Article rédigé par , le 01 mars 2017
[Source : Boulevard Voltaire]
À dire vrai, le bruit court depuis bientôt 15 jours…
Samedi, Mediapart a posé officiellement la question : « Théo Luhaka est-il le fils du ministre des Infrastructures congolais Thomas Luhaka ? »
Il renvoie à un article du site congolais sangoyacongo.com, qui livre l’info en passant, comme si c’était une évidence, évoquant l’enquête ouverte par le parquet de Bobigny : « Escroquerie : Mickael Luhaka, fils d’un ministre congolais, impliqué en France. » Or, Mickael est le frère de Théo.
À dire vrai, le bruit court depuis bientôt quinze jours : le journaliste congolais, Freddy Mulongo, vivant à Paris, s’étonnait dès le 9 février du « silence assourdissant », de « l’aphonie sidérante » de Thomas Luhaka, « patriarche de la famille Luhaka », la disant « incompréhensible au sein de la diaspora congolaise ».
De l’aveu même du ministre – il suffit de consulter sa page Facebook -, il ne s’agit pourtant pas d’un simple homonyme : Thomas Luhaka y partage en effet une page de soutien à Théo, montrant celui-ci sur son lit d’hôpital – le Président François Hollande à son chevet – avec la légende « neveu de Thomas Luhaka ». Un « ami » Facebook du ministre dépose un commentaire : « Il est de ta famille, excellence ? » Réponse sobre mais sans ambiguïté : « Oui. »
Fils ? Neveu ? Alors que, depuis des semaines, l’actualité – qu’il s’agisse d’émeutes en banlieue ou de la soirée des César – ne parle que de Théo, aucun journal n’a relayé l’interrogation de Mediapart, n’a cherché à l’infirmer ou la confirmer, aucune télé n’a demandé à la sœur de Théo – que l’on savait pourtant contacter ces jours derniers – de lever le doute.
Il est vrai que quelle que soit l’hypothèse, elle est assez enquiquinante.
Soit le gouvernement n’avait pas connaissance de ces liens familiaux – ce qui est possible, eu égard à l’amateurisme et à la précipitation avec lesquels il traite toutes choses -, mais la légende dorée est sérieusement écaillée. Certes, cela ne change rien aux graves blessures dont Théo a été victime, mais il n’est plus ce David Copperfield en survêt’ que l’on nous a dépeint : il est proche parent d’un ministre influent – membre du Mouvement de libération du Congo dont le président est actuellement incarcéré à La Haye pour crime contre l’humanité, rappelle Mediapart – qui n’a pas franchement fait vœu de pauvreté.
Et, de ce fait, la place de foot offerte, et surtout ces « emplois d’avenir » subventionnés dont, avec sa famille, il a bénéficié (et que d’aucuns pensent fictifs) semblent assez… surréalistes.
Soit le gouvernement n’en ignorait rien et, dans ce cas, ce n’est pas par empathie irrépressible que Hollande s’est précipité pour lui poser un gant de toilette sur le front, mais afin d’éviter un incident diplomatique. Il s’est donc payé avec cynisme la tête des Français, et celle des jeunes des banlieue eux-mêmes : ce n’est pas du sort du plus humble d’entre eux qu’il s’est inquiété avec des caresses et des risettes maternelles, mais de celui d’un fils d’archevêque à ménager.
Pourquoi le gouvernement ne communique-t-il pas sur le sujet ? Pourquoi le ministre congolais, en dehors de ce partage Facebook, n’a-t-il pas réagi ? Pourquoi cette discrétion de violette quant à la nature précise des liens qui le lient à Théo ?
Le silence, on le sait, génère tous les fantasmes. Sur cette même page Facebook, un « ami » français l’interroge : « Est-il vrai que la famille Luhaka d’Aulnay-sous-Bois a touché près de 700.000 euros de subventions pour rémunérer des éducateurs des rue qui n’ont jamais existé ? D’après ce qu’on lit sur Internet, une enquête est en cours pour savoir si ces fonds publics auraient pu servir comme sorte de rétro-commission envers la famille d’un ministre étranger… » Cette fois, le ministre n’a pas répondu.
Gabrielle Cluzel