Article rédigé par Roland Hureaux, le 02 février 2017
Des tirs ont visé vendredi dernier à l'aéroport d'Alep les trois députés français qui se sont rendus en Syrie : Nicols Dhuicq, Jean Lassalle et Thierry Mariani. Heureusement, ils sont indemnes.
Les mêmes ont rencontré le président Bachar el Assad.
On ne sera pas étonné que dans les sphères officielles et les médias dominants, pour qui Assad incarne le diable, aient condamné cette démarche. Jean Lassalle, qui est candidat l'Elysée, a accusé ses détracteurs de trahir et tromper le peuple français.
Les médias dominants ont, relevé, non sans dépit, que la France était, parmi les pays occidentaux, celui où les voyages d'hommes politiques en Syrie à l'encontre de la ligne officielle étaient les plus nombreux. C'est normal.
Non seulement parce que les relations historiques avec la Syrie, ancien mandat français, sont fortes : que ces relations aient été gravement compromises par la politique actuelle est catastrophique dans un monde où nos points d’appui ne sont plus si nombreux.
Le lycée Charles de Gaulle de Damas attirait l'élite syrienne. Il a été fermé d'autorité en 2012, en même temps que l'ambassade. Les parents d’élèves, attachés à la culture française, se sont organisés pour continuer à le faire tourner en autogestion.
La rupture totale des relations bilatérales a interrompu la coopération avec la police syrienne qui en savait beaucoup sur les terroristes actifs sur le sol français.
La paix revenue, le pays sera à reconstruire : il y aura là un immense chantier dont nos entreprises (qui, soit dit en passant pourraient alors recruter des réfugiés) seront barrées.
Les visites en cause sauvent l'honneur de notre pays et maintiennent une relation que les gouvernements successifs ont gravement compromise.
Ils ont même fait pire : jamais dans l'histoire récente notre diplomatie n'avait autant sombré dans le ridicule.
Notre engagement dans ce conflit, qu'avec les autres Occidentaux nous avons déclenché, n'était pas dans notre intérêt qui eut été de rester en tierce partie.
Il a témoigné d'une inféodation sans précédent vis-à-vis de la diplomatie américaine laquelle était elle-même, sous Obama et Hilary Clinton, sous l'influence de l'idéologie néoconservatrice visant à par la force remodeler et à démocratiser, à travers le regime change, le Proche-Orient. Le renversement du gouvernement Assad avait été décidé bien avant qu'on l'accuse d'atrocités.
Outre l’idéologie, la diplomatie française était assujettie aux intérêts, réels ou supposés, de puissance régionales, au premier chef Arabie saoudite.
Une diplomatie ridicule
Inféodée, notre diplomatie n'était pas pour autant obligée d'être ridicule. Elle l'a été au dernier degré. Laurent Fabius a déclaré publiquement en 2012 que Bachar -el -Assad ne méritait pas de vivre, ce que même Roosevelt n'a jamais dit d'Hitler.
Refusant avec obstination, pour ne pas se déjuger, tout maintien au pouvoir d'Assad, le gouvernement français a été conduit à soutenir ceux qui se battaient contre lui sur le terrain: les djihadistes, Daech et surtout Al Qaida (appelé aujourd'hui Fatah el Cham), malgré une férocité qui n'avait rien à envier à celle prêtée au gouvernement Assad.
Nos services ont-ils, comme on les en accuse, collaboré au montage de l'attaque chimique du 21 aout 2013, dans la banlieue de Damas, provocation dont devait porter le chapeau Bachar el Assad, visant à déclencher une intervention américaine, ce qui aurait entraîné une guerre avec la Russie ? Toujours est-il, que, confrontés à la prudence d'Obama qui savait sans doute à quoi s'en tenir, Fabius et Hollande (soutenus par Sarkozy et Juppé) ont vivement reproché au président américain de ne pas être intervenu.
Dans la dernière phase, la diplomatie française s'est déchaînée. Quelques jours avant son départ du Quai d'Orsay, dépité de ne pas venir à bout du régime, Fabius a demandé au parquet français de poursuivre Assad pour crimes contre l'humanité.
En septembre 2016, la France propose que le Prix Nobel de la Paix soit attribué aux Casques blancs, fausse organisation humanitaire, liée à Al Nosra, qui vient d'empoisonner le réseau d'eau de Damas.
En décembre 2016, au moment où, à Alep, le denier réduit djihadiste (encadré par des officiers de l'OTAN, dont des Français) était en train de tomber, la France a demandé une révision de la charte de l'ONU (rien que ça !) pour permettre une intervention armée sans droit de véto, dès lors que des vies humaines étaient en danger, ce qui est absurde puisque tout l'ordre international est fondé depuis 1945 sur le droit veto .
Comme le roquet en avant de la meute, elle s’est livrée à la surenchère dans l'affaire syrienne, ne reculant pas devant la propagande la plus grossière au risque de brûler ses vaisseaux vis-à-vis de toute possibilité de jouer un rôle dans le retour de la paix.
Cet acharnement ne s'explique que par la frénésie idéologique et la rage de perdre. Elle atteint son sommet aujourd'hui alors que la partie se termine au bénéfice d'Assad et qu'en bonne diplomatie, il serait au contraire temps de changer de pied pour ne pas insulter l'avenir.
Il est normal que face à une diplomatie aussi absurde, des députés se révoltent.
Il ne leur reste, pour aller jusque bout de leur démarche, à demander qu'une commission d'enquête parlementaire cherche à comprendre pourquoi la France a pendant cinq ans apporté en Syrie une aide militaire aux djihadistes, les mêmes qui posent des bombes en France.