Article rédigé par Philippe Bilger, le 23 août 2016
[Source : Boulevard Voltaire]
Nicolas Sarkozy, qu’on l’apprécie ou non, est une réponse. Emmanuel Macron, lui, est une question.
L’ancien Président, candidat explicite à la primaire LR dans quelques jours, vise à être une réponse. Il n’y a pas de sujet sur lequel il ne tranche pas. Fi des nuances et des tiédeurs ! [..]
Cette réponse qu’il affirme incarner, Nicolas Sarkozy la martèle avec constance, impétuosité comme si d’abord il cherchait à s’en persuader lui-même car, à l’évidence, s’il feint de les balayer, les inquiétudes sur la validité de sa propre cause n’échappent pas à son intelligence.
Les Français ne veulent plus revoir le combat de 2012. Mais Nicolas Sarkozy invoque son lien particulier avec eux et il exploite jusqu’à l’usure le succès de son dernier livre et les rencontres multiples et enthousiastes qu’il permet et qui le rassurent. Assimilant la frénésie « people » à une adhésion civique et les selfies à des bulletins de vote.
Il parle comme le FN. […] Nicolas Sarkozy reprend exactement les mêmes thèmes que le candidat de 2007 dont la campagne avait asséché le vivier du FN.
Hier, c’étaient des espérances, aujourd’hui des redites, avec l’implacable conclusion qu’avec un FN déjà au plus haut, Nicolas Sarkozy ne pourra que tout au plus amplifier le lustre de ce parti en s’abandonnant à un mimétisme inopérant. […]
C’est lui, toujours lui, en conviction, en volonté affichée, en dénonciation péremptoire et parfois sommaire, en certitude, en sentiment glorieux et anticipé de réussir un retour présidentiel.
Avec cette observation plus technique que politique. Son talent s’est émoussé et sa capacité de persuasion aussi. […]
Il vend la peau de l’ours, celle de ses adversaires qu’il traite avec désinvolture, presque condescendance. C’est sans doute leur chance. […]
Mais Nicolas Sarkozy, qu’on l’apprécie ou non, est une réponse. Attention, ce n’est pas rien. À une France déprimée et sans espoir, il apporterait des remontants.
Emmanuel Macron, lui, est une question et il n’y a pas de caractère, de vision, de stratégie et de tactique plus aux antipodes de ceux de Nicolas Sarkozy si la comparaison a du sens. Du velours brillant après une grosse caisse pétaradante.
Emmanuel Macron est un mystère. À l’éclatante et brutale lumière de l’ancien Président, il oppose une obscurité fine et complexe. […]
Ministre d’un gouvernement de gauche et se consacrant à sa mission avec une énergie et une compétence qui ne sont jamais banales, il a pourtant créé son mouvement En Marche ! un an avant l’échéance de 2017 alors qu’il est acquis, pourtant, qu’avec une primaire sur mesure, François Hollande se représentera. Pourquoi ? Mystère. […]
Emmanuel Macron est le ministre le plus courageux qui soit – il l’a démontré à plusieurs reprises – et, en même temps, il offre une personnalité qui porte le pluralisme en son sein, qui n’arrive pas tout armée dans l’espace républicain et fuit, sur beaucoup de sujets, les poncifs habituels, qu’ils soient ceux de la mansuétude et de la superficialité socialistes ou ceux du simplisme de droite. Que cache-t-il, qu’occulte-t-elle ? Une puissance formidable d’avenir ou un feu pétillant, étincelant de l’instant ? Une vraie chance, un leurre utile, une illusion trompeuse ? On ne sait. Mystère.
La réponse que Sarkozy prétend incarner est aux antipodes de la question que nous nous posons au sujet de Macron. […]
Pour le premier, il n’est pas nécessaire d’y revenir. Il a déjà eu son heure de gloire et il piaffe de la revivre. Mais, pour le second, ce n’est pas un mince exploit de susciter tant de mystères, d’aiguiser notre impatience, de nous faire languir. Car il est le maître du jeu, mais l’est-il de son je ? N’est-il pas dans cette zone délicieuse, incertaine et troublante où trop de possibles sollicitent un humain trop doué, trop riche ?
Nicolas Sarkozy devrait se poser quelques questions et Emmanuel Macron ne pas trop différer sa réponse.