La remise en cause de la Loi Taubira.
Article rédigé par Roland Hureaux, le 31 août 2016 La remise en cause de la Loi Taubira.

[Source : Blog de Roland Hureaux]

La remise en cause de la Loi Taubira : un test pour la droite.

C'est une chose entendue : si la droite revient au pouvoir l'an prochain, elle ne remettra pas en cause la loi Taubira.

Ni Juppé, ni Sarkozy, ni Copé, ni Le Maire, ni Nathalie Kosciusko-Morizet n'en ont l’intention : les deux derniers s'étaient au demeurant abstenus au moment du vote de la loi. Fillon, plus discret, tient l'abrogation pour une promesse intenable mais envisage, seul des ténors, une réécriture. Seuls Hervé Mariton et Jean-Frédéric Poisson, candidat à la primaire de droite du parti démocrate-chrétien, associé aux Républicains, se sont clairement engagés à l'abroger.

Le Front National aussi, en principe, mais Florian Philippot, bras droit de Marine le Pen, estime que l’abrogation du « mariage pour tous » est "aussi importante que la culture du bonsaï". La question est très débattue au sein de ce mouvement.

Sans doute les uns et les autres se sont-ils vu expliquer par leur conseiller en communication que l'abrogation aurait un effet désastreux auprès des médias, farouchement attachés au "mariage" homosexuel. Alors même que les 2/3 des électeurs de droite souhaitent qu'on revienne sur la loi[1], cela aurait aussi pour effet, dit-on, de ringardiser l'image du candidat, de le faire passer pour un réactionnaire.

C'est un fait que, la propagande LGBT aidant, l'hostilité à la loi Taubira, loi pourtant rejetée par plus de la moitié des Français[2], est devenue à droite plus compromettante encore que le refus de l'immigration ou celui de l'euro.

 

Un message subliminal : "je me dégonfle"

Elle n'est pourtant pas seulement un marqueur d'extrémisme.

On ne saurait oublier en effet que cette loi a provoqué la plus grande mobilisation du quinquennat et même de l'histoire de France (exception faite de celle, plus éphémère, qui a suivi l'attentat contre Charlie[3]); celle de la CGT contre la loi Travail n'est rien en comparaison.

Renoncer à y toucher est pour les candidats de droite au moins aussi risqué que s'y engager.

Car il faut bien le dire : pour une partie de l'opinion, le refus de remettre en cause la loi Taubira , compte tenu de tout ce qui a été dit par l'opposition au moment de son vote, porte avec lui un message subliminal : "je me dégonfle".

Et ce message ne concerne pas que cette loi : il est probable que la réaction de beaucoup d'électeurs qui n'y attachent pas forcément une grande importance, sera de dire que si la droite dite "républicaine" se dégonfle sur ce sujet, elle risque bien de se dégonfler sur tous les autres et qu'en définitive, si la droite revient au pouvoir, il ne se passera rien. Car sur bien d'autres sujets, en matière économique et sociale, en matière d'école, de justice, d'immigration, la droite, si elle veut aller tant soit peu à la rencontre des attentes populaires, devra aussi se faire politiquement incorrecte. Comment croire qu'elle en aura l'audace si elle a déjà capitulé sur le mariage homosexuel? Qui prendra au sérieux des expressions comme la "droite forte" ou la "droite décomplexée" dont on se gargarise dans l'opposition ?

L'autre inconvénient de cette position est de polariser le programme de la droite sur des sujets comme l'ISF, les 35 heures, l'âge de la retraite ou le code du travail sur lesquels elle apparaîtra , en accomplissant des réformes libérales, également réactionnaire, mais en un autre sens : le parti des gros contre les petits. La gauche d'aujourd'hui l'est aussi, certes, mais avec plus de subtilité. La brutalité des mesures économiques et sociales projetées par la droite aidant, la gauche reviendra très vite en grâce. Il n'est pas sûr que l'opposition ait intérêt à abandonner le champ sociétal pour présenter un programme de remise en cause des acquis sociaux à l'état nu et rien que cela.

Enfin, le refus de la remise en cause est, qu'on le veuille ou non, une caution apportée à la gauche, dont on reconnaît ipso facto la lucidité et le progressisme. Si une telle réforme était irréversible, c'est la preuve que la gauche seule était dans le sens de l'histoire. La résistance de la droite n'était que vaines criailleries, baroud d'honneur inutile. Mais comment dès lors expliquer que la gauche n'avait par contre pas raison sur les autres sujets ? Expliquer par exemple que la réforme du collège, malgré la levée de boucliers qu'elle a suscitée, n'était pas, au fond, une réforme progressiste ?

 

Des théories faussement scientifiques

Le pédagogisme et la loi Taubira, tous deux tenus pour "progressistes", ont en commun d'être fondés sur des théories faussement scientifiques: la méthode globale et la théorie du genre. Ceux qui , jusqu'ici , ont remis en cause la méthode globale (Alain Finkielkraut par exemple) se sont vu attaqués en première page du Monde comme "réactionnaires" . C'est le prix à payer pour tout retour aux voies du bon sens dans un terrain miné par l'idéologie. Si la droite a peur d'affronter ce risque, quel que soit le sujet, les Français penseront très vite qu'elle ne sert rien.

L'échec retentissant aux élections locales des candidats LR qui avaient été les plus favorables à la loi Taubira : Fabienne Keller à Strasbourg, Nathalie Kosciusko-Morizet à Paris , Dominique Reynié en Midi-Pyrénées devrait pourtant servir de leçon. Il n'est pas sûr que, sur la question de l'effet électoral, sinon direct, du moins indirect, du refus de remettre en cause la loi Taubira, les candidats de la droite classique doivent trop écouter leurs conseillers en communication.

 

[1] Opinion Way, 06/06 2016

 

[2] Ifop, 15/9/2015

 

[3] Toutefois aucun décompte officiel de la manifestation "Charlie" n'ayant été fait, il est difficile de comparer avec "La Manif pour tous".