Article rédigé par , le 15 décembre 2016
[Source : Figaro Economie]
Un nouveau dispositif - le «mécanisme de capacité» - coordonné par Réseau de transport d'électricité (RTE), filiale d'EDF, est opérationnel ce jeudi et vise à sécuriser l'approvisionnement en électricité en France.
Jour J pour le mécanisme de capacité. Ce jeudi se déroule la première enchère visant à assurer que tous les fournisseurs d'électricité - EDF et ses concurrents - sont en possession des volumes de capacité de production suffisants pour garantir l'alimentation de leurs clients pour toute l'année 2017. La mise en place de ce dispositif tombe opportunément après que l'arrêt cet automne de plusieurs réacteurs nucléaires d'EDF a fait planer la menace d'une pénurie de courant au cœur de l'hiver. Ces tensions sont toutefois un peu moins vives après l'annonce lundi par l'électricien de la remise en route de sept installations entre le 20 et le 31 décembre.
Un arbitrage forcément délicat
En quoi consiste ce mécanisme de capacité? Les fournisseurs - qu'ils soient ou non producteurs - devront, en fonction de leurs besoins, acheter ou vendre des certificats de capacité. Chaque entreprise détient par principe un nombre de certificats en fonction de leur capacité de production. Selon les besoins estimés de leurs clients, ils peuvent soit céder des certificats, soit en acheter. Les échanges se déroulent sur un marché spécifique organisé par la Bourse de l'électricté Epex Spot. La fourchette de prix est très large puisqu'elle oscille entre 0 et 20 000 euros le mégawatt (MW). «Il sera intéressant de voir comment cette estimation va se resserrer, souligne Nicolas Goldberg, manager énergie chez Colombus Consulting. De la même manière, on aura une idée plus nette des besoins en électricité des différents fournisseurs, même s'il s'agit d'un arbitrage forcément délicat à effectuer.»
En effet, jusqu'à quel point en amont les entreprises peuvent-elles connaître l'état de leur portefeuille clients? Celui-ci, sur un marché libéralisé comme celui de l'électricité, est en mesure d'évoluer rapidement: «Par exemple, un fournisseur qui perd un gros client se retrouvera presque du jour au lendemain avec moins d'électricité à acheminer, poursuit Nicolas Goldberg. A contrario, un succès commercial lui imposera de sécuriser des volumes supplémentaires.» C'est d'ailleurs pour cela qu'une nouvelle journée d'enchères est d'ores et déjà prévue en 2017, pour remédier aux éventuelles variations de la demande.
Centrales rémunérées pour leur disponibilité
Initié en 2010 dans le cadre de la loi sur la Nouvelle organisation du marché de l'électricité (dite loi Nome), le mécanisme de capacité vise à encourager les fournisseurs à investir dans les infrastructures - réseaux et nouveaux moyens de production. Ils pourraient en effet s'apercevoir rapidement que l'achat de certificats leur revient beaucoup plus cher que de s'appuyer sur leur propre outil de production. «Grâce à ce mécanisme, le pays se donne aussi les moyens de disposer d'un parc d'équipements suffisants pour répondre aux besoins en électricité, explique Nicolas Goldberg. Jusqu'à présent, certains opérateurs étaient tentés de fermer des installations comme les centrales à cycle combiné gaz sous prétexte qu'elles ne tournaient pas suffisamment pour être rentables.» Grâce au mécanisme de capacité, les groupes d'énergie sont incités à conserver toutes leurs installations et à pouvoir en monnayer la production.
Le fait que ce système - coordonné par Réseau de transport d'électricité (RTE), la filiale d'EDF en charge des lignes haute et très haute tension - ait mis six ans avant d'entrer en application témoigne de sa complexité. Il a dû être validé également par Bruxelles après que certains opérateurs alternatifs ont fait valoir un danger de subvention déguisée. «Dès l'instant où EDF dispose d'environ 90 % des équipements de production d'électricité en France, il est le premier bénéficiaire des achats de certificats de capacité, note Nicolas Goldberg. Mais la Commission n'a pas finalement pas retenu ce risque de distorsion de concurrence.»
Frédéric De Monicault