Article rédigé par Atlantico , le 03 mai 2017
Quoiqu’il n’ait pas été sérieusement évoqué durant ces semaines de campagne laborieuse, l’un des grands obstacles auxquels la France est confrontée aujourd’hui est sa dette publique. Il est théoriquement du ressort du Parlement mais un futur président ne peut faire l’impasse sur cette question.
2200 milliards, soit 100% du produit intérieur brut : elle a bondi de 600 milliards sous l’administration du gouvernement de François Fillon puis de 400 milliards sous les gouvernements socialistes successifs.
Elle est par ailleurs détenue majoritairement par des ressortissants étrangers, à hauteur de 58,5% fin 2016.
Rapportée à chaque Français, elle représente 35 000 euros.
Enfin, rappelons qu’aucun budget n’a été voté à l’équilibre depuis 1974, c’est dire si la question est négligée. Pourtant, la charge de la dette ampute le budget de 45 milliards d’euros par an, dans un contexte de taux pourtant ultra favorable : les taux d’emprunts à échéance faible (moins de 5 ans) étaient même devenus négatifs quelques temps. La remontée attendue des taux mettra la France dans l’embarras, même si la durée de vie moyenne de la dette de 7 ans et 233 jours ralentit un éventuel renchérissement des remboursements.
Outre le problème financier évident, – la charge de la dette représentant 11% du budget de l'Etat en 2016 – se pose un problème moral : quelle est notre légitimité à vivre sur une dette que nous ne payons pas ? En effet, cette charge, non seulement se renouvelle sans cesse par roulement, mais elle augmente, pour financer des dépenses de fonctionnement et des dépenses sociales. Aujourd’hui, les échéances les plus longues atteignent 50 ans, l’équivalent de 10 mandatures présidentielles : pour ceux qui vivront encore, ce sont leurs petits-enfants qui rembourseront les frais de santé ou de chômage que l’on n’a pas su gérer, voire le salaire des sénateurs !
Assez peu débattu, ce sujet a néanmoins occupé les candidats de ci, de là, à la faveur d’une question impertinente qui paraissait les ennuyer plus qu’autre chose, ou lorsque François Fillon a timidement essayé d’aborder le sujet à la fin de l’échange de salon qui tenait lieu de dernier débat. Nous avons donc quand même une idée de ce qu’ils pensent du problème. Nous les avons classés en 3 groupes :
1. Les magiciens fous
2. Les optimistes aveugles
3. Les inquiets démunis
1- Ce 1er groupe malheureusement regroupe de nombreux candidats. Ce sont ceux qui vont régler la question par le verbe ou par la loi : annulation ou rejet partiel de la dette, inflation, émission de monnaie, sortie des marchés financiers… Les méthodes sont pléthores, le travail facile ! Mme Arthaud, MM Mélenchon, Cheminade, Poutou, Asselineau, Lassalle vont résoudre ça en un tournemain.
2- Les optimistes aveugles sont ceux qui nous gouvernent depuis 1974 : le problème est sous leurs yeux, grossissant dangereusement, mais il ne mérite pas qu’on s’y attache, il risquerait de détruire leur belle construction programmatique. Mme Le Pen, MM Macron, Dupont-Aignan et Hamon font comme si de rien n’était, repoussant à plus tard l’équilibre qu’ils savent essentiel.
3- Enfin, François Fillon s’est publiquement, quoique succinctement, inquiété de la dette. Mais en proposant une maigre économie de 120 milliards étalée sur 5 ans et en renvoyant l’hypothétique équilibre à la fin de son mandat, il ne semble pas prendre la mesure de la tâche à accomplir.
Pourtant, payer et solder une dette est non seulement une exigence morale et économique, mais c’est une obligation à la portée de tout Etat : l’Allemagne a vu sa dette se réduire de 10 points depuis 2010 pour s’établir à 71% du PIB en 2015. Le Canada, la Nouvelle-Zélande et même la Belgique ont également réussi, après des périodes difficiles suivies de grandes réformes. On peut voir aussi que l’Irlande a inversé la tendance après la grave crise de 2007.
Quelles conséquences ?
En France, les dettes sont portées à raison de 43% par des compagnies d’assurances, au travers de contrats d’assurrance vie, produits d’épargne majoritaire des Français, puis à hauteur de 19% par des établissements de crédit. Les porteurs étrangers sont majoritairement situés chez nos partenaires européens. La qualité exacte de ceux-ci n’est pas publique : ce sont des banques, des fonds de pension, des assurances.
Ainsi trois options s’offrent à ceux qui désirent ne pas rembourser la dette :
Faire peser cette décision sur l’épargne des Français, en assurance vie principalement : ce serait de l’accaparement d’épargne privée.
Faire supporter le non-remboursement sur les établissements des pays tiers, avec le risque de déstabiliser la zone Euro à travers leurs institutions financières, puis de voir ces pays riposter de la même manière. Les Etats devraient alors secourir leurs banques et assurances, en empruntant. La confiance en la signature de la France serait durablement affectée.
Manipuler la monnaie pour créer de l’inflation ou créer directement de la monnaie. Les tentatives de ce genre se soldent toujours par des catastrophes (cf assignats, cf Venezuela, etc.).
Il n’y a donc rien à explorer de ce côté-là. La seule solution consiste à honorer nos engagements, tout en réformant pour rendre ces engagements soutenables à long terme.
Source : Atlantico