Article rédigé par Roland Hureaux, le 08 juin 2016
[Source:Liberté Politique]
Incontestablement, Robert Ménard a réussi son pari : réunir à Béziers ce qu'Eric Zemmour a appelé la "droite hors les murs" : tous les conservateurs qui ne se reconnaissent pas dans les grands partis qui se réclament de la droite : les Républicains, le Front national principalement. Debout la France avait, quant à lui, décliné l'invitation.
Les idées de droite aujourd'hui : l'attachement à la France, non seulement, comme idée abstraite mais comme civilisation, héritage chrétien compris, et réalité charnelle, un attachement de plus en plus tenu par les médias dominants pour du fascisme. Il y a 50 ans, on aurait dit que la patrie n'était ni de droite et de gauche, aujourd'hui l'essentiel de la gauche - et une partie de la droite - sont ralliés au mondialisme euro-atlantique pour lesquels cette idée est surannée. Cette gauche est adepte, dans un domaine ou un autre, et le plus souvent tous, d'idéologies simplificatrices, que beaucoup jugent destructrices.
Plus de 2000 participants, plus de 100 intervenants dans une vingtaine d'ateliers sur des thèmes recouvrant l'ensemble des domaines de l'action publique. Les plus suivis de ces ateliers furent, on n'en sera pas étonné, ceux qui concernaient l'immigration, la justice ou l'éducation.
Ce qui frappait : la qualité exceptionnelle des intervenants, à commencer par Denis Tillinac chargé de prononcer le discours d’ouverture, une qualité que ne reconnaîtront sans doute pas les idéologues qui tiennent lieu d'intellectuels à gauche, mais qui était pourtant bien réelle.
Parmi les nombreux intervenants, certains très à droite, tel Alain de Benoist, aujourd'hui parti en guerre conte le TAFTA, ou Renaud Camus, dénonçant inlassablement le "grand remplacement", d'autres pas vraiment comme Jean-Paul Brighelli ou l'inclassable Jean-Paul Gourévitch, qui étaient là plutôt comme techniciens respectivement de l'éducation et de l'immigration, tout comme Xavier Raufer l'était de la sécurité. A côté d'eux, une pléiade de personnalités ayant occupé des responsabilités importantes : ministérielles comme François Guillaume , professionnelles comme Charles Beigbeder, municipales comme Xavier Lemoine, judicaires comme Philippe Bilger, militaires comme le Général Antoine Martinez ou associatives comme Jacques Bichot, François Billot de Lochner ou Ludovine de la Rochère, et bien d'autres ayant au minimum écrit des livres hors des sentiers de la pensée unique : Charles Gave, Hervé Juvin, Chantal Millon, Serge Federbusch, Frédéric Pons, Gilles-William Goldnadel, Béatrice Bourges, Daniel Fédou.
Le changement ne peut venir que de droite
La droite, de qui seule à l'évidence, peut venir aujourd'hui le changement que les Français attendent, apparait composée de deux grands forces politiques: les Républicains et le Front national, très séparées idéologiquement au niveau de leurs dirigeants, beaucoup moins au niveau de leurs militants. Entre les deux, la galaxie de Béziers où il y avait de quoi composer un conseil des ministres de meilleure tenue que dans certains partis.
Mais comment aboutir à une vraie synergie de ces forces ? Béziers pourrait être comparé au boson de Higgs, qui donne du poids (de la masse) aux autres particules qui sans lui n'en ont pas. Mais là où la nature se charge de faire les amalgames, la politique a plus de mal.
Malgré l'extrême diversité des tempéraments et des engagements, presque tous les participants de Béziers n'avaient pas, sur la plupart des sujets, des idées franchement incompatibles. Seul l'euro auquel certains, tel Robert Ménard lui-même à ce qu'on a compris, demeurent attachés, constituait un clivage, rapidement évacué.
Il reste difficile de trouver à ce rassemblement un débauché politique. Eloignés des idées des candidats républicains (sauf Jean-Frédéric Poisson qui était présent et Jaques Myard) les participants se méfient pour la plupart du Front national : ne murmure-t-on pas qu'il attendrait 2022, ce qui indigne Robert Ménard pour qui le changement c'est 2017. Il est jugé trop endogamique et peu ouvert.
Un incident a confirmé ce défaut ouverture: l'ordre donné le samedi par Marine Le Pen à ses cadres, Marion Maréchal comprise, de quitter le forum à la suite d'une déclaration de Robert Ménard qui ne lui avait pas plu. Tempête dans un verre d'eau.
Quelle stratégie dès lors pour les "Biterrois" ? Si une centaine de propositions a été présentée en fin de colloque, de manière hâtive à notre gré, cette stratégie n'est pas apparue clairement. Aucun candidat à la présidentielle ne s'est déclaré. Nul doute que la plupart de ceux qui étaient là se rallieraient à un Philippe de Villiers qui résume à peu près leurs positions, mais, quoique représenté, il n'était pas là, et il reste silencieux.
Alors quoi ? Fonder un nouveau parti ? Il n'en est pas question non plus pour le moment. Peut-être un programme plus élaboré, ou alors une sorte de contre-gouvernement mettant en valeur les compétences nombreuses que Robert Ménard a su réunir. Béziers est encore une affaire à suivre.