Article rédigé par Lecteur, le 20 novembre 2017
source[Salon Beige]Témoignage d'un lecteur du Salon Beige :
J’étais le secrétaire de l’Apel (Association de parents d'élèves de l'enseignement libre) de l’établissement dans lequel mon fils est scolarisé, je ne le suis plus. Considérant que les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures, après de bons et loyaux services qui ne servent strictement à rien qu’à entretenir l’illusion que l’Apel nationale et ses sections locales servent à quelque chose, j’ai profité de l’assemblée générale annuelle pour ne pas solliciter le renouvellement de mon pensum.
Stupéfiante assemblée générale, d’ailleurs, qui n’a fait que confirmer ma décision, et cela dès le premier regard. Elle se déroulait dans la salle des professeurs de cet établissement qui est supposé relever de l’Enseignement catholique et être rattaché à une congrégation mais dont la référence est… Jean Jaurès. Oui, vous avez bien lu. Sur l’armoire métallique qui orne la salle des professeurs, une citation est scotchée, en gros caractères : « On n’enseigne pas ce que l’on sait, on enseigne ce que l’on est. Jean Jaurès ».
Dommage que la citation s’arrête là. La suite vaut le détour, et pas par l’enseignement catholique. On trouve le texte complet dans un recueil de discours prononcés par Jean Jaurès et édité sous le titre… Pour la laïque ! Oups. Voici le texte :
« Messieurs, on n’enseigne pas ce que l’on veut ; je dirai même que l’on n’enseigne pas ce que l’on sait ou ce que l’on croit savoir : on n’enseigne et on ne peut enseigner que ce que l’on est. J’accepte une parole qui a été dite tout à l’heure, c’est que l’éducation est, en un sens, une génération. Je n’entends point par là que l’éducateur s’efforcera de transmettre, d’imposer à l’esprit des enfants ou des jeunes gens telle ou telle formule, telle ou telle doctrine précise. L’éducateur qui prétendrait ainsi façonner celui qu’il élève, ne ferait de lui qu’un esprit serf. Et le jour où les socialistes pourraient fonder des écoles, je considère que le devoir de l’instituteur serait, si je puis ainsi dire, de ne pas prononcer devant les enfants le mot même de socialisme. S’il est socialiste, s’il l’est vraiment, c’est que la liberté de sa pensée appliquée à une information exacte et étendue l’a conduit au socialisme. Et les seuls chemins par où il y puisse conduire des enfants ou des jeunes gens, ce serait de leur apprendre la même liberté de réflexion et de leur soumettre la même information étendue. »
On peut consulter la suite ici, elle est du même tonneau.
L’ancien président de l’Apel départementale, devenu « chargé de mission » auprès de celle-ci afin de pouvoir continuer à propager la même bonne parole lénifiante, a pris la parole afin d’expliquer aux nouveaux parents à quoi servait l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre, dont il n’était pas peu fier de dire que, avec 860 000 familles adhérentes, elle est bien plus puissante que la FCPE. Pour faire quoi ?
« Le but de l’Apel, c’est que nos enfants aient du plaisir à venir à l’école. » Heu… Certes, mais encore ? Il est aussi de nous aider, nous les parents, a-t-il poursuivi, « à mieux comprendre les problèmes actuels qui peuvent survenir durant la croissance de notre enfant ». Ah ouais… Et une fois qu’on a pigé, on les adresse au Planning familial pour un complément d’information et, le cas échant, pour la suite des travaux pratiques ?
Mais sur l’enseignement qu’ils reçoivent, on dit quoi ? Rien, ce n’est pas du ressort des Apel. Sur la directrice qui envoie aux pelotes les parents juste soucieux de la scolarité de leur enfant, au point d’avoir lancé à un papa extrêmement poli qui s’enquerrait juste de savoir si Molière était encore enseigné : « Vous pouvez faire comme ces parents qui retirent leurs enfants et les inscrivent au Cned ! » On en a déduit que Molière n’était plus enseigné, mais, sur la question précise, on attend toujours la réponse.
A l’Apel, le mot d’ordre est « pas de vagues ». On ne dit rien sur rien, rien non plus sur les textes qui sont appliqués quand ça correspond à la sensibilité de la directrice – sur l’écologie, par exemple, au point qu’au primaire, j’ai cru que mon fils était en train de passer un master en développement durable (sans, hélas, le côté pratique de la chose qui aurait été de sortir à ma place, aux bons jours et aux bonnes heures, les poubelles de différentes couleurs) – mais qui ne le sont pas quand ça contrevient à ladite sensibilité.
Ainsi l’apprentissage de la Marseillaise, obligatoire depuis la loi Fillon de 2005 (grâce au dépôt d’un amendement par Jérôme Rivière, alors député UMP) et qui doit avoir lieu en cycle 3 (entre le CM1 et la 6 e ), n’est-il pas pratiqué dans cet établissement dont la directrice du primaire, à qui j’en faisais la remarque, m’a répondu : « Vous ne voulez pas aussi qu’ils procèdent au lever des couleurs ? » Chiche !
Dernière anecdote mais il y en aurait mille. Pour prendre connaissances des notes et devoirs à faire, les parents disposent d’un accès internet au cahier de texte de leur progéniture. L’établissement utilise Gepi, un logiciel libre. Au début, je n’avais pas fait attention. Puis un jour, j’ai découvert que l’enfant dont je suis le « responsable légal » – papa ou maman, ça doit être trop compliqué – était de « genre masculin » ! Eh oui : sur Gepi, les enfants n’ont pas de sexe, ils ont un genre ! Et vas-y que la boîte catho où j’ai inscrit mon mouflet ne trouve rien à redire à cela puisqu’elle impose l’utilisation de Gepi à tous les parents, comme s’il n’existait pas d’autres logiciels moins imprégnés de la « théorie qui n’existe pas ».
Quelqu’un d’autre que moi rédigera désormais les procès-verbaux des réunions de l’Apel relatives aux barbecues, roses pour la Fête des mères, vide-greniers et autres lotos. Ça me libèrera du temps pour des activités plus utiles, comme de réfléchir à ce que je vais bien pouvoir faire de mon fils. Accessoirement, ça me permettra de dire enfin ma façon de penser à Madame la directrice ; puisque maintenant je n’engage plus l’Apel, je peux faire des vagues.