Article rédigé par , le 15 septembre 2016
[Source : Contrepoints]
L’intérêt supérieur de la France et des Français sur le long terme est complètement absent du budget 2017. Il n’existe plus en France que les intérêts immédiats de François Hollande et son équipe rapprochée.
S’il est un marronnier d’automne qu’on aurait grand tort de prendre à la légère, c’est le projet de loi de finances (PLF) pour l’année suivante, qui traduit en chiffres la politique envisagée par le gouvernement. Le PLF 2017 sera présenté officiellement lors du Conseil des ministres du 28 septembre prochain, mais on a déjà quelques petites idées sur la façon dont Hollande et Valls, secondés depuis Bercy par le célèbre duo comique Eckert et Sapin, comptent réaliser quelques audacieuses pirouettes afin d’obtenir une ultime quadrature du cercle avant les élections présidentielles.
Le président décide de dépenser plus
Rien de plus simple à comprendre : le Président a décidé de dépenser plus. C’est normal, les élections arrivent. Et pour faite bonne mesure, il a décidé de baisser quelques impôts. C’est normal, les élections arrivent. Et il a aussi décidé d’honorer enfin, coûte que coûte, sa promesse de campagne de 2012 de limiter le déficit public à 3 % du PIB conformément au pacte de stabilité de l’Union européenne. C’était prévu pour 2013, puis il a fallu repousser l’objectif à 2015, et on attend toujours.
Manifestement tout a conspiré à nuire aux meilleures intentions du Président qui s’en trouve fort affligé. Ne s’était-il pas engagé sur un ambitieux programme de « 50 milliards d’économie en trois ans » (2015 à 2017) ? Les comptes publics 2015 n’ont pas vraiment confirmé cette tendance. Il devient donc urgent d’afficher un résultat pour 2017. Vous voyez que je n’exagère pas. La tâche est simplement colossale. C’est jusqu’au journal Le Monde qui qualifie la préparation du budget 2017 de « haute voltige. »
Eh bien soyons rassurés, tout se présente pour le mieux ! La comptabilité budgétaire n’est pas sans ses petits miracles (teintés de « roublardise » écrit carrément Le Monde !) et comme le répète volontiers Michel Sapin lui-même, « on n’est pas obligé d’être stupide. » Comptons sur nos ministres voltigeurs pour transformer le plomb en paillettes et leur mauvaise gestion en poudre aux yeux.
Au fil de précédents articles, j’ai eu l’occasion de lister les dépenses supplémentaires annoncées les unes après les autres par le chef de l’Etat au gré des atteintes à notre sécurité ou de revendications catégorielles plus ou moins surchauffées par les perspectives de la loi Travail, par l’échec patent de notre politique agricole ou par le besoin de redonner le moral aux électeurs traditionnels de la gauche, popularité désespérément en berne oblige.
Dépenses budgétaires clientélistes
C’est ainsi que depuis le début de l’année, en plus du renforcement des effectifs de la police, de la gendarmerie, des douanes et de la justice, François Hollande a promis une revalorisation du point d’indice des fonctionnaires, une « garantie jeunes », des subventions supplémentaires aux agriculteurs, une augmentation des salaires des enseignants étalée de 2017 à 2020, une revalorisation de la consultation médicale de 2 € chez les généralistes, et j’en oublie sûrement.
Notons au passage que si ces mesures ne manqueront pas d’impacter négativement les comptes publics de plusieurs milliards, elles ne représenteront pas forcément des sommes immenses pour les bénéficiaires pris individuellement, ce qui risque fort de ne pas étancher leur mécontentement. Ce système, à la fois dépensier en globalité, chiche en particulier, est typique d’une gestion étatique des rémunérations. C’est une illustration de plus que, contrairement à l’idée reçue qui domine les esprits de nos politiciens et des Français, l’emprise de l’Etat sur l’économie, avec ses diktats sur les prix et les salaires, crée la pénurie et maintient tout le monde vers le bas.
La manoeuvre budgétaire pour 2017 avait commencé fin mai dans la plus extrême rigueur. Dans sa lettre de cadrage aux ministères, Manuel Valls leur demandait de trouver au total 2 milliards d’économie par réduction des effectifs de 2 % et stabilisation de la masse salariale afin de compenser exactement les nouvelles dépenses promises. Les informations transmises à Bruxelles dans la foulée allaient également dans ce sens. Question de « crédibilité », disait alors Michel Sapin !
« L’année prochaine (2017), l’objectif de passer en dessous de 3% de déficit pour l’ensemble des dépenses publiques (…) sera atteint, c’est absolument indispensable pour notre crédibilité. »
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Mais quelques semaines plus tard, tout a changé. Lors du débat d’orientation budgétaire qui a eu lieu à l’Assemblée nationale et au Sénat début juillet 2016, il n’était plus question de couvrir les dépenses nouvelles à l’identique, il n’était même plus question de se conformer à la grande oeuvre budgétaire des « 50 milliards d’économie en trois ans. » C’est en fait une augmentation de 6,8 milliards d’euros qui est envisagée. Selon les propres termes de Christian Eckert, secrétaire d’Etat chargé du budget, qui a essayé de donner de la cohérence aux folles dépenses tous azimuts, pardon, aux priorités du gouvernement en martelant aux journalistes « sécurité, emploi, éducation » :
« Cette augmentation, non seulement nous l’assumons mais nous la revendiquons » car elle intervient « après quatre ans de baisse. »
A ce stade, une petite précision sémantique s’impose : quand un ministre des finances, quand un homme politique, quand un Président de la République, quand un député d’opposition, bref quand tous ces gens-là parlent de baisse des dépenses, attention ! Il ne s’agit jamais que de baisse « en tendance », formule pudique utilisée pour qualifier une hausse qu’on espère moins vigoureuse qu’auparavant. Le plan des « 50 milliards d’économie en trois ans » n’est qu’une martingale de plus qui n’a jamais signifié baisse effective des dépenses, ainsi que le confirme l’exécution du budget 2015. Conclusion : les dépenses n’ont jamais baissé et elles vont encore moins le faire.
Les impôts ne pouvaient pas baisser
On comprend implicitement que les impôts ne pouvaient pas franchement baisser non plus. Et de fait ils n’ont pas baissé, bien au contraire. D’après les calculs de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), les prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales) ont augmenté en 2012 de 15,5 milliards d’euros du fait de Sarkozy, auxquels Hollande a rajouté immédiatement 7 milliards. En 2013, année choc, les hausses ont atteint 30 milliards, les ménages en supportant plus de la moitié. A partir de 2014, le pacte de responsabilité, qui consiste en baisses de charges pour les entreprises, a fait porter l’essentiel de l’effort sur les ménages. Au total, entre 2012 et 2017, ils auront contribué pour plus de 47 milliards d’euros aux hausses d’impôts, d’où un « ras-le-bol fiscal » qui se fait entendre depuis le début du quinquennat et qu’il devient urgent de contenir, élection présidentielle oblige.
Parallèlement, l’effort fiscal s’est concentré sur les classes moyennes et les plus hauts revenus, à tel point qu’aujourd’hui seuls 17 millions de foyers fiscaux sur 37 paient l’impôt sur le revenu. 10 % d’entre eux y contribuent pour 70 % et 1% d’entre eux pour 45 %. La tendance va encore s’accentuer avec l’annonce de Michel Sapin vendredi dernier de baisser les impôts 2017 de 1 milliard d’euros pour 5 millions de foyers fiscaux (revenus inférieurs à 1,5 smic par personne).
Les entreprises ne sont pas oubliées. L’Impôt sur les sociétés (IS) est symboliquement ramené de 33,33 % à 28 % pour les bénéfices compris entre 38 120 et 75 000 euros (en-dessous de 38 120, l’IS est de 15 %), mais surtout le CICE (dispositif de crédit d’impôt en échange d’embauches) est augmenté de 6 à 7 % de la masse salariale tandis que les dernières mesures du pacte de responsabilité sont abandonnées. L’intérêt budgétaire de cet arbitrage entre les deux formules tient au fait que le crédit d’impôt n’est comptabilisé qu’une fois les sommes décaissées, soit avec un an de décalage, en l’occurrence en 2018.
C’est donc la méthode imaginée par le tandem Sapin Eckert pour arriver à faire coller tous les morceaux disparates du budget 2017 : reporter le plus de décaissements possibles sur 2018, tout en profitant électoralement dès maintenant des nouvelles dépenses. Un crédit d’impôt en faveur des retraités non imposables pour l’emploi d’un salarié à domicile fonctionne de la même façon. Gilles Carrez, président LR de la commission des finances de l’Assemblée nationale estime qu’à ce petit jeu, le report total sur 2018 avoisinerait les 10 à 12 milliards d’euros.
Il n’est cependant pas du tout certain que tout ceci suffise à faire passer le déficit sous la barre des 3 % car les pressions à la hausse des dépenses sont importantes. Le ministère de la culture, dont on peine à voir en quoi il est une priorité liée à l’éducation, à la sécurité ou à l’emploi, va bénéficier d’une croissance budgétaire importante de 5 % environ pour 2017 (rappelons que l’inflation est quasi-nulle actuellement). Secteur traditionnellement favorable au Parti socialiste, notre exception culturelle va ainsi bénéficier de nouveaux crédits qui ne manqueront pas de faciliter la tâche de Julie Gayet dans son entreprise de relance du candidat Hollande auprès de ses amis artistes.
Remarquons maintenant que l’engagement de François Hollande sur des baisses d’impôts pour les ménages modestes était en principe lié à une croissance de 1,7 % en 2017. Outre le fait que cette croissance ne pourra se constater qu’une fois l’année 2017 achevée, ce qui permet de dire que la condition est de pure forme, la question se pose de savoir si cette croissance est tenable. Pour le PLF 2017, Michel Sapin retient un taux de 1,5 % comme pour 2016. Or ce dernier chiffre est sujet à caution. Le premier trimestre 2016 a connu une belle envolée de 0,7 %, mais la croissance a éténulle au second trimestre. Selon les dernières prévisions de l’INSEE, on pourrait avoir 0,3 % au 3ème trimestre et 0,4 % au 4ème trimestre, ce qui mettrait la croissance 2016 à 1,3 % ou 1,4 % au mieux.
Enfin, Michel Sapin a indiqué que la dette publique devrait se monter à 96,5 % du PIB à la fin de l’année 2017, prévision inchangée par rapport à ce qui avait été établi avant que la couverture complète des nouvelles dépenses ne soit abandonnée. Ça parait légèrement audacieux dans la mesure où l’INSEE l’a située à 97,5 % à la fin du premier trimestre 2016, après 96,1 % à fin 2015. Tout dépend de la façon dont pourrait se comporter le déficit public dont le montant vient alimenter la dette chaque année et qui dépend lui-même de l’évolution relative des dépenses et des recettes. Or comme on l’a vu, tout est fait pour masquer les évolutions réelles, ce qui pourrait réserver de mauvaises surprises en fin de parcours.
Voir ci-dessus mon tableau des principales grandeurs des comptes publics complété des quelques éléments 2016 publiés par l’INSEE et des éléments 2017 annoncés par le duo Sapin Eckert ces derniers jours.
Le dernier budget du quinquennat de François Hollande est caractéristique d’un gouvernement aux abois qui ne songe plus qu’à sauver ses postes et les apparences. Le clientélisme, parfois de l’ordre de quelques cacahuètes jetées ici et là, ainsi que la haute voltige et les pirouettes budgétaires sont à leur comble en vue du maintien des socialistes au pouvoir en 2017.
A ce moment-là, soit Hollande ne sera plus Président, non sans s’être préparé la petite satisfaction de léguer à son successeur un terrain budgétaire miné. Soit Hollande sera réélu, et il compte sans doute sur le fameux temps mitterrandien qu’il faut laisser au temps, sur le retournement quasi-miraculeux de la conjoncture économique (qui n’a pas été au rendez-vous depuis 2012 comme il l’escomptait), ainsi que sur ses dons personnels en matière de « petits calculs » et ceux de Michel Sapin en matière de souplesse et d’innovation comptable, pour trouver une nouvelle martingale salvatrice.
L’intérêt supérieur de la France et des Français sur le long terme est complètement absent. Il n’existe plus en France que les intérêts immédiats de François Hollande et son équipe rapprochée, intérêts qui ont été budgétairement alignés avec les revendications catégorielles de court terme du « peuple de gauche. »
Nathalie MP