Article rédigé par François Marcilhac, le 06 mars 2017
Nos institutions seraient-elles en train d’étaler leurs contradictions propres, entre de grands principes et une réalité plus complexe que ce que les commentateurs veulent bien nous en dire ? En parlant d’institutions, nous ne les réduisons évidemment pas à leur dimension purement juridique, autrement dit constitutionnelle. Non, c’est à leur pratique que nous pensons avant tout, à ce que le pays légal en a fait.
Or les derniers rebondissements de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Fillon – celui-ci est convoqué le 15 mars par les juges pour une probable mise en examen – ne laissent pas d’interroger sur ce qu’il reste, dans le pays légal, à la fois d’autonomie et de conscience propre. Nous avons suffisamment brocardé le programme et la personnalité de François Fillon, lors de sa victoire à la primaire de la droite et du centre, pour qu’on ne nous accuse pas d’indulgence à son égard. Mais c’est un fait : ni corrompu, contrairement à d’autres, ni modèle de vertu, principe, selon Montesquieu, du gouvernement républicain, François Fillon est discrédité pour de mauvaises raisons, à savoir d’avoir largement profité, comme beaucoup d’autres – mais ils ne sont pas candidats à l’élection présidentielle –, des facilités légales offertes par le fonctionnement même du régime sous lequel nous vivons.
Personne n’est dupe, et les Français qui se disent déçus par le bonhomme sont doublement coupables : d’abord de ce bas sentiment qu’est l’envie, sur lequel, du reste, repose la démocratie, en ce qu’ils réclament de leurs représentants, dans un régime qui est le règne du n’importe-qui, de faire preuve d’une intégrité dont ils seraient eux-mêmes bien incapables ; ensuite de cette naïveté apparente qui leur fait confondre Le Canard enchaîné et Robin des Bois et leur interdit de s’interroger sur la raison pour laquelle onreproche subitement au moment clef des faits anciens au candidat le plus conservateur que la droite ait connu depuis Pompidou.
Tous ceux qui, appartenant aux média, au système judiciaire, au monde politique, jouent les vierges outragées en entendant les accusations portées à leur encontre par Fillon nous feraient sourire si l’avenir du pays n’était en cause. Fillon, en tant que collaborateur de Sarkozy durant cinq ans, a d’ailleurs participé au renforcement de cette symbiose malsaine entre les quatre pouvoirs qui tendent à monopoliser la chose publique depuis Giscard assurément, mais surtout depuis Mitterrand : les institutions proprement dites constituées du pouvoir politique, exécutif et législatif mêlés, et du pouvoir judiciaire, ainsi que le pouvoir médiatique et le pouvoir financier. Symbiose qui s’est aggravée à proportion que l’État a perdu de son indépendance vis-à-vis d’institutions européennes qui n’ont en vue que d’assurer les conditions d’une globalisation toujours plus effrénée. Cette symbiose a un autre nom : le système oligarchique, dont le propre est de soumettre les élites relevant des trois premiers pouvoirs aux intérêts du quatrième. Le tort de Fillon, c’est son conservatisme apparent, dont on craint qu’il ne l’oblige auprès d’une large frange de son électorat, contrairement à un Alain Juppé totalement oligarcho-compatible. La victoire de Fillon le soir de la primaire fut une victoire à la Pyrrhus, car son arrêt de mort fut signé aussitôt. Macron a le double avantage d’être tout aussi oligarcho-compatible que Juppé, avec trente ans de moins. Le système oligarchique n’a plus qu’un objectif : laminer Fillon pour que le duel du second tour oppose la candidate patriote au candidat ouvertement mondialiste, dans l’espoir que celui-ci le remporte haut la main.
Et s’il fallait une preuve supplémentaire de ce que nous avançons, la levée, ce jeudi 2 mars, par le Parlement européen, de l’immunité de Marine Le Pen l’apporte. D’un côté, ingérence d’un parlement supranational dans une élection nationale, de l’autre, ingérence de l’autorité judiciaire dans cette même élection au mépris de la séparation des pouvoirs : l’oligarchie fait déjà comme si le “peuple souverain” appartenait déjà au passé.
Source : François Marcilhac