Article rédigé par Roger Akl, le 23 août 2018
Source [Boulevard Voltaire] L’information est passée inaperçue en cette fin d’été mais elle est d’importance et suscite des interrogations. Un ancien haut dirigeant du Mossad, Tamir Pardo, dans une interview au Jerusalem Post du 17 août, reprise le lendemain par L’Orient-Le Jour, livre un « plan révolutionnaire » pour venir à bout du Hezbollah : pour trouver une sortie pour Israël, après avoir essayé de détruire l’économie iranienne, il faudrait détruire ce qui reste de l’économie libanaise, déjà mise à mal par la gestion des politiciens pro-saoudiens, depuis des décennies, à commencer par Hariri père.
« Si Trump annonce des sanctions contre le Liban, comme il l’a fait contre l’Iran, l’économie libanaise ne pourra pas tenir plus de trois ou quatre mois. Le Liban n’est pas l’Iran, c’est un pays minuscule qui dépend de l’Occident et des pays sunnites modérés. […] Même s’il n’impose au Liban que certains aspects des sanctions imposées à l’Iran, cela reste un moyen beaucoup plus efficace que la guerre. »
Selon M. Pardo, cette option s’imposerait, après les précédentes tentatives d’Israël pour venir à bout du Hezbollah :
« Attaquer le Hezbollah sans attaquer tout le Liban, comme lors de la guerre de juillet-août 2006 (12 juillet – 14 août, NDLR) est un concept obsolète. […] Israël peut toujours faire la guerre au parti chiite… Théoriquement, nous pouvons résoudre ce problème avec une guerre. Mais pour vaincre définitivement le Hezbollah, il faudrait envahir le Liban du sud jusqu’au nord, à cause de leurs missiles à longue portée, [mais cela] augmenterait considérablement les pertes, qu’il s’agisse de civils libanais ou de soldats de l’armée israélienne. »
Sans compter les représailles sur le sol israélien. On comprend, dès lors, que puisse séduire ce plan à la Trump.
Mais ce plan ne laisse pas d’inquiéter et, s’il prenait quelque consistance, pourrait alimenter les craintes de ceux qui voient à l’origine des malheurs du Liban et de sa longue et terrible guerre civile une action conjointe des Américains, d’Israël et des pays arabes. Car tout a commencé quand Israël, ayant battu tous les pays arabes réunis, s’est décidé enfin à détruire le Liban, suivant un plan bien planifié, par Henry Kissinger, durant ses visites aux pays arabes, en 1973, et où il a qualifié Hafez el-Assad de Bismarck du Moyen-Orient. C’est qu’Arabes et Israéliens étaient d’accord pour lancer les Libanais les uns contre les autres, préparant une patrie de rechange aux Palestiniens. Et quoi de mieux que le Liban, qualifié avec mépris, par les Arabes, de « pays des bars et des putes ». Il fallait le détruire, ce pays aimé de tous, possédant des banques, ramassant tout l’argent du pétrole et, pire, vivant démocratiquement en partageant le pouvoir entre 18 communautés musulmanes, chrétiennes, et juive (!) et prouvant que l’apartheid d’Israël n’était pas du tout logique ni nécessaire, et surtout inhumain.
En 1975, les guerres confessionnelles commencèrent, encouragées par les Israéliens et les Occidentaux qui appuyaient les milices chrétiennes et par les Arabes, surtout pétroliers, qui appuyaient Palestiniens et milices musulmanes, surtout sunnites et druzes. Mais le Liban s’en sortit et, en 1983, le peuple libanais créa sa résistance, surtout chiite, qui finit par chasser les troupes multinationales et israéliennes du pays. L’armée israélienne « invincible » fut battue par la résistance du pays des bars et des putes et Israël n’ose plus s’attaquer au Liban depuis. D’où la création de tous les « printemps » arabes et guerres en couleur qui viennent encore une fois d’échouer aux portes de Damas.
Il faut espérer que ce plan restera lettre morte car ni le Liban ni Israël n’y gagneraient. Et il déstabiliserait davantage la région.