Article rédigé par Constance Prazel, le 27 février 2018
Qu’est-ce que la Conservative Political Action Conference (CPAC) ?
Cette conférence annuelle organisée par des conservateurs américains rassemble chaque année près de 10 000 participants à Washington. A cette occasion, elle procède à l’élection de la personnalité conservatrice la plus représentative du moment, baromètre informel qui renseigne sur les possibles candidats à l’élection présidentielle pour le Parti Républicain. Derrière l’expression de « conservateurs américains », une réalité politique complexe et multiforme, tant il est vrai que cohabitent sous ce vocable des tendances jugées contradictoires à l’aune des critères politiques français : conservateurs fiscaux ou sociaux, droite religieuse, mais aussi libertariens ou les ambigus « néo-conservateurs. »
L’American Conservative Union, organisatrice de la CPAC, existe depuis 1964. Matthew Schlapp, son actuel président, définit ainsi sa vision du conservatisme : We begin with our philosophy (conservatism is the political philosophy that sovereignty resides in the person) and then apply our understanding of government (its essential role is to defend life, liberty and property). (Nous commençons par exprimer notre philosophie : le conservatisme est la philosophie politique qui fait reposer la souveraineté dans la personne humaine, puis nous développons ensuite notre compréhension du gouvernement : son rôle essentiel est de défendre la vie, la liberté et la propriété).
Outre l’organisation de la CPAC, l’ACU dirige cinq « centres » de réflexion politique, sur des thèmes aussi variés les Arts et la Culture, la Dignité humaine, la Diplomatie et la Direction de l’Etat, les Droits de propriété au 21ème siècle ou encore la Réforme de la justice.
Son action très américano-centrée n’empêche pas la participation, très ponctuelle il est vrai, de personnalités conservatrices du monde entier. Cette année, Nigel Farrage et Marion Maréchal-Le Pen étaient sur les rangs.
Une tribune impressionnante pour la jeune ex-députée française, soi-disant « retirée » de la vie politique, puisqu’il s’agissait de prendre la parole après Mike Pence, actuel Vice-président des Etats-Unis, et à jeu égal avec des ministres comme Betsy DeVos (Education) ou Ryan Zinke (Intérieur). And, as everyone knows, French accent is terrible, but so cute…
Une tribune précisément très politique, si l’on entend par ce terme un discours orienté vers la promotion d’une vision. Ce ne sera pas la première fois dans notre histoire que le détour par l’étranger permet de servir de révélateur aux passions françaises ; il faut une tribune américaine pour qu’une personnalité « politique », qu’elle nous pardonne cet adjectif malgré sa retraite, qui n’est certes pas une traversée du désert, assume ouvertement le terme de conservatisme, banni du débat politique français.
« Bien commun », « loi naturelle » et « morale collective » : quand avons-nous l’occasion d’entendre ces mots dans le débat public, aujourd’hui en France ?
Un conservatisme qui se nourrit d’indépendance nationale, et des libertés, au pluriel : liberté économique, liberté de conscience et d’expression que l’on n’imagine pas à sens unique. Un conservatisme, qui conserve, précisément, en revendiquant une nation enracinée dans son passé et ses traditions historiques. L’argument des 80 % de lois françaises imposées par Bruxelles trouve un écho particulier dans un pays qui a fait sa révolution sur la défense de la représentation nationale et sur le refus de règlements imposés par une réalité politique jugée étrangère, en son temps la couronne britannique.
Bien sûr, on aimerait rappeler à Marion Maréchal-Le Pen que le monde standardisé qu’elle dénonce avec justesse est soutenu, entretenu, exporté par les Etats-Unis avant d’être imposé par l’Union européenne, comme l’a tristement illustré le TAFTA, mais ce n’était pas certes pas le lieu où le dire… Ce qui est certain, c’est que la résistance à la standardisation culturelle et à la globalisation, d’où qu’elle vienne, n’est pas possible au sein des institutions européennes.
Marion Maréchal-Le Pen a le mérite, dans son discours, d’appeler à la résurrection d’une France éternelle, celle-là même, y compris sous un jour mythifié, qui était capable de faire battre le cœur d’un soldat américain en 1917 ou en 1944.
A l’écoute de cette intervention américaine, on mesure, au-delà des maladresses, la soif d’un discours global qu’elle nous révèle. On ne défend pas l’idée d’un père et d’une mère pour chaque enfant, sans se poser la question de la nation. On ne promeut pas « la liberté » en la segmentant en des champs d’application indépendants les uns des autres, mais en se posant la question de ses limites.
Ce que nous rappelle finalement Marion Maréchal-Le Pen, qui sait bien jouer avec les mots, c’est que ce qu’elle appelle le « méta-politique », c’est peut-être précisément cela, la politique. Après le discours, se pose maintenant la question de la responsabilité, c’est-à-dire de l’incarnation. Et ceci est une toute autre histoire.
Constance Prazel
Pour retrouver l’intégralité de l’intervention de Marion Maréchal-Le Pen : https://www.youtube.com/watch?v=01pzUaLB5Q8