Article rédigé par Aristide Leucate, le 18 février 2018
source [Boulevard Voltaire] Naguère, ce même État ne prenait pas de gants beurre frais pour instituer des juridictions d’exception.
En dépit du réquisitoire du procureur de la République à une peine de quatre ans d’emprisonnement, le tribunal correctionnel de Paris a décidé de relaxer Jawad Bendaoud, prévenu de recel de malfaiteurs terroristes pour avoir offert un abri à deux tueurs islamistes lors de l’attentat du 13 novembre 2015. Ses deux comparses, Mohamed Soumah et Youssef Aït Boulahcen, n’ont pas eu cette chance puisqu’ils écopent respectivement de cinq et quatre ans (dont un avec sursis) d’emprisonnement, ce dernier étant tout de même reparti libre comme l’air, le tribunal n’ayant pas délivré de mandat de dépôt !
Selon Stéphane Durand-Souffland, chroniqueur judiciaire au Figaro, « le dossier n’a pas permis d’établir que Jawad Bendaoud avait conscience d’héberger des terroristes. Il n’en est pas un lui-même, mais apparaît seulement comme un individu sans morale, un délinquant de cité, certes incapable de contenir sa logorrhée mais qui n’a pas dû souvent ouvrir le Coran » (à plus forte raison, que se serait-il passé s’il l’avait ouvert !).
Au regard du contexte récent et actuel, comme du nombre de victimes innocemment tombées lors de cet attentat particulièrement meurtrier, on conçoit sans peine qu’une telle sentence judiciaire soit ressentie comme une gifle cinglante aux visages des familles de ces dernières comme à leur mémoire.
Philippe Bilger, ancien magistrat, considère, lui, que parce que « nous sommes dans un État de droit, le tribunal correctionnel a évidemment fait une analyse approfondie et juridique de ce qui lui était reproché », se félicitant, par surcroît, que « la France judiciaire, en l’occurrence Paris, soit capable de manifester une résistance à l’égard de la pression légitime de l’opinion publique [qui] aurait vraisemblablement été prête à souhaiter le maximum de la peine » (Boulevard Voltaire, 15 février).
Le même, pourtant, commentant l’invraisemblable procès correctionnel de Salah Abdeslam à Bruxelles, avait fort justement déprisé ce même État de droit qualifié, pour l’occasion, de « magnifique absurdité », le prévenu le vouant aux plus indicibles gémonies eu égard à « sa haine […] face à notre tendresse démocratique unilatérale » (Boulevard Voltaire, 5 février). Splendeur de l’État de droit dans un cas, candeur d’icelui dans l’autre… Vérité en deçà, erreur au-delà…
Certes, l’on nous objectera que les faits reprochés à Abdeslam sont sans commune proportion avec les griefs formulés à l’encontre de Bendaoud et l’on sait, depuis Beccaria et Montesquieu, que l’individualisation des délits et des sanctions s’oppose à un traitement uniforme des dossiers. Dont acte.
Mais la vérité est que l’État tout court, Hollande regnante – sans que rien n’ait fondamentalement changé sous les cieux jupitériens de l’actuelle présidence Macron –, n’a aucunement pris la mesure de ces tueries individuelles ou de masse, toutes perpétrées au nom d’une idéologie politique qui s’appelle l’islam et qui mobilisent journellement la quasi-totalité des effectifs de nos services de renseignement, d’enquête et d’intervention.
Les fanatiques mahométans, aux patronymes si poétiquement exotiques, quasiment tous bon Français de papiers ou de filiation par jus soli, sont traités comme des délinquants de droit commun, lors même que leurs intentions sont clairement bellicistes et ouvertement anti-françaises. De ce fait, nos règles de droit comme nos tribunaux sont parfaitement inadaptés pour répondre à ces entreprises criminelles d’ampleur et de nature spécifiques qui font de leurs auteurs et commanditaires de véritables partisans, au sens schmittien du terme.
Il nous souvient que, naguère, ce même État ne prenait pas de gants beurre frais pour instituer des juridictions d’exception (dites « spéciales », à l’époque, à l’instar de la Cour militaire de justice et de la Cour de sûreté de l’État) destinées à poursuivre et condamner ceux que l’on rangeait alors, sans atermoiement, parmi les « terroristes » de l’OAS. Autres temps, autres mœurs…