Article rédigé par Nicolas Gauthier, le 08 juin 2017
Se soumettre ou se démettre ?
Depuis longtemps, nombreux sont ceux à avoir voulu faire « turbuler » le système : chevènementistes, lepénistes et mélenchonistes. Les premiers ne sont plus et les seconds légèrement « turbulés ». Bref, c’est un peu l’arroseur arrosé.
Et c’est ainsi qu’Emmanuel Macron, pourtant candidat du système, a fait « turbuler » ce dernier pour de bon. Car si le Front national et La France insoumise tiennent encore à peu près debout, c’est l’UMPS qui a « turbulé » pour de vrai. Se soumettre ou se démettre ? Seule alternative abandonnée à des François Fillon ou des Alain Juppé, pourtant donnés naguère pour candidats naturels à l’Élysée ? Nous y sommes.
François Fillon, pour commencer, qui apporte son soutien à Nathalie Kosciusko-Morizet dans la circonscription parisienne qu’il vient d’abandonner : « J’ai choisi de t’apporter mon soutien pour défendre les couleurs de la droite et du centre et les intérêts des Parisiens qui se reconnaissent dans nos valeurs. » Ce sont les militants de Sens commun ayant assuré les prémices de sa victoire avortée qui vont être sûrement ravis de lire ces lignes…
De manière autrement plus logique, Alain Juppé appelle à voter NKM : « De tout cœur avec toi chère Nathalie. Tu portes la parole de la droite efficace, humaniste et ouverte. Je suis à tes côtés. » On passera sur le galimatias d’usage. Une droite « efficace », « humaniste » et « ouverte », quoi ça être que ce vistamboir ? Et l’on notera que, jusqu’à ce jour, Nathalie Kosciusko-Morizet a remercié l’un et pas l’autre. Devinez lequel ?
Toujours à propos de ces mêmes valeurs alliant « efficacité », « humanisme » et « ouverture », Alain Juppé soutient, dans la dixième circonscription des Yvelines, Aurore Bergé, candidate de La République en marche.
Faut-il y voir contorsion ou contradiction ? Rien de tout cela. Simplement que cette Aurore, chance pour la France, la parité, l’infini et vers l’au-delà, est confrontée au candidat officiel des Républicains, un certain Jean-Frédéric Poisson. Lequel, patron du Parti chrétien-démocrate, candidat malheureux aux primaires de la droite et du centre, a tout de même totalisé cinq fois plus de voix que Jean-François Copé, pourtant ancien patron de l’UMP.
Et Aurore Bergé de tweeter : « Très fière et émue du soutien que m’apporte aujourd’hui Alain Juppé dans ma campagne législative. Merci à lui. » Elle aurait roulé une pelle à Justin Bieber qu’elle n’en serait pas plus « fière » et/ou « émue ».
Pour résumer, on ajoutera que la mouvance ayant le plus « turbulé » en cette affaire demeure cette droite donnée pour être « conservatrice » et « traditionnelle ». Son candidat naturel était évidemment ce même Jean-Frédéric Poisson, quoique gueux s’étant faufilé en de très versaillaises agapes. Une simple phrase, lâchée de travers et à la va-vite, sur le lobby sioniste américain soutenant la défunte Hillary Clinton aura donc suffi à le renvoyer en arrière-cuisine électorale. Cette même droite se reporta sur François Fillon, candidat autrement plus présentable (même si la suite des événements démontra que non, pas vraiment) mais nettement moins convaincu des fondamentaux que défendait sa base électorale naturelle. Cette dernière aurait pu ensuite rallier de manière plus massive Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle ; elle ne l’a fait qu’en partie, pour des raisons dont Marine Le Pen, en fin de campagne, est aussi responsable à sa façon.
Résultat : la patronne du Front national, qui entendait aller au-delà de la droite et de la gauche, a vu ce grand écart exécuté par Emmanuel Macron avec une maestria à l’évidence supérieure. Ne reste donc plus qu’à nouer ou renouer la grande alliance du peuple réactionnaire et de la petite bourgeoise conservatrice. Avec sa décence commune, George Orwell, auteur de ce 1984, roman n’ayant plus rien d’anticipation, ne théorisait finalement pas autre chose. Les idées justes ont au moins cela de bien, c’est qu’elles ont l’avenir devant elles.
[Source Boulevard Voltaire]