La dignité de l'engagement
Article rédigé par Constance Prazel, le 09 août 2018

L’engagement… un mot de plus que l’on pourrait ajouter au panthéon des valeurs politiques si tristement galvaudées. S’il a si mauvaise presse aujourd’hui, c’est peut-être pour avoir trop été utilisé pour défendre des causes qui ont perdu trop d’hommes. Il y eut des heures où « l’intellectuel engagé » figurait le cauchemar de l’homme censé…

Mais aujourd’hui, sans parler de tous ces humbles citoyens qui ne s’engagent plus ni dans un club de sport, ni dans une association caritative, et encore moins dans une famille, qui se dit encore fier de s’engager ? L’engagement se limite bien souvent à un emportement compassionnel de dix minutes par mois contre l’injustice dans le monde, et rejoint la masse sans saveur des actions intransitives.

C’est que, dans l’univers du consensus, l’homme aux convictions bien charpentées passe vite pour un fanatique. L’homme engagé ? Un exalté qui vient apporter le conflit, au beau milieu de la douce et confortable tiédeur des polémiques étouffées.

Mais il fait bon le rappeler : il y a une dignité de l’engagement ! Cette dignité, c’est celle des actes personnels qui vont donner une cohérence et une épaisseur humaine et sociale à une idée d’abord intellectuelle. S’engager, c’est assurer auprès des autres l’avenir des convictions qui nous font vivre ; c’est rappeler, dans une société à l’agitation toujours plus futile, qu’il existe des choses nobles et sérieuses dont nous avons soif, qu’il est possible de se donner à plus haut que soi et que c’est ainsi que l’on grandit.

C’est donc à une réflexion sur l’engagement que nous voulons vous inviter durant cet été. Pour cela, nous vous offrons un pot-pourri de textes de personnalités politiques et littéraires, de toutes époques, qui toutes ont su, en leur temps, témoigner de la noblesse d’un engagement au service de l’homme. Cicéron, mais aussi Tocqueville, ou même, et, plus proches de nous, Soljénistyne ou Revel : la vivacité de leur plume n’a d’égale que la fermeté et la clarté de leur vision, assortie à la conscience toujours vive du fragile équilibre qu’il faut sans cesse tenir entre la conviction et les actes, et qui fait tout le défi de l’engagement. Leur parole a d’autant plus de poids que, pour nombre d’entre eux, leur vie est le résumé flamboyant de ces déchirements.

Ce qui ne doit pas manquer de nous frapper, à la lecture de ces passages mémorables, c’est la très haute idée de la politique que se sont fait ces hommes : une politique qui croit que la société n’est rien sans devoirs, ni justice, ni morale, que la liberté sans l’esprit est sans emploi, qu’une société sans culture conduit les citoyens à l’aliénation. On est loin de cet intellectuel engagé que fustigeait Philippe Muray, reconnaissable à ce « qu'il commence par s'appuyer sur un sondage imbécile pour développer une pensée sans intérêt qui se conclut sur un appel à « réenchanter le débat politique », ou à « dépasser les schémas anciens ». On n’est jamais aussi peu engagé que lorsque l’on fait profession de son engagement, le plus souvent au nom de rien, d’ailleurs…

Ces textes seront émaillés de réflexions libres, pour prolonger les horizons découverts par ces glorieux prédécesseurs. La liberté des grands esprits est de toute époque ; les combats se ressemblent, et leur exemple doit être pour nous tous un excellent fortifiant dans l’adversité contemporaine. Avant nous, d’autres hommes ont su « raison garder ». Ils ont mis des mots sur leur soif d’idéal, sans pour autant se terrer dans le cabinet de l’homme d’esprit qui oublie que le monde tourne sans lui. A nous de relever un si digne héritage !

 

Constance Prazel

 

Déléguée générale de Liberté politique