Article rédigé par , le 16 février 2017
[Source : Famille Chrétienne]
Au lendemain de la publication du rapport public annuel 2017 de la Cour des comptes, mercredi 8 février, le député PS René Dosière, auteur de Argent, morale, politique[1]appelle à poursuivre les décideurs publics responsables de mauvaise gestion des deniers de l’État et invite le Parlement à donner une suite plus concrète au travail des magistrats de la rue Cambon.
Que retenez-vous du rapport de la Cour des comptes ?
Deux rapports m’ont particulièrement frappé. L’un concerne l’écotaxe poids lourd [pour laquelle le gouvernement a résilié un contrat de partenariat avec une société privée, NDLR.] La Cour des comptes décrit dans le détail ce qu’elle appelle un véritable « gâchis » et qui est lié à une manière absolument laxiste de gérer les fonds. On a arrêté ce système sans réfléchir aux conséquences financières de cette décision.
L’autre concerne le renouvellement des moyens aériens et navals de la douane. C’est encore plus spectaculaire puisqu’il s’agit d’avions achetés et qui ne sont pas opérationnels. On est face à une administration complètement incompétente en termes organisationnels, qui prend des décisions, sans gestion d’ensemble. Bref, on découvre une organisation bureaucratique non contrôlée par les politiques.
Pourquoi relevez-vous ces deux éléments-là ?
Dans ces deux affaires, les responsabilités sont clairement établies. Et malgré cela, on ne va rien faire. Parce qu’en l’état actuel, notre système ne permet pas de sanctionner les responsables d’un gaspillage d’argent public. Seuls sont poursuivis au pénal ceux qui sont suspectés de malversation ou d’enrichissement personnel. C’est une faille qu’il faut combler.
Sous Nicolas Sarkozy, le groupe socialiste à l’Assemblée n’a-t-il pas déjà essayé d’y remédier ?
C’était une proposition du premier président de la cour, à l’époque Philippe Seguin. Lui s’était dit que l’on pourrait sanctionner financièrement ceux qui ont gaspillé l’argent public par une amende grevant leurs deniers personnels. Un texte du gouvernement avait été discuté en commission des lois à l’Assemblée en juillet 2011. Il prévoyait de sanctionner les seuls responsables locaux. En commission, les députés avaient donné leur feu vert, mais relevé qu’il n’y avait pas de raison que les exécutifs nationaux – les ministres – ne soient pas mis en cause, eux aussi. Et du coup, le gouvernement s’y est opposé !
Mais ce sont les députés qui votent les lois ! Sont-ils aux ordres du gouvernement ?
La majorité, en général, suit le gouvernement. C’est la règle. Il n’y a que les socialistes pour considérer que lorsqu'on est dans la majorité, on vote contre son gouvernement systématiquement, avec comme conséquence de désorienter son électorat.
À l’époque, c’était un gouvernement de droite. Pourquoi les élus socialistes n’ont-ils par proposer ce texte à nouveau sous le mandat de François Hollande ?
Oui, on aurait pu ! On a peut-être considéré que ce n’était pas la priorité. Et puis quand un texte a été repoussé, pour le ressortir, ce n’est jamais facile ! Enfin, vous avez un calendrier, les circonstances qui ont changé. On ne maîtrise pas l’ordre du jour du Parlement aussi simplement que cela. Parfois, il y a des opportunités. Mais pas toujours.
Si un tel texte passait, pourrait-il d’après vous avoir une réelle efficacité ? Quand on voit que la Cour de justice de la République ne poursuit pas toujours les ministres, notamment en cas de soupçons de détournements de fonds, on pourrait en douter…
Justement ! Aujourd’hui, on envoie en justice dans les cas limites. Là, ce serait plus simple. Il ne s’agit pas de sanctionner pénalement avec une infamie comme la prison. Non, il s’agit de dire : quelqu’un est chargé de gérer l’argent public. Il le gère mal. Parce que manifestement les procédures n’ont pas été respectées. À ce moment-là, on donne une sanction financière.
Une amende serait-elle le seul moyen de lutter contre la mauvaise gestion des deniers publics ?
Non, il en existe un autre : le Parlement pourrait se charger d’approfondir le rapport de la Cour des comptes. Ça serait même plus nécessaire encore, à mon avis, que de créer le délit financier. Parce qu’on serait sûr qu’il y aurait un suivi à ce rapport. Au lieu d’avoir une simple présentation de ces faits, comme cela a été le cas mercredi 8 février par Didier Migaud, le premier président, on aurait quelque temps après un contrôle par une commission ad hoc de l’Assemblée. Cette commission se saisirait des cas les plus graves afin d’auditionner les responsables. Le Parlement aurait alors la possibilité de faire des propositions de loi pour modifier le fonctionnement des institutions afin que cela ne se reproduise plus.
Guilhem Dargnies