Article rédigé par Liberté politique, le 05 septembre 2017
[Source : Nouvelles de France]
Le paysage politique créé par l’élection présidentielle, tel qu’il apparaît dans les médias, est surréaliste. Après un quinquennat lamentable, l’un de ceux qui avaient concouru au désastre s’est retrouvé Président de la République, porté par une vague énorme qui a déposé la politique française sur une grève inconnue des spécialistes de notre géographie politique. La capitulation de Hollande signifiait l’aveu de l’échec socialiste.
Dans un système politique cohérent, comme c’est le cas dans la plupart des grandes démocraties, l’opposition, la « droite » LR-UDI, devait donc pratiquer l’alternance. Elle venait de gagner toutes les élections locales des municipales aux régionales, et devait emporter l’Elysée, le Palais Bourbon et Matignon. Le missile médiatique et judiciaire du « Pénélopegate » a fait exploser Fillon en vol après des primaires triomphales, et une fois Macron élu, sur un style, non sur un bilan, ni sur un projet, une nouvelle majorité disparate et abritée derrière son nom a remporté les élections législatives. En Marche n’est pas un parti. C’est un conglomérat aux contours et à l’identité mal définis qui comprend des carriéristes socialistes rescapés, des arrivistes républicains assoiffés de pouvoir, et des amateurs plus ou moins éclairés venus de la société civile. Ils constituent l’un des sept groupes de l’Assemblée Nationale, à lui seul majoritaire. A sa gauche, siègent les députés de « France Insoumise », les communistes sous l’étiquette « Gauche Démocrate et Républicaine », les socialistes sous celle de « Nouvelle Gauche ». On remarquera donc qu’après un échec inouï, la gauche est toujours représentée par trois groupes, sans compter celui qui a pour président le député Ferrant, ex-socialiste, comme un certain nombre des autres membres de La République en Marche. Les dénominations sont intéressantes. Communistes et socialistes pratiquent l’antiphrase salvatrice. Démocrates et républicains, les communistes ? Sans doute comme les démocraties populaires étaient démocratiques. Nouveaux, les socialistes ? Ils le disent pour effacer leur incapacité à adapter leur idéologie surannée à notre temps. Quant à La République en Marche, c’est sous ce titre que Zola a rassemblé ses lettres écrites sur les séances du parlement de Bordeaux et de Versailles, à la naissance de la IIIe République. Un peu excessif pour un groupe qui ne risque pas de jouer un rôle historique semblable, mais peut-être bien vu, si on se réfère aux passages les plus ironiques sur le comportement des honorables parlementaires et sur le déroulement des séances, tels que Zola s’est plu à les décrire.
On pose la vraie question avec effarement : où est passée la droite ? A l’Assemblée, elle a éclaté en deux groupes, les Républicains et les Constructifs, les seconds ayant choisi cet adjectif sans doute pour être agréables envers les premiers… Le Modem qu’on pourrait classer au Centre-Droit n’existe que dans le sillage présidentiel, mais dès après l’élection, Bayrou a été évincé. Il redevient donc critique et estime que la politique menée n’est pas lisible. Cet homme n’aura décidément existé que dans l’aigreur de ses ambitions déçues. Enfin le parti qui a porté son candidat au second tour de l’élection présidentielle n’a pas pu constituer un groupe à l’Assemblée, ce qui restreint ses capacités d’intervention. Ce cordon sanitaire tendu autour du Front National par tous les autres est une injure faite à la démocratie et à la République. La légitimité d’un élu de ce parti est à l’évidence beaucoup plus solide sur tous les plans que celle d’un communiste. Que le FN soit dans l’obligation de se réformer pour accéder au pouvoir, et pour s’allier avec d’autres dans ce but, comme le conseille Robert Ménard, procède du bon sens. Néanmoins, même si ses idées, comme l’abandon de l’Euro, ne séduiront jamais une majorité de Français, il est scandaleux qu’une formation qui a réuni le tiers des électeurs soit à peine représentée au Parlement et ne puisse y former un groupe pour qu’au moins ses idées, bonnes ou mauvaises, puissent bénéficier d’un débat.
A la veille de la rentrée, Macron réinvestit le champ médiatique et demande à son Premier Ministre d’exister davantage. L’opposition se fait entendre à gauche, et de manière surprenante par la bouche de l’ancien Président, qui, toute honte bue, vante son bilan et invite son successeur à ne pas demander de sacrifice inutile aux Français. Aveuglement ou arrogance ? Les mauvais chiffres du mois de Juillet, avec une augmentation de 1% du chômage et 35000 chômeurs de plus, le rendent une fois de plus grotesque. La croissance n’est pas française. La France en bénéficie, mais cela ne se traduit pas en termes d’emplois. Hollande a encore perdu une occasion de se taire. Alors l’opposition qu’on attend à la rentrée, ce sera celle de la gauche extrême, avec Mélenchon qui contestera les mesures économiques et sociales, la réforme du code du travail ou la fiscalité. Il se trouvera en phase avec la CGT. Les Républicains divisés sur ces sujets et avec trois transfuges au gouvernement pour porter cette politique auront du mal à se faire entendre pour dire : nous préférons la TVA à la CSG. Cela ne risque pas d’enthousiasmer les foules…
La France devait connaître une alternance à droite. Non seulement cela ne s’est pas produit, mais le débat national semble aujourd’hui se circonscrire à l’affrontement entre le centre-gauche et l’extrême gauche. Etrange pays qui, par distraction, soigne son mal en l’aggravant !