Article rédigé par contact, le 11 mai 2016
[Source: Le Figaro]
FIGAROVOX/TRIBUNE - Damien Lempereur, proche de Nicolas Dupont-Aignan salue le courage politique de Madeleine de Jessey mais se demande si la place de Sens Commun est vraiment au sein des Républicains.
La tribune de Madeleine Bazin de Jessey, intitulée «Quand la technique remplace la politique» - publiée dans ces colonnes le 16 février dernier - suscite à la fois satisfaction et interrogations.
Outre la confirmation que la Manif pour tous a permis de faire émerger quelques personnalités courageuses au sein de la droite classique - qui en manquait cruellement - ce texte n'était pas seulement une critique du discours de Luc Chatel, alors fraîchement élu président du Conseil National du mouvement politique auquel non seulement Madeleine Bazin de Jessey appartient mais où elle exerce des fonctions exécutives. La porte parole de Sens Commun y a en effet développé une conception de la politique que je fais volontiers mienne, refusant de «subordonner le bien commun aux seules exigences du profit». Elle souhaite faire de son parti celui qui «réconcilierait science et humanité ; [celui] de l'agriculture écologique et de la protection des paysages ; [celui] des énergies renouvelables et du respect des écosystèmes ; en un mot, [celui] des avancées technologiques et du développement économique au service du vivant.».
On ne peut jurer que ce discours soit partagé par un grand nombre des élus de son parti si improprement nommé Les Républicains. Mais il a le mérite d'exister, tout comme celui d'Henri Guaino sur l'Union Européenne d'ailleurs, dont Nicolas Dupont-Aignan a dit qu'il pourrait le signer des deux mains tout en invitant son auteur à rejoindre Debout La France. Il n'en reste pas moins que le cri de Madeleine Bazin de Jessey, s'il résonne dans le champ métapolitique, aura bien du mal à influencer la ligne de son propre parti. Luc Chatel, qui avait suscité le courroux de la porte parole de Sens Commun, a en effet été élu assez confortablement, avec plus de 55% des voix. Il fut par ailleurs le ministre qui avait préparé le terrain de Najat Vallaud-Belkacem pour faire entrer en catimini l'idéologie du genre dans l'Ecole de la République. Et il s'est satisfait bruyamment de la levée de boucliers suscité par son discours d'investiture , qui démontrait - selon lui - qu'il a visé juste en mobilisant une telle coalition de «conservateurs». Quelques jours après avoir découvert dans le livre de Nicolas Sarkozy que ce dernier s'asseyait joyeusement sur les engagements pris devant elle et les militants de Sens Commun,on comprend que Madeleine Bazin de Jessey ait manifesté sa protestation. Trop, c'était décidément trop.
C'est d'ailleurs le rôle des primaires : donner une impression de démocratie pour au final ramener tout le monde à la niche européiste et libertaire.
Mais cette révolte pourtant légitime ne se bornera qu'à prendre date dans une tribune. C'est tout le drame et toute l'impasse de Sens Commun. En effet, qui sont - par exemple - les candidats à la primaire qui défendent aujourd'hui les idées portées par ce mouvement? Je ne prendrai même pas la peine d'évoquer les candidats «favoris», Alain Juppé, Nicolas Sarkozy, François Fillon ou Bruno Le Maire, tous acquis à la société technicienne qu'avait anticipé le philosophe Jacques Ellul. Nathalie Kosciusko-Morizet n'a quant à elle jamais - c'est le moins qu'on puisse dire - été une adversaire acharnée des évolutions sociétales promues par la «gauche» depuis l'élection de François Hollande. A contrario, Hervé Mariton a certes été le porte-parole talentueux au Parlement de la Manif pour tous, mais il est aussi un atlantiste assumé et un européiste acharné. En clair, il chérit les causes des conséquences qu'il pourfend à longueur de journées - et de gilets. Il reste Jean-Frédéric Poisson, député honnête et courageux, mais dont l'assise politique le condamne à jouer un rôle d'alibi conservateur au sein d'une primaire biaisée.
Pourquoi Sens Commun demeure-t-il par conséquent au sein des Républicains ? Son rôle affiché n'est-il pas de faire bouger les lignes sur le plan politique après l'avoir fait sur le plan idéologique ?
Pourquoi Sens Commun demeure-t-il par conséquent au sein des Républicains? Son rôle affiché n'est-il pas de faire bouger les lignes sur le plan politique après l'avoir fait sur le plan idéologique? La stratégie consistant à peser à l'intérieur de l'ex-UMP est évidemment vouée à l'échec. Avant même que la campagne présidentielle ne débute, Madeleine Bazin de Jessey et ses amis ont déjà l'assurance qu'ils seront floués s'ils s'engagent derrière le candidat Les Républicains qui sera désigné. C'est d'ailleurs le rôle des primaires: donner une impression de démocratie pour au final ramener tout le monde à la niche européiste et libertaire. En clair: privatiser le premier tour de l'élection présidentielle .
Il est pourtant l'heure! Chaque jour nous rapproche d'une recomposition politique qui devra concerner tous les patriotes de bonne volonté. Regardez bien autour de vous, chère Madeleine Bazin de Jessey. Il en est qui pourraient être des interlocuteurs plus ouverts à votre combat que ceux qui ne voient dans Sens Commun que l'opportun flotteur droit d'un parti finalement voué à jouer la présidentielle au centre. Vous pourriez participer à renverser la table politique. Celle-là même à laquelle vous préférez pour le moment être tranquillement attablée.
Damien Lempereur
Délégué national de Debout la France