L'Eglise catholique après le rapport Vigano
Article rédigé par Roland Hureaux, le 10 octobre 2018 L'Eglise catholique après le rapport Vigano

Quelques  semaines n’étaient pas de trop  pour mesurer la  portée du  témoignage produit  par Mgr Carlo Vigano , archevêque et ancien nonce apostolique à Washington, au sujet des réseaux homosexuels et  de leurs soutiens  dans l’Eglise.

C’est un document très grave que très peu se sont   avisés  de mettre  en doute, tant l’archevêque a une  réputation de rigueur. Le pape n’ a pas voulu le commenter. Tout au  plus  certains  murmurent-t-ils que  le nonce serait un  conservateur aigri, mais sans  remettre en cause le contenu de ses déclarations.

A  un moment où  tout le monde revendique la transparence, comment reprocher à Mgr Vigano d’avoir parlé comme il l’a fait ? N’est-ce pas  la déférence hiérarchique et la crainte du scandale qui sont à l’origine de toutes les formes d’omerta  condamnées   aujourd’hui à  juste titre.  Et le 5e commandement,  qui impose d’honorer son   père,  qu’il soit digne ou non,   n’interdit pas la lucidité .

Les médias du mainstream  international,  qui veulent garder un pape favorable à la thèse du réchauffement  climatique et aux migrations,  ont  vite changé de sujet. Il leur sera cependant difficile de résister à la pression de la base et même d’une partie de la hiérarchie qui, surtout aux Etats-Unis,  réclame que toute la vérité soit faite. On ne saurait en  en tous les cas mettre au panier le document Vigano sans examen.

Que faut-il en retenir ?

D’abord qu’il existe bien quelque  chose comme un réseau homosexuel ou pro-homosexuel  ( n’employons pas le mot gay dans une si triste affaire)  , tissé par cooptation ,  sinon dans l’Eglise universelle, du moins aux Etats-Unis et  à  la  Curie, ce dont  beaucoup  jusque-là   doutaient.   L’ancien nonce  n’hésite pas à employer le mot de mafia.

Ensuite cette  idée  très politiquement  incorrecte  que  ce réseau recouvre   assez largement  aujourd’hui  l’aile dite  progressiste de l’Eglise,   au moins aux Etats-Unis[1]. Une exception est citée. Le plus étonnant est que, pour dire cela,   Mgr Vigano se fonde  sur une confidence du pape François lui-même , non démentie : « quand je dis de gauche, je veux dire homosexuel ».

Glissement pouvant être également sujet à controverse de  l’homosexualité à l’abus  d’enfants dont les victimes  sont , selon une étude du John Jay Criminal Justice College , à 80 % des garçons.

Le rôle central de MacCormick

Il ressort clairement du rapport qu’un  personnage joue et  a  joué un rôle clef dans ces dérives :  Théodore McCarrick , ancien archevêque de  Washington et ancien cardinal [2].   Benoît XVI avait  bien pris des  mesures contre lui ,   lui  imposant une vie de  prière et de pénitence , lui interdisant toute  apparition ou  déclaration publiques. L’  autorité chancelante de l’ancien pape pourrait avoir réduit la portée de ces mesures.  Toujours selon Mgr Vigano, l’ancien archevêque de Washington,  avait été auparavant protégé  par de   proches collaborateurs de Jean-Paul II vieillissant : Sodano, Bertone.  

L’élection du pape François a  été accueillie   avec satisfaction par le membres du  réseau évoqué , ce qui ne veut  pas dire qu’ils  l’on fait élire – en  avaient-ils les  moyens ?  A tout le  moins y ont-ils contribué, peut-être en appui d’autres réseaux.

Le pape François a , sinon en droit,    du moins de fait , levé les sanctions  dont faisait l’objet Mgr McCarrick , allant jusqu’à en faire son conseiller officieux. Il aurait  été chargé d’une mission en Chine par le pape et même en Centrafrique par …le Département d’Etat, selon les déclarations de l’intéressé que l’âge a pu rendre   quelque peu cabotin .

Jusqu’à  quel point est  allée  cette collaboration avec François ? C’est   sur la suggestion  de  McCarrick  qu’ont été apparemment  désignés aux Etats-Unis plusieurs nouveaux évêques[3] de la mouvance progressiste  ( c’est  ainsi que leur nomination avait été  présentée en son temps ),  deux dont  Mgr Joseph Cupich, archevêque de Chicago,  ayant  été nommés immédiatement cardinaux. 

Il avait été dit qu’ils étaient plus sensibles  au souci de combattre les inégalités ou l’exclusion que de rappeler la morale sexuelle de l ’Eglise, comme si   la discrétion sur cette dernière   était  une  garantie d’esprit  social . Jésus  a interdit  le   divorce , était-il pour cela moins tourné vers  l’amour des pauvres ?  

D’autres, de la même mouvance , tel l’actuel archevêque de Washington, Mgr Wuerl, successeur de  McCarrick et sans doute  coopté par lui,   avaient été désignés plus tôt.

Non contents  d’être   promus  aux Etats-Unis , les prélats de cette orientation l’ont été  depuis 2013  à la Curie, à des postes clef  où se fait le choix de évêques. 

Mgr Vigano pense que le pape François ne pouvait pas ignorer qui  était Mgr McCarrick, ce qui est assez vraisemblable.

En parallèle avec la société

S’il y a bien  une organisation en réseau de gens se cooptant à  des postes élevés ,  ceux qui sont ou   ont peut-être  été il y a plusieurs décennies, à origine de  ces réseaux sont-ils  de bons prélats dévoyés  ou bien des infiltrés dont le but était dès le départ de  saper l’Eglise de l’intérieur ? Voilà quelque chose qu’on n’aurait pas imaginé  il y a quelque années. Un George Soros n’a pourtant  pas caché son intention d’influencer l’Eglise catholique en interne. Sans tomber dans le complotisme, il se peut que les scandales actuels viennent moins  d’une corruption interne que d’une offensive délibérée. Difficile d’entrer dans la conscience de quelqu’un  comme Théodore  MacCarrick. Il est cependant probable que si infiltration il y a , elle sera plus facile à un homosexuel qu’à un homme  qui aurait  vocation au mariage,  lequel aura  autre chose à faire qu’à  porter une fausse soutane toute sa vie.

Comme une telle infiltration n’a pu se faire d’emblée au plus haut niveau de la hiérarchie, elle semble  concomitante des débuts du mouvement homosexuel, soit les années soixante-dix et quatre-vingt. Le tempo de l’Eglise est en phase avec celui de la société.  

Sans que cela soit dit explicitement , on pressent dans ces turpitudes l’importance des questions d’argent. Non que  les intéressés auraient  agi  par appât  du gain, mais du simple fait que  l’Eglise de Rome dont les charges sont très lourdes   tire depuis longtemps  le diable par la queue  -    expression particulièrement  appropriée !  Or  sa principale ressource financière   se trouvant aux Etats-Unis, cela donnait un poids  considérable   à un  MacCarrick   président la Papal Foundation  et qui semble  avoir eu beaucoup d’entregent  pour mobiliser des donateurs riches.

Des complaisances analogues sont relevées en Italie,  au Chili ou encore au Honduras, pays de l’influent cardinal Madariaga  très proche du pape  et également mis en cause par l’ancien nonce.

La responsabilité  du pape Francois dans la tolérance des dérives  évoquées semble lourde. Ce que l’on reproche au cardinal  Philippe Barbarin , archevêque de Lyon,  la non dénonciation d’un  curé de paroisse repenti et amendé depuis plus de trente ans , n’est en  comparaison qu’une peccadille.

Nous n’avons pas qualité  pour  demander, comme le fait Mgr Vigano,  au pape François de démissionner.  A d’autres époques, quand l’Eglise voulait se purger, elle dressait des bûchers, y compris pour certains évêques. Ce n’est évidemment plus de saison.   Mais  ce ne  sont pas quelques repentances de plus , exercice de  moins en moins crédible,  qui  videront l’abcès.  L’actuel pape  est   peut-être mieux placé que quiconque pour révoquer avec la  dernière  énergie tous ceux qui sont compromis  avec les réseaux dont il est question, même si c’est lui qui les a nommés . Au niveau le plus élevé, l’ingratitude, si ingratitude il y a, peut être une vertu comme l’avait montré  en son temps saint Thomas Becket. Le Saint Père apporterait ainsi la preuve qu’il est libre.

 

Roland HUREAUX

 

[1] Ce n’était pas le cas au temps du père Maciel, réputé conservateur.

[2] Il a démissionné de cette fonction en 2018.

[3] Notamment Chicago, Newark, San Diego.