Article rédigé par , le 17 novembre 2016
[Source : Le Salon Beige]
L'abbé Grosjean répond aux questions de Famille chrétienne sur les critères de vote qu'un catholique doit suivre. Extraits :
Dans votre dernier ouvrage, Vous rappelez qu'il est urgent de s'engager. Voter est-il une première forme d'engagement ? Ne pas voter, est-ce une forme de renoncement ? Est-ce parfois légitime ?
Voter à une primaire organisée par un parti n'est évidemment par un devoir, mais une opportunité à saisir. Voter à la prochaine élection présidentielle est par contre un devoir. Le catéchisme de l'Église Catholique est très clair sur ce point au n° 2240 : l'exercice du droit de vote fait partie des devoirs du citoyen, tout comme le paiement de l'impôt ou la défense du pays. Il s'agit aux yeux du magistère de servir ainsi le bien commun en s'en comprenant coresponsable.
Il peut être tentant de ne pas voter, considérant qu'aucun candidat ne trouve grâce à nos yeux, ou pour exprimer sa colère. Mais il y a pour cela le vote blanc ou d'autres moyens légitimes : l'engagement militant au service d'une cause, la manifestation, etc. Si aucun candidat n'est parfait, tous ne sont pas aussi dangereux. Ne pas voter, c'est accepter potentiellement le pire. Dans ce cas, il faudra aussi s'abstenir de s'en plaindre par la suite.
Pour un chrétien, quels sont les critères pour voter en conscience ? Peut-on hiérarchiser ces critères ? Comment ?
Avant chaque élection, nos évêques nous proposent des critères de discernement, à savoir quelques points essentiels à partir desquels nous avons à réfléchir. Parmi ces points, reviennent ceux que Benoît XVI avait décrits comme non-négociables : « En ce qui concerne l'Église catholique, l'objet principal de ses interventions dans le débat public porte sur la protection et la promotion de la dignité de la personne et elle accorde donc volontairement une attention particulière à certains principes qui ne sont pas négociables.
Parmi ceux-ci, les principes suivants apparaissent aujourd'hui de manière claire : la protection de la vie à toutes ses étapes, du premier moment de sa conception jusqu'à sa mort naturelle ; la reconnaissance et la promotion de la structure naturelle de la famille ; la protection du droit des parents d'éduquer leurs enfants. » Le Pape précise que les points d'attention non-négociables ne se réduisent pas à ces trois sujets. Mais ceux-ci sont comme à la racine du reste. Nous leur devons une attention particulière dans notre discernement.
Mais si aucun candidat ne respecte ces critères…
Il est fort probable qu'aucun candidat à la Présidentielle de 2017 ne corresponde parfaitement aux critères donnés par nos évêques, et en particulier à ces trois points mis en valeur par le Magistère. Mais il y a une différence à faire, il me semble, entre le candidat qui s'accommode (hélas !) du mal déjà là, et celui qui promet de nouvelles transgressions. Si un mieux n'est pas annoncé, on peut vouloir éviter un pire. On peut aussi réfléchir à la façon dont tel candidat pourrait permettre malgré tout que se fasse un mieux dans l'un ou l'autre de ces domaines, à défaut de partager toutes nos convictions. Un mieux possible, même réduit et donc insatisfaisant, est toujours un mieux.
Mais est-il possible pour un catholique de voter pour un candidat qui, sur un de ces points essentiels, est en contradiction avec l'enseignement de l'Église ?
Voilà ce que répondait le Cardinal Ratzinger aux évêques américains en 2004. Il était alors Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. « Un catholique serait coupable de coopération formelle au mal – et donc indigne de se présenter à la sainte communion – s'il votait délibérément pour un candidat en raison même des positions permissives de celui-ci sur l'avortement et/ou l'euthanasie. Quand un catholique ne partage pas la position d'un candidat en faveur de l'avortement et/ou de l'euthanasie mais vote pour lui pour d'autres raisons, cette coopération, considérée comme matériellement indirecte, peut être permise pour des raisons proportionnées ». J'en retire deux enseignements : premièrement, notre vote est un acte moral, à discerner, car nous aurons à en rendre compte. On ne vote pas avec légèreté ni emportement. Deuxièmement, il revient donc à chacun de discerner « les raisons proportionnées » qui peuvent nous faire voter pour tel candidat imparfait sur ces questions essentielles, tout en gardant la liberté de critiquer les parties du programme déficientes (...)"