Article rédigé par Alexis Théas, le 15 juin 2016
[Source: Figaro Vox]
FIGAROVOX/TRIBUNE - Un commandant de police et sa compagne ont été assassinés par un homme se revendiquant de l'Etat islamique. Le meurtre de policiers, pour le terroriste islamiste, revient à en finir avec le dernier vestige de l'autorité sur le territoire français, estime Alexis Théas.
Le meurtre d'un couple de policiers à son domicile à Magnanville le 13 juin par un terroriste islamiste, revendiqué par l'Etat islamique, Daech est un fait sans précédent historique dans la France contemporaine. Certes trois policiers ont été tués lors des attentats de janvier 2015, mais ils étaient en mission. Cette fois-ci, un palier supplémentaire dans l'atrocité a été franchi. Chez eux, en dehors du service, un homme et une femme ont été pris pour cible et massacrés en tant que policiers.
Cet assassinat est chargé de signification. Les policiers incarnent l'Etat, l'ordre public, la loi. Ils sont un symbole de la France traditionnelle. Dans une société en voie de décomposition, gagnée par une pagaille généralisée, la police incarne ce qui reste de l'ordre et de la discipline. Dans les zones de non droit gangrenées par le trafic de drogue, la violence aveugle, le communautarisme islamiste, le policier est le dernier gardien de la civilisation contre la barbarie. Tuer des policiers, pour le terroriste islamiste a une signification suprême: en finir avec le dernier vestige de l'autorité sur le territoire français. Le fait que le massacre du couple ait lieu à son domicile a un sens encore plus lourd. La guerre contre le monde occidental et la France est totale, sans concession, sans limites: tuer des personnes jusque dans le plus intime du foyer. La bataille a pour objectif le massacre pour le massacre. Elle est tournée vers une logique d'extermination.
Mais la condition du policier français comme cible de la haine ne se limite pas au terrorisme islamiste. D'autres lui ont montré la voie... «A l'unisson, la foule chante: tout le monde déteste la police» rapporte un quotidien national le 5 avril dernier en compte-rendu d'une manifestation lycéenne. Chaque année, près de 8000 policiers et gendarmes sont blessés et une vingtaine tués. Les policiers, les gendarmes, parfois les militaires, sont en première ligne de toutes les expressions du chaos social et de la désintégration de l'autorité: violence des migrants clandestins du Calaisis et dans les squats, émeutes dirigées contre la loi «travail», à Paris comme en province, occupation de la place de la République par Nuit debout, violences lycéennes, déchaînement de hooliganisme à l'occasion de l'euro de football... A ces désordres ponctuels s'ajoute le chaos permanent des zones de non-droit et des cités sensibles: chaque année, près de 10% des policiers exerçant dans les départements les plus difficiles de la région parisienne sont blessés. Comment 120 000 policiers et un peu moins de gendarmes peuvent-ils tenir face à une telle exposition, un tel traitement? Tel est l'un des mystère de la France contemporaine.
A la suite des attentats de «Charlie», des manifestations de solidarité avec la police se sont exprimées. Elles apparaissent aujourd'hui éphémères et sans lendemain. Le problème fondamental de la police de France est qu'elle n'est pas soutenue dans sa mission de protection de la société contre la barbarie. Les policiers en service dans les cités sensibles vivent un calvaire quotidien que la société veut ignorer: insultes, crachats, menaces de viol contre les femme policières, violences physiques. Les médias ne parlent jamais de ce sujet. Le réflexe «de la France d'en haut», des élites médiatiques, conditionnées depuis mai 1968 à haïr l'Etat et l'autorité, est de présenter le policier en oppresseur et le trublion ou le délinquant en victime.
Les images de manifestants blessés dans l'activité de maintien de l'ordre public abondent dans les unes de la presse et des médias. En revanche, celles de policiers à terre sont soigneusement occultées. On parle abondamment des bavures policières mais jamais du martyre que subissent les policiers. Dans les commissariats les plus exposés, les suicides de policiers ne sont pas rares. De même, la justice a fait le choix de banaliser la police en la traitant sur le même plan que les auteurs d'infraction. En cas de plainte d'un policier blessé, les juridictions le placent sur le même plan que leur agresseur dans le cdre d'un procès à égalité des parties, avec confrontation obligatoire. Le malaise de la police française vient de ce qu'elle ne se sent pas protégée par la justice.
Quant au pouvoir socialiste, obnubilé par sa posture de «gauche», et l'obsession de conserver ou reconquérir la sympathie des groupuscules gauchisants, il ne s'empresse pas d'apporter un soutien ferme et résolu à la police devenue le bouc-émissaire de la France du chaos. Policiers blessés ou tués, commissariats pris d'assaut et saccagés, voitures de police incendiées: la police porte aujourd'hui seule le poids du chaos français, dans un climat d'aveuglement et de déni généralisé. Le retour de l'autorité sur le territoire national et le respect de la police sera sans nul doute l'enjeu fondamental des élections de 2017. Pour l'instant, les politiques dans leur ensemble ne l'ont pas encore compris.
Alexis Théas