Article rédigé par , le 28 juillet 2016
[Source : Valeurs Actuelles]
Terrorisme. Mis en examen en 2015 pour deux tentatives de départ au djihad, Adel Kermiche a été remis en liberté sous bracelet électronique, contre l'avis du parquet. Le Monde révèle aujourd'hui les pièces du débat judiciaire qui a mené à cela. Les juges ont laissé le futur meurtrier sortir, présumant simplement de sa bonne foi.
Que faisait Adel Kermiche en liberté, au moment où il égorgea sans trembler un prêtre pendant la messe, à Saint-Etienne-du-Rouvray ? Le 18 mars dernier, il était libéré par la justice après dix mois de détention provisoire. Une décision qui pose question alors que le meurtrier venait de tenter par deux fois de rejoindre la Syrie. Refoulé par la Turquie, dont les services de sécurité sont pourtant loin d'être infaillibles, il a réussi à se sortir des griffes peu résistantes de la justice française.
Le Monde révèle aujourd'hui les pièces du débat judiciaire qui a permis sa remise en liberté. "Je suis un musulman basé sur les valeurs de miséricorde, de bienveillance (….) Je ne suis pas extrémiste" promet-il au tribunal. Il évoque ses projets professionnels et promet qu'il saura rebondir à sa sortie de prison, bien aidé par sa famille qui assure qu'il a des possibilités dans un centre de loisirs municipal. Alors que l'accusé était déjà attiré par le djihad et l'Etat islamique avant son séjour en prison, les juges ne sont pas inquiétés par le fait qu'il vient de passer dix mois en cellule avec un Saoudien et un Français ayant lui-même passé dix-huit mois dans les rangs de l'EI.
Car Kermiche insiste : il a tourné la page de la radicalisation : "J’ai envie de reprendre ma vie, de revoir mes amis, de me marier". Suffisant pour convaincre le tribunal ? Oui. Dans son ordonnance, la juge explique que le djihadiste en herbe a "pris conscience de ses erreurs", qu'il a eu "des idées suicidaires" pendant son incarcération, et qu'il serait "déterminé à entamer les démarches d'insertion". Enfin, sa famille serait là pour lui apporter un "encadrement et un accompagnement".
Les parents d'Adel Kermiche, s'ils sont de bonne foi, ont totalement manqué de discernement. A la juge, ils "avouent qu’ils préfèrent savoir leur fils incarcéré et vivant que libre et en route pour la Syrie. S’ils acceptent de l’accueillir, c’est parce qu’ils pensent sincèrement qu’il sait s’être trompé et qu’il ne tentera plus de partir".
Les appels du parquet rejetés
De partir, non, mais pour mener la guerre sainte, nul besoin d'être en Syrie. Le 26 juillet, sans sortir de son village, Adel Kermiche a donné tort à tous ceux qui ont cru en sa rédemption. Les appels du parquet, qui tirait la sonnette d'alarme, n'ont pas été entendus. Le terroriste est remis en liberté. En guise de repentir, il égorge un prêtre de 86 ans et tente de tuer l'un des fidèles qui assistait à la messe.