En quoi Clovis est-il un mystère ?
C’est d’abord le mystère de la date. Selon l’Histoire académique et canonique, le baptême aurait eu lieu en 496 après la victoire de Tolbiac. D’après l’historiographie la plus récente et mes recherches personnelles, il est très clair que le baptême a eu lieu plus tard, en 508. Selon moi, c’est beaucoup plus beau. Il ne se convertit pas après une bataille, fût-elle glorieuse, mais en allant sur le seuil de Monseigneur Martin. À ce moment-là, il est touché par le manteau.
Ce mystère de la date en entraîne un autre. Quel est le degré de sincérité de Clovis ? S’agit-il d’un baptême stratégique ou une conversion du coeur ? Ma réponse est simple et claire. Ce sont les deux. Mais il ne faut pas oublier la deuxième dimension, c’est-à-dire la vraie dimension du baptême personnel. Il faut rappeler que le matin même de la bataille de Tolbiac, Clovis prie le dieu Wotan des walkyries sur leur nuage de soufre. C’est un païen avec une religion violente. Comment la transmission du fond romain, la romanitas, a-t-elle pu se faire entre les mains de ce Germain, ce barbare ? Cela relève du miracle. Comment la transmission a-t-elle pu se faire entre l’Empire mort en 476 avec le petit Romulus Augustule destitué par le Skire Odoacre, et puis ce Franc, ce barbare, rustre et violent, mais qui va devenir un conquérant conquis par sa conquête ?
Clovis était appelé le petit roi de Tournai, son royaume était tout petit et il avait des ennemis terribles comme Alaric, les Burgondes ou les Alamans.
Comment a-t-il pu dans ces conditions devenir le fondateur de la monarchie franque puis française ? Le fait qu’il ait réussi à ne pas disparaître lui-même est un miracle au sens militaire du terme…
Oui, c’est un miracle. Quand Clovis est hissé sur le pavois en 481, succédant à son père Childéric, la partie occidentale de l’Empire romain, la pars occidentalis, n’existe plus.
La nature ayant horreur du vide, la logique, dans le sens de ce qui paraît inéluctable, prédit que la Gothia va succéder à la Romania. L’évêque Rémi et l’évêque Avictus le disent ainsi.
Autour de Clovis qui est païen, tous les autres sont ariens, les Burgondes, les Ostrogoths, les Wisigoths et les Vandales. Le roi des Wisigoths est infiniment plus puissant que le petit roi de Tournai. La logique est que Clovis devienne arien. C’est d’ailleurs sa tentation. Il est en effet plus facile quand on croit en Wotan, le dieu unique, de devenir arien que de devenir catholique nicéen. En effet, pour cela, il faut croire à la trinité, alors que dans la religion arienne, il y a un seul dieu, le Christ n’est pas une personne divine. Tout concourt donc à installer ce jeune chef tribal dans la religion arienne.
C’est là le génie des maisons mitrées des pontifes et des évêques, et notamment de Rémi. Celui-ci préfère miser sur un païen qui ne croit en rien plutôt que sur un arien qui est un hérétique. Pourtant, la logique aurait voulu que les évêques s’appuyassent sur les puissants. Ils s’appuient finalement sur le plus faible, le petit roi de Tournai, mais sans rien lui demander. Ce n’est que plus tard que Rémi demandera à Clovis d’épouser une princesse burgonde, elle-même nicéenne, catholique et nièce de Gondebaud, un roi arien.
Vous avez écrit votre livre à la première personne comme vous l’avez fait pour Charrette et pour d’autres.
Pourquoi cet emploi de la première personne ?
Pourquoi écrire maintenant sur Clovis ?
J’écris à la première personne parce que c’est plus vivant. Je rêvais moi-même de lire un jour les mémoires de Clovis, son testament. Cela met Clovis à la portée des nouvelles générations.
J’ai voulu écrire un livre sur Clovis maintenant, parce qu’ il y a une parenté entre la fin de l’Empire romain et l’époque que nous vivons. Le renversement de l’État de droit. Quand les puissants imposent leur loi, alors que le droit est fait pour protéger les faibles, les enfants et les vieillards. Cela me frappe beaucoup. Et entre l’Homo Festivus de Philippe Muray et la Rome festive de la Felicitas, il y a des points communs.
Un autre point est la contre-société qui s’installe chez nous avec un danger de partition. Nous n’avons pas retenu la leçon des Romains. La noblesse sénatoriale romaine passait son temps à s’occuper de ses baignoires tout en confiant les travaux des portefaix et des porteurs d’eau aux barbares qui gardaient aussi les frontières. Ils n’ont pas écouté l’apostrophe de l’évêque Synésios de Cyrène en 399 qui dit à l’Empereur : « il faut être fou pour confier sa propre sécurité à des gens qui n’ont pas été élevés avec les mêmes mœurs et sous les mêmes lois. »
Entre la chute de l’Empire romain et la situation de l’Europe d’aujourd’hui, il y a une parenté étroite. L’infanticide, l’avortement, l’affaissement des mœurs et surtout la fin du Mos Majorum. Ils étaient ceux qui tenaient les vertus civiques à Rome avec la pietas et la fides, c’est-à-dire la piété filiale, la filiation, et la fides, le respect des anciens.
Polybe, l’écrivain et historien grec avait dit :« un pays ne meurt pas parce qu’il est envahi, il meurt parce que d’abord, il se laisse aller au mal qui le ronge ».
Il suffit d’écouter le ministre de l’Intérieur. Il parle comme un livre. Notre pays aujourd’hui vit à la fois un changement de population et de civilisation. Il y a une parenté étroite avec l’idée de décadence et de déclin quand un pays n’a plus envie de vivre et stérilise la vie.
Gérard Collomb a déclaré il y a deux jours « nous vivons côte à côte, j’ai peur qu’un jour on soit contraint de vivre face à face ».
Dans votre livre, on voit le parallèle avec le nouveau. Vous parlez notamment des Alamans, des Burgondes, en somme ces migrants qui viennent avec le coutelas facile. Difficile de ne pas faire de parallèle. On a l’impression qu’il nous manque un Clovis qui surgira du chaos…
Ce n’est pas moi qui fais le parallèle, c’est l’Histoire. Il y a quand même une grande différence avec la situation d’aujourd’hui. Au temps de la fin de l’Empire, du petit Romulus Augustule, le petit empereur fantoche, l’Empire romain s’effondre et les barbares arrivent. La romanitas, la civilisation romaine, va alors conquérir les barbares. Les raisons sont qu’ils sont peu nombreux et que, malgré tout, la force de cette civilisation s’impose à eux et le conquérant se laisse conquérir par sa conquête.
Face à ceux qu’on appelle aujourd’hui, les réfugiés, dans une logique qui se voudrait humanitaire, en somme une invasion douce, il y a deux solutions. Soit ce sont eux qui nous conquièrent avec leurs lois, leur mode de vie, le halal, le voile et les mosquées, soit c’est nous qui avons la force de les conquérir, c’est-à-dire de les assimiler en leur disant « à Rome, on vit comme les Romains ». En France, on vit comme les Français. Et ceux qui ne veulent pas vivre comme les Français, elles ne peuvent pas rester.
Le Puy du Fou, en plus de la sortie de ce livre sur Clovis, va sortir un spectacle dédié à Clovis….
Le Puy du Fou, c’est le légendaire français. Il y a encore des petits trous dans le gruyère. On ne peut pas faire le légendaire français sans Clovis, et sans expliquer que le règne de Clovis est un règne fondateur.
Il l’est pour deux raisons. La première, Clovis est celui qui fait la bonne combinaison des territoires. Il va vaincre les Goths et les Ariens. Il va imposer les vérités du concile de Nicée à tous les peuples de la Gaule. C’est en cela que le baptême de Clovis est aussi le baptême de la France. C’est un choix dogmatique.
La deuxième chose qui est stupéfiante, c’est que Clovis à Tours se voit remettre par les émissaires de l’Empereur de Constantinople, Anastase, le titre de consul, le diplôme, le diadème et la chlamyde de l’Empereur. Il devient le continuateur de l’Empire romain. C’est Clovis, le Germain, Clovis, le barbare, qui porte en lui, et transmet jusqu’à nous, la Romania, la Romanitas et la romanité.
Tout notre édifice juridique, moral et spirituel dépend de Clovis et j’ajouterais aussi toutes les fondations de l’Europe. Derrière Clovis, il y a Récarède, le roi d’Espagne, qui se fait baptiser, puis Saint Étienne plus tard et même Vladimir à Chersonèse. À chaque fois, ils évoquent Clovis.