Article rédigé par , le 27 septembre 2016
[Source : Aleteia]
De toutes les stratégies, c’est aujourd'hui celle des Russes qui domine et s'impose à toutes les autres...
Dans l’Orient si lumineux et si compliqué pour l’âme occidentale, surgissent aujourd’hui de nouvelles stratégies et de nouvelles alliances et même de nouveaux martyrs. Une ère nouvelle commence dans cet Orient si proche de l’Occident et si éclaté. Une ère à la mesure de toutes les misères, de tous les malheurs et de cette guerre la plus récente, que beaucoup — même le Pape — appellent sans hésiter « troisième guerre mondiale » !
Les nouvelles stratégies
Il y a tout d’abord la stratégie russe, celle qui dure et s’impose au monde entier et surtout à la grande puissance américaine depuis le surgissement de ce que l’on a appelé paradoxalement « le printemps arabe ». Une stratégie qui remonte aux principes fondateurs de ce que les tsars russes ont établi au Moyen-Orient depuis des siècles et qui a permis la protection par Nicolas Ier des chrétiens orthodoxes et de leurs frères au long des pèlerinages et des marches de prière vers le Saint-Sépulcre et la ville sainte de Jérusalem. Aujourd’hui Vladimir Poutine, en contrôlant les ports de Lattaquié et de Tartous et en protégeant l’État alaouite à l’ouest de la Syrie ; en continuant la guerre après la victoire de Palmyre vers l’est, prolonge la vieille stratégie des tsars et lui redonne une nouvelle vitalité.
La stratégie américaine reste comme toujours nourrie du grand idéal universel de liberté et de démocratie. Idéal universel de liberté très hésitant et idéal de démocratie fort compromis lorsqu’il s’agit d’aider les rebelles et l’opposition. Ils diluent leur identité nationale dans les méandres cachés de la guerre, tergiversent face à Daesh qui s’acharne à fonder un califat fictif dont les structures juridiques et les principes militaires de défense renvoient à l’époque médiévale et aux guerres de Mahomet, dépassées par l’esprit des temps et de l’histoire.
Puis il y a la stratégie française qui malheureusement n’existe plus, car sa dépendance étroite à celle des Américains l’éclipse totalement. Elle se perd dans la même confusion et dans la même faiblesse que celles de nos alliés. Nos diplomates brillent par leur silence et la République a pris soin d’oublier l’héritage légué par la présence française millénaire dans cette région. Les derniers occupants du Quai d’Orsay, aux initiatives dictées par l’exécration de Bachar el-Assad, n’ont fait que confirmer ce grand vide politique et ne méditent plus depuis longtemps sur les « expéditions françaises » qui ont fait la grandeur et la gloire de la France dans cette région.
Enfin la stratégie sournoise de la Turquie préfigure un nouvel empire ottoman que le « sultan » Erdogan rêve de ressusciter. Son principe est simple : « diviser pour régner ». Une stratégie qui profite du désordre créé par Daesh, pour taxer le trafic du marché noir du pétrole à ses frontières, renforcer son pouvoir dans la région au moyen d’un État turc entièrement à sa main et du soutien sans faille des islamistes radicaux.
Les nouvelles alliances
De toutes ses stratégies, à l’origine diamétralement opposées, c’est aujourd’hui celle des Russes qui domine et s’impose à toutes les autres. Elle a bousculé les alliances par son réalisme et par l’efficacité de sa force de frappe. Aux Américains incombe désormais de monter une sorte d’alliance objective de toutes les parties en présence pour libérer le pays de Daesh. Aux Turcs de suivre sans faillir l’élan commun quitte à traverser la frontière et pénétrer en Syrie pour s’éviter du même coup la création d’un État kurde autonome à ses portes. Aux Russes et Iraniens épaulés fortement par la milice du Hezbollah libanais d’éviter à l’armée syrienne loyaliste un effondrement total et au régime d’Assad une chute définitive.
C’est le temps des nouvelles alliances, fécondes pour ceux qui veulent, l’âme chevaleresque, le bien commun des plus faibles. Nous savons depuis Pascal que « la justice sans la force est impuissante ; la force sans la justice est tyrannique » et qu’il faut une force juste pour protéger la veuve et l’orphelin et les foyers des plus démunis d’entre les nations. « Il y a un temps pour tout », comme le dit si bien le livre de la Sagesse !
Antoine-Joseph Assaf