Article rédigé par stratediplo, le 04 janvier 2018
La prohibition progressive de la fête de Noël signale la fin de la laïcité en France.
Pour mémoire, l'ancêtre grec du mot laïc est simplement relatif au peuple par opposition à l'élite éduquée, tandis que l'ancêtre grec du mot clerc est relatif au fortuné par opposition à l'inchanceux. Puis au début de la christianisation ce mot grec de kleros a désigné tous les membres de l'Eglise par opposition aux personnes qui n'ont pas reçu la révélation christique, et s'est donc appliqué à l'ensemble du peuple des croyants, contrairement à aujourd'hui, avant d'être progressivement réduit à désigner la hiérarchie religieuse consacrée. A son tour le latin a associé au mot clerus la notion de prêtrise dédiée, puis plus tard de profession lettrée, donnant les deux acceptions du mot français clerc désignant le clergé ecclésiastique et le secrétariat civil, le bon peuple reprenant la désignation de laicus en latin puis lai ou laïque en français. Laïque n'a jamais signifié anti-clérical. Aujourd'hui encore, le terme de laïc est plutôt un terme chrétien désignant les personnes non consacrées, le vocabulaire philosophique appelant athées les incroyants, et le vocabulaire politique appelant anticléricaux les "bouffeurs de curés". Evidemment l'existence de mots distincts pour désigner un clerc et un laïc n'est nécessaire que dans les religions où existe un corps dédié à la pratique ou à l'enseignement, alors que certaines religions refusent la notion de consécration des guides, comme d'autres refusent de considérer le peuple comme profane, le lien avec Dieu (étymologie du mot religion) concernant tout le monde, de la même manière qu'une philosophie en expansion en France attribue les obligations guerrières à tous les hommes sans en faire un métier. Le christianisme a, dès l'origine, affirmé la séparation de la gestion des sphères temporelle et intemporelle quand Jésus a prescrit de rendre respectivement à César et à Dieu ce qui relevait de l'une et de l'autre. Ces sphères se sont confondues quand pratiquement toute la société a été chrétienne, ce dont l'empereur Constantin a pris acte. Il l'a d'ailleurs fait en tant que chrétien restant à sa place de laïc, contrairement aux monarques divinisés d'Egypte, du Japon et du Tahuantinsuyo ou encore aux califes, commandeurs des croyants et autres guides suprêmes d'aujourd'hui. Puis, en Occident du moins, l'effondrement de l'Etat romain a regroupé le peuple autour de la seule hiérarchie encore organisée de l'échelon local jusqu'au continental (l'ecclésiale), hormis quelques anciens fonctionnaires étatiques soudain orphelins qui durent alors faire allégeance morale à l'Eglise pour légitimer et pérenniser quelque autorité locale d'abord féodale puis proto-étatique. Tandis qu'à l'ouest un royaume construisait un Etat civil toujours plus uni, à l'est et au sud (de l'ancien empire romain d'Occident) plusieurs centaines de provinces et cités se sont confédérées et défédérées inlassablement selon des modalités épiscopales associant volontiers la couronne et la tiare. Nonobstant leur sacre plus comparable à un baptême qu'à une création épiscopale, les rois très chrétiens et scrupuleusement laïcs de France ont, siècle après siècle, avant et après la malheureuse parenthèse impériale de 800 à 987, confiné les patriarches de Rome à leurs compétences dogmatiques (et les empereurs à leurs fiefs territoriaux), quitte à prétendre protéger une "église des Gaulles" jamais vraiment séparée, quitte à être souvent en guerre contre le reste de l'Europe, quitte même à aller militairement battre, désarmer et rasseoir sur le siège de Saint Pierre ses successeurs, pasteurs égarés dans le temporel. Tout cela n'empêchait pas l'Etat de se réclamer officiellement du fondement philosophique de la civilisation, la religion chrétienne, dans laquelle se reconnaissaient (sans obligation de baptême) la quasi totalité des régnicoles d'Europe, d'Amérique et d'Asie. Cette civilisation respecte l'homme comme être aimé de Dieu, et sépare la conduite divine des âmes de l'administration humaine de la société. Pendant longtemps c'était en France plus qu'ailleurs qu'on pouvait distinguer entre laïc et clerc. La laïcité est un concept chrétien mais c'est en France qu'il a été le mieux accompli. La révolution dite française, conçue en Angleterre par les loges maçonniques, était sous des apparences anticléricales foncièrement antichrétienne. Pour s'en tenir à l'aspect matériel sans entrer dans l'humain, en prétendant confisquer les biens de l'Eglise elle a en réalité volé les biens à finalité religieuse des peuples de France, qui avaient mis des décennies à construire leurs églises paroissiales (et des siècles pour leurs cathédrales épiscopales) sans demander un sou à Rome ou à Paris. Plus de deux siècles plus tard, et un quart de siècle après que les gouvernements d'Europe orientale aient restitué aux communautés chrétiennes (et juives) leurs biens confisqués par les régimes communistes, le régime révolutionnaire français ne s'est même pas posé la question. En nationalisant l'Eglise de France, la révolution avait failli pousser toute la chrétienté du pays, c'est-à-dire l'essentiel de la population, à se détourner de ses évêques réquisitionnés et à se tourner vers la papauté, et ne l'a finalement empêché qu'en conquérant Rome. Un siècle plus tard la proclamation de la séparation de l'Eglise et de l'Etat a certes prétendu rendre sa liberté à l'Eglise, c'est-à-dire aux peuples chrétiens de France, mais sans lui rendre ses biens spoliés, et dans le cadre d'une politique secrète de déchristianisation confiée à la Franc-Maçonnerie, illustrée par l'affaire des fiches. Si c'est de là qu'est né le concept nouveau de laïcité, il visait plus particulièrement les laïcs, comme l'anticléricalisme du siècle précédent avait visé les clercs. Mais encore un siècle plus tard voilà qu'une nouvelle orientation du régime apparaît. En contradiction avec la séparation des cultes et de l'Etat pratiquée pendant un millénaire, piétinée au XIX° siècle et professée au XX°, le gouvernement entend désormais s'ingérer dans la vie religieuse des citoyens. Il a commencé par introduire une dimension religieuse au débat surgi il y a une vingtaine d'années après l'apparition des premiers visages masqués sur la voie publique, faisant comme on le dénonçait à l'époque d'un détail technique d'ordre public (interdiction de la nudité, prohibition du port d'arme et obligation du visage découvert) une question de société donc créant une revendication là où il n'y avait aucune demande. S'obstinant à y voir un symbole religieux l'Etat s'est alors acharné contre tous les autres symboles religieux visibles même discrets, comme croix et médailles (oubliant incompétemment l'alliance), kippa et étoile de David, mais n'a pas osé s'attaquer aux idéologies puissantes à la mode en prohibant les arcs-en-ciel de l'orgueil sodomito-lesbien, les symboles pendentifs cabalistiques et le taijitu taoiste. Depuis lors, les mairies et collectivités déjà distinguées dans le palmarès de Joachim Veliocas sont passées de la subvention discrète (et illégale) de l'islam à sa promotion ouverte, notamment à l'occasion de la fête de l'égorgement, et montrent désormais qu'il s'agit d'une préférence puisque dans le même temps elles interdisent une à une toutes les expressions du christianisme dans l'espace public, sous des motifs divers confirmés par le Conseil d'Etat qui applique la "conception française de la séparation des pouvoirs" explicitée par le Conseil Constitutionnel en janvier 1987, faisant à l'occasion se retourner Montesquieu dans sa tombe. Pour sa part le pouvoir judiciaire constitue peu à peu la jurisprudence de délits religieux ou d'expression d'opinions, dont un délit de blasphème, un délit de profanation etc. qui ne s'appliquent qu'à une seule religion. Ainsi les peines appliquées pour dépôt silencieux d'une pièce de porc devant une mosquée fermée sont désormais systématiquement bien plus lourdes que celles appliquées, s'il y en a, pour introduction dans une église en tenue indécente, interruption d'office, insultes envers les fidèles, voies de fait et destructions matérielles. Et c'est parfois au nom usurpé de la même laïcité que l'appareil étatique encourage les attaques contre le christianisme et professe le respect de l'islam. Or justement, rien n'est plus étranger à l'islam que la notion de clercs et surtout de laïcs. Tout Mahométan a des devoirs islamiques, dont ceux d'actions sacrées ou sacrifices, notamment lorsqu'il est en présence de non-Mahométans. Ces devoirs vont bien au-delà de la pratique religieuse (étymologiquement relation avec Dieu) et touchent à la société mais aussi à autrui en tant qu'individu ou être humain vivant (au départ). Ainsi il est attendu de tout Mahométan qu'il ne soit pas seulement assistant mais officiant. Le Chrétien ou le Juif laïc prie chez lui ou à l'office tandis que le prêtre ou le rabbin procède au rituel sacré, alors que le Mahométan non moufti officie lui-même, et pas uniquement en s'adressant à Dieu mais aussi en agissant auprès (et sur) les autres au nom de Dieu. La notion de laïcité n'existe pas en islam. De même, l'islam étant plus une société qu'une foi, il ne conçoit pas l'athéisme. On naît en Islam comme on naît dans un pays, personne ne se pose la question des croyances personnelles ou des doutes d'un enfant né de parents musulmans, et lui être infidèle est une apostasie punissable de mort. Dans ce système de société (et même civilisationnel) complet où la religion est l'idéologie de l'Etat et où l'Etat est l'accomplissement de la religion, les philosophies questionnant l'existence d'un Dieu n'ont pas de place, Allah est une évidence révélée et il n'existe que différents degrés d'infidélité, jusqu'à l'extrême qui est l'adoration de faux dieux, le matérialisme existentiel athée n'étant que l'une de ces religions erronées, en l'occurrence une adoration de l'homme dictée par le diable Satan. Il n'y a pas de laïcité croyante en islam, et il n'y a pas non plus d'athéisme areligieux. Ce que les peuples de France constatent à chaque fois que la république soi-disant laïque se mêle de religion, enfreignant le principe chrétien (conservé dans la société matérialiste post-chrétienne) de séparation des compétences temporelle et religieuse, c'est qu'elle a décidé de leur imposer une idéologie étrangère (inhumaine au demeurant), et pas seulement en matière religieuse mais dans toutes les sphères de la vie sociale organisée. La préservation de la fête de Noël, repère majeur multiséculaire du calendrier civil et légal sans considération des croyances intimes des uns et des autres, est l'occasion pour les laïcs (abandonnés par les clercs), mais aussi pour les athées, de s'opposer à la confessionnalisation oppressive de l'Etat.