Article rédigé par Constance Prazel, le 23 mars 2018
Mon Dieu, oui, pourquoi réélire Poutine, alors qu'on nous explique qu’il piétine les droits de l’homme, met son pays au ban de la communauté internationale, soutient des régimes dictatoriaux, fait passer des lois homophobes et méprise la démocratie ?
Témoignage récent d’une jeune guide russe, qui s’interrogeait sur l’hostilité des médias occidentaux, et plus spécifiquement français, à l’égard du président russe. Poutine n’est pas un ange, ça, on le sait, avouait-elle. Qui, en politique, peut prétendre être un ange ? A tout le moins, il nous a rendu à nouveau fiers d’être Russes. Il y a assez peu de vos chefs d’Etat occidentaux qui peuvent en dire autant.
Depuis Machiavel, on sait que politique et morale ne font pas nécessairement bon ménage. Vladimir Poutine ne serait pas démocratique… Quelle arrogance de la part de la France, qui oublie que la Russie n’a pas eu l’opportunité, dans son histoire, de pouvoir s’installer dans une pratique sereine et longue de la démocratie : quand, en 1991, cette fameuse démocratie, furtivement et mal expérimentée dans les années 1860-1880 et de 1905 à 1914, y a fait son retour, on ne peut pas dire que le terrain avait été favorablement préparé par les soixante-dix années précédentes. Poutine est réélu pour la 4e fois, à plus de 70 % des voix. Bourrage des urnes et pression politique inclus, nous dira-t-on. Compte tenu de la mascarade des dernières présidentielles françaises, certes sous des formes plus civilisées, quelle leçon de démocratie avons-nous à donner ?
Les censeurs d’aujourd’hui ont la mémoire courte quand ils prétendent ramener le bilan de Vladimir Poutine peu ou prou à celui de Boris Eltsine.
La fierté d’être Russe dont parlait cette jeune guide, ce n’est pas seulement exprimer un nationalisme bravache entretenu à coup de vodka. C’est regarder, lucidement, un certain nombre de faits, et comme chacun sait, les faits sont têtus.
En 1999, quand Boris Eltsine fait appel à Vladimir Poutine pour devenir son Premier ministre, le PIB russe est de 196 milliards de dollars.
En 2017, il atteint les 1 442 milliards de dollars.
La dette publique frôlait les 100 % du PIB, elle est aujourd’hui autour de 20 %.
En 2001, le célèbre historien des relations internationales Jean-Baptiste Duroselle dressait un portrait sinistre de la puissance déchue de l’ex-URSS : « Elle ne peut plus tenir le rôle qui fut le sien au temps de la guerre froide. Si elle dispose de moyens redoutables, elle a cessé de faire peur en dehors de ses frontières. Son économie bringuebale, avec des secteurs actifs et des secteurs déclinants, parfois moribonds. Son état politique suscite l’étonnement, les lamentations ou la colère. En un mot, elle ne saurait revendiquer le statut de superpuissance. » Il concluait : « Le moins que l’on puisse dire, c’est que la Russie est mal partie. »
En 2016, Poutine était reconnue par Forbes comme l’homme le plus puissant de la planète.
Que de chemin parcouru. Certes, tout n'est pas parfait en Russie. Le rétablissement économique n’est pas acquis (mais où l’est-il ?), la corruption persiste. Poutine s’en moque, il ne travaille que sur « l’essentiel. » Tout dépend ce que l’on entend par « essentiel », et c’est là qu’il y a matière à débat.
Aujourd’hui, les médias français, la classe politique bien-pensante aiment se faire peur, et nous faire peur, avec la Russie. Ils se sont trouvé un repoussoir commode, un méchant comme on les aime, qui coche avec un savoir-faire consommé toutes les cases qu’il ne faut pas cocher. Il ose parler de civilisation chrétienne, de famille, de valeurs, tous termes bannis de notre espace public. Et leur acharnement à le dénoncer est d’autant plus manifeste que le vent mauvais qu’il fait souffler vient d’un pays qui fut naguère le phare de la révolution pour tous les peuples. Quelle trahison.
Poutine a probablement des défauts. Mais il a compris une chose, que nos dirigeants mettent un soin tout particulier à oublier : on ne fait pas de politique sans amour pour son pays, et on ne dirige pas un pays sans croire en l’âme de son peuple. Et cela, les Russes, qui se pressent, quotidiennement, à la Galerie Tretiakov, pour rendre hommage et prier la Vierge de Vladimir, figure tutélaire de la Sainte Russie, lui en savent gré.
Pour la Russie, rien n’est encore gagné, car on ne sait pas ce que sera l’après Poutine. Mais une chose est sûre : on n’a pas à apprendre au peuple qui a résisté à l’invasion napoléonienne et au siège de Léningrad ce qu’est la tenacité et la foi en l’avenir.
Constance Prazel