Article rédigé par Christophe Servan, le 19 septembre 2016
[Source : Boulevard Voltaire]
Les Cassandre qui annoncent une catastrophe financière sont légion, mais à quoi bon s’ils sont incapables de dire à quel horizon.
Un, cinq ou vingt ans, ça change tout. Comme je n’ai pas de boule de cristal, moi aussi je me garderai bien de fixer un calendrier, mais si ma théorie sur ce que pourrait être l’événement déclencheur est juste, alors il suffira d’être très attentif à l’actualité pour ne pas être pris au dépourvu et se protéger dans le bon tempo.
Le monde souffre à la fois d’un manque de croissance et d’une abondance de liquidités, ce diagnostic fait l’unanimité. Manque de croissance parce que tant l’investissement que la consommation sont en panne, le premier du fait principalement du poids des dettes publiques qui interdisent la mise en route de grands projets, la seconde parce que les classes moyennes ont été laminées par la mondialisation, la fiscalité, le chômage, la baisse du pouvoir d’achat, le gel des retraites, et que tout ceci les incite à épargner davantage. Abondance de liquidités parce que, face à l’échec des responsables politiques, les banquiers centraux se sont crus obligés d’intervenir et que la seule chose qu’ils savent faire, c’est abaisser les taux d intérêt et faire tourner la planche à billets.
À défaut de relancer la croissance, l’action des banques centrales a, dans un premier temps, été très bénéfique pour les Bourses. Toutefois, avec le temps, l’inefficacité de leur politique est devenue de plus en plus évidente. Lorsqu’en janvier 2015, la BCE s’était engagée dans la voie du rachat de titres (planche à billets) tracée par la Fed et la Banque d’Angleterre, l’effet sur les marchés fut incontestablement moindre qu’en 2009.
Aujourd’hui, plus personne n’attend une reprise de la croissance par la voie d’un assouplissement monétaire. Pire, certains commencent à tirer la sonnette d’alarme : les taux nuls permettent certes d’emprunter à bon marché mais, a contrario, interdisent toute rémunération de l’épargne et, de ce fait, ils sont en train d’étrangler les banques (côté gestion d’actifs), les compagnies d’assurance et les caisses de retraite. De plus – c’est mathématique -, moins l’épargne est rémunérée et plus il faut d’épargne aux épargnants pour se constituer un matelas de précaution. D’ici à ce que l’on tienne les banques centrales pour responsables de produire l’effet diamétralement inverse de celui qu’elles s’étaient donné comme objectif, il n’y a qu’un pas que beaucoup n’hésitent plus à franchir. Ainsi, la Fed, qui se réunit la semaine prochaine, est l’objet de pressions multiples pour faire marche arrière, c’est-à-dire remonter son taux directeur même si les indicateurs économiques ne le justifient pas.
Nous sommes donc parvenus au terme d’un cycle, puisque les taux d’intérêt sont nuls voire négatifs et que le marché est inondé de liquidités, tout ça pour rien. Si les banques centrales s’obstinent, le marché pourrait en déduire qu’il leur est impossible de revenir en arrière, ce serait le signe précurseur d’une défiance générale sur la valeur de l’argent. Si les banques font machine arrière, alors ce serait la fin de la recréation, la débâcle sur le marché obligataire – la hausse des taux serait synonyme de moins-values gigantesques pour les porteurs d’obligations –, une situation que le marché a déjà connue en 1987, l’année du pire krach boursier de l’Histoire.
Vous l’avez compris, dans les mois qui viennent, il faudra tout particulièrement surveiller les banques centrales et surtout la réaction des marchés dans les jours qui suivront leurs décisions.