Article rédigé par Liberté politique, le 21 septembre 2017
[Source : Boulevard Voltaire]
Il paraît qu’on moralise à tour de bras. Qu’on lave plus blanc que blanc. Les « valeurs » sont de retour, mais lesquelles, au juste ? Car bien malin qui saurait, aujourd’hui, définir ce mot dont nos politiques ont la bouche pleine.
Ainsi Laurent Wauquiez, le futur patron de « Les Républicains » (que c’est moche à dire !). Personne ne semble, en effet, douter qu’il sera demain le chef de la boutique, capitaine d’un vaisseau proche de la fortune de mer.
M. Wauquiez vient de porter plainte pour diffamation contre le député PS Olivier Faure qui a parlé, à son sujet, d’« emploi fictif ». Allusion à la retraite dorée que Wauquiez touchera grâce à ses deux mois de travail effectif comme maître des requêtes au Conseil d’État, fonction dont il est « détaché » depuis treize ans maintenant. « Je confirme qu’une plainte en diffamation sera déposée contre Olivier Faure, car on ne peut pas dire tout et n’importe quoi en politique pour essayer de nous faire taire et nous empêcher d’être fidèles à nos valeurs », a déclaré le diffamé à l’AFP.
Je repose donc ma question : de quelles valeurs s’agit-il ?
C’est le site Lyon Capitale qui, mercredi dernier, a rendu la chose publique. À savoir que Laurent Waquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et candidat à la direction du parti LR, venait une nouvelle fois d’être placé « en détachement » de son poste de maître des requêtes au Conseil d’État à la date du 4 septembre 2017. Un poste qu’il a exercé durant seulement deux mois.
La défense de l’intéressé met en avant le strict respect de la loi : « Je ne suis pas dupe du calendrier de ce genre d’attaques en pleine période de reconstruction de l’opposition. Mais je n’ai aucun problème à faire la totale transparence sur ma situation. Je suis aujourd’hui dans le régime du détachement prévu par la loi. Je ne perçois, évidemment, aucune rémunération du Conseil d’État. […] Cette situation ne m’est pas propre, c’est l’application stricte de la loi pour tous les élus locaux en détachement. »
Seconde question : le respect de la loi, quand bien même elle est inique, est-il une « valeur » ?
Troisième question : la recherche systématique du statut le plus avantageux constitue-t-elle une « valeur » en soi ?
Car Laurent Wauquiez aurait pu, comme maints de ses confrères, choisir une simple « mise en disponibilité ». Or, juste après sa première élection, en 2004, il a opté pour le « détachement », bien plus avantageux puisque « les fonctionnaires détachés conservent leurs droits à avancement et à la retraite ».
Il y a bien eu une tentative de redresser la barre en 2014, avec la fameuse « loi Cahuzac de moralisation de la vie politique » qui oblige les parlementaires et les ministres à se mettre en disponibilité, et non plus en détachement, de leurs postes de fonctionnaires, comme le précise Lyon Capitale, mais « elle ne s’applique qu’aux ministres et aux parlementaires “à compter du premier renouvellement de l’Assemblée […] suivant le 31 mars 2017”. Laurent Wauquiez n’était donc pas concerné en tant que député de la Haute-Loire au cours de la dernière législature. »
Quatrième question : les valeurs sont-elles morales ?
Il semblerait que, pour Laurent Wauquiez, s’agissant de ses intérêts financiers, la réponse est non. Cela à l’inverse de plusieurs de ses éminents collègues, frères et sœurs de parti qui, eux, ont démissionné de leur fonction fictive… C’est le cas de Bruno Le Maire en 2012, suivi notamment par Nathalie Kosciusko-Morizet et Valérie Pécresse. De même Emmanuel Macron lorsqu’il a déclaré sa candidature à la présidentielle en 2016, mais pas Jean-Yves Le Drian, « qui a profité des avantages du détachement avant de prendre sa retraite d’inspecteur de l’Éducation nationale en 2001 ».
On rappellera enfin à Laurent Wauquiez que Les Républicains, alors UMP, n’ont pas manqué de fustiger un certain François Hollande dont Marianne révélait, en 2014, qu’il était depuis trente ans en « détachement » de la Cour des Comptes…