Article rédigé par Roland Hureaux, le 12 janvier 2017
[Source : Roland Hureaux]
C'est exagéré : il a certes appuyé sur le bouton sans lequel les guerres de Libye et de Syrie - et peut-être du Yemen - n'auraient pas eu lieu.
Mais il a refusé de céder aux pressions d'une partie de son gouvernement et de ses alliés ( la France de Hollande et Fabius en première ligne) qui voulaient bombarder la Syrie sans mandat de l'ONU en août 2013 à la suite de l'attaque chimique de la Ghouta ( banlieue de Damas). S'il avait là aussi appuyé sur le bouton, les Russes auraient riposté et on ne sait jusqu'où serait allée l'escalade. On peut supposer qu'il savait avant tout le monde, que ces attaques étaient une provocation destinée à mettre en cause Assad et non l'œuvre d' Assad lui-même[1].
De même le traité avec l'Iran de juillet 2015 est à mettre à son actif , tout comme la reprise des relations avec Cuba.
Sa fin de mandat est par contre moins bien inspirée : la décision d'expulser 35 diplomates russes (une décision lourde s'agissant des deux "grands") , soi-disant en représailles d'une interférence numérique de la Russie dans la campagne présidentielle américaine, peut être jugée parfaitement rocambolesque.
D'abord parce que les preuves présentées sont minces.
Le principal grief : avoir fait circuler des courriels d'Hillary Clinton, demeure mal établi et à supposer qu'il le soit, ces courriels n'auraient pas porté préjudice à l'intéressée si elle avait été claire !
Et même si tout cela était vrai, il n'est pas d'usage que la guerre de l'ombre qui se livre depuis toujours entre grandes puissances soit portée à la lumière. A ce jeu, celui qui perd ne le dit pas. Surtout que les Américains n'ont en la matière de leçons de morale à donner à personne.
A ce grief principal, s'en ajoutent d'autres assez confus : tracasseries aux diplomates américains en poste à Moscou, tentative de perturber le système de régulation électrique de l'Etat du Vermont, victime, dit-on d'un virus d'origine russe.
Non, vraiment, Obama se ridiculise.
La paix en danger
Non seulement cela sent son mauvais perdant ( du côté du clan Obama-Clinton) mais, pire, le président, en agissant ainsi, met en danger la paix : les trois semaines de mandat qui lui restent suffiraient à déclencher une nouvelle escalade dans la mesure où il a derrière lui de grandes administrations : le Département d'Etat , le Pentagone , la CIA encore tenues par des faucons qui ne demandent qu'à en découdre avec la Russie.
A la déception de l'élection de Trump que ces gens là vomissaient et qui annonce une ligne différente s'est ajoutée celle de la victoire à Alep de l'armée syrienne soutenue par les Russes, sur les djihadistes soutenus par l'OTAN.
Or voilà bien la vraie raison de cette agressivité de fin de mandat : l'immense déception de ces forces qu'incarnait Hillary Clinton devant ce que l'ambassadeur de France à Washington, si piètre diplomate, a appelé la "fin d'un monde". La fin, non de la puissance américaine mais celle de l'idéologie néoconservatrice au nom de laquelle les Américains se sont sentis investis du droit d'intervenir partout sur la planète pour y faire régner le bien, causant les dégâts que l'on sait. L'amertume est telle chez ces gens qui, le 20 janvier, date de la prise de fonctions de Trump, ne seront plus rien, que certains sont sans doute prêts à tout.
En ne réagissant pas à cette provocation de dernière minute, Poutine s'est montré le plus sage.
[1] Selon l'ambassadeur de Syrie à l'ONU, des Français auraient apporté leur concours à cette opération.