Article rédigé par Liberté politique, le 26 septembre 2017
[Source : Boulevard Voltaire]
Guillaume Bernard analyse le départ de Florian Philippot : Florian Philippot avait intérêt à partir avant – plutôt qu’après – le congrès, où lui et les siens risquaient d’être mis en minorité. Il emmènera moins de cadres qu’en son temps Bruno Mégret et ne serait, à l’avenir, un danger électoral pour le FN que dans la mesure où il réussirait à tisser des alliances. Quoi qu’il en soit, son départ apparaît comme un peu injuste : pour Marine Le Pen, l’éviction et le remplacement de Florian Philippot sont synonymes de renouvellement après l’échec électoral global de l’année passée. Mais, en réalité, la ligne Philippot était la sienne.
Florian Philippot quitte le Front national aujourd’hui. Que signifie son départ pour le Front national ?
Marine Le Pen a fait preuve d’une certaine intransigeance vis-à-vis de lui et de son association.
C’est sans doute pour essayer de provoquer un peu son départ.
Le fait-elle pour essayer de sauver sa propre tête au front national au prochain congrès ? C’est possible.
En tout cas, il est certain que Florian Philippot a sans doute intérêt à partir maintenant plutôt qu’à l’occasion ou après le congrès. Cela l’aurait obligé à mesurer le poids réel que lui et ses amis représentent au Front lors de l’élection du comité central. Il a donc intérêt à partir avant plutôt que d’apparaître comme minoritaire auprès des cadres et des militants.
Quant à Marine Le Pen, troquer Florian Phillippot pour d’autres conseillers proches d’elle, c’est aussi une manière de signifier le renouvellement du Front après l’échec global de l’année électorale 2017.
Pour autant, la ligne Philippot était la ligne Marine Le Pen.
Il y a donc une forme d’injustice à se séparer de Florian Phillippot car la ligne qu’il soutenait était la ligne qu’elle-même préconisait.
Le départ de Florian Philippot ne signifie pas nécessairement la fin de la ligne Florian Philippot. Il y a toujours Marine Le Pen. Le Front National, au-delà des personnes qui vont l’incarner dans les médias, sera toujours confronté à la clarification de sa ligne et de ses positions.
Dans l’histoire du Front National, il semble qu’il y ait une malédiction des numéros 2. On pense à Bruno Mégret, Bruno Gollnisch, Florian Philippot. La comparaison entre Bruno Mégret et Florian Philippot que font les journalistes tient-elle selon vous la route ?
Je ne le crois pas.
La scission de la fin des années 90 entre Bruno Mégret et Jean-Marie Le Pen est presque à front renversé par rapport à ce que nous vivons aujourd’hui.
Bruno Mégret était de ceux qui préconisaient des accommodements raisonnables de la ligne du Front national pour réussir à trouver des accords avec la droite modérée.
Pour Florian Philippot, c’est tout l’inverse.
Il a poussé à la roue pour que d’une certaine manière, il ne puisse pas y avoir d’accords avec la droite modéré. Le « ni droite-ni gauche », qui a d’ailleurs dérivé vers un « ni droite-ni droite », était devenu un véritable obstacle à la possibilité pour le Front national de trouver un certain nombre d’alliés.
Je ne crois pas qu’on puisse véritablement faire une comparaison. En revanche, on peut en tirer quelques perspectives.
On sait que Bruno Mégret a essayé de constituer un mouvement, le MLR. Ce MLR avait récupéré une très grande partie des cadres et une bonne partie des militants et pour autant le MLR n’avait pas réussi à percer dans les élections.
On se souvient qu’il avait fait 2 % à l’élection présidentielle en 2002. Cela n’avait pas empêché Jean-Marie Le Pen d’être présent au second tour des élections.
Florian Philippot a aujourd’hui sans doute la capacité d’emmener avec lui un certain nombre de cadres, mais sans doute beaucoup moins que ce qu’avait réussi à faire Bruno Mégret à la fin des années 90.
Électoralement parlant, il est peu probable que s’il se présente tout seul, il puisse véritablement réaliser des scores importants.
En revanche, Florian Philippot par son pédigrée d’énarque, du fait qu’il vienne du chevènementisme, sera peut-être capable, avec une autre organisation, de tisser des liens.
Il y a là un véritable paradoxe, car il fait partie des jusque-boutistes contre les alliances.
Dans ce cas, il pourrait alors devenir un vrai danger pour le Front national.
On sait très bien que les électeurs votent bien sûr pour des idées, pour des personnes mais espèrent aussi, en votant pour eux, accéder au pouvoir, obtenir des responsabilités et des postes de décisions.
Si Florian Philippot apparaissait, d’une manière ou d’une autre, comme capable de tisser des alliances, aussi paradoxalement que cela puisse paraître car il les a empêchées ces dernières années, il pourrait devenir un danger pour le Front national et pour Marine Le Pen.