Article rédigé par contact, le 06 mai 2016
[Source: Le Salon Beige]
Lu sur le blog de Jean-Dominique Merchet :
"Alain Juppé a un problème avec les militaires. « Il n’a pas de considération pour nous », tranche un officier général cinq étoiles à la retraite, alors que les échos sont à peine plus favorables chez les industriels de l’armement. Le candidat à la primaire de la droite multiplie en effet les maladresses vis-à-vis d’un monde qui fonctionne beaucoup à l’affectif.
Dernière en date, sa sortie sur le général de gendarmerie Bertrand Soubelet, sanctionné après la publication de son livre à succès Tout ce qu’il ne faut pas dire (Plon). « Un militaire, c’est comme un ministre, ça ferme sa gueule ou ça s’en va », a ainsi tranché l’ancien Premier ministre, rapportait Le Figaro lundi. Cette déclaration a provoqué un véritable tollé sur les réseaux sociaux, alors que l’Association de soutien à l’armée française (Asaf), pas vraiment de gauche, y voit « arrogance et autisme ». Un aviateur résume l’opinion générale : « Juppé n’aura pas ma voix. Quel c… »."
Voici les propos du général (2S) Pinard-Legry président de l'Association de Soutien à l'armée française :
"(...) Non, monsieur Juppé, un officier général n’est pas un ministre qui passe d’un ministère à un autre souvent sans connaître grand-chose aux matières qu’il est amené à y traiter. Un officier général, en situation de responsabilité, possède unecompétence indiscutable et indispensable pour permettre aux dirigeants politiques (Président, ministres et élus) de prendre les meilleures décisions en toute connaissance de cause. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle le général Soubelet a été auditionné !
Les militaires, y compris ceux qui appartiennent au haut commandement, ont donc le devoir de s’exprimer devant les élus et les Français avec la plus grande franchise. Refuser les analyses et les propositions de ceux qui possèdent la connaissance précise des réalités, c’est faire preuve d’un autisme qui explique sans aucun doute bien des problèmes que la France rencontre sans les traiter au fond parce que ses dirigeants ne savent pas écouter et donc comprendre et décider avec intelligence.
Dire d’autre part que : « Les militaires ont le droit de penser mais il y a des limites à ne pas dépasser » est non seulement inconvenant mais proprement scandaleux. C’est la marque d’une suffisance voire d’une arrogance détestables souvent attachées d’ailleurs à l’image que les Français ont de l’auteur de cette sentence.Qu’aurait dit monsieur Juppé si l’on avait appris que le général Soubelet avait caché la vérité à la représentation nationale ? Aurait-il félicité ce général d’avoir menti par omission ?
En écoutant ces propos, on comprend bien pourquoi les Français disent ne plus avoir confiance en une classe politique autiste. Ils souhaitent maintenant des chefs francs et clairvoyants, courageux et animés du seul souci de servir l’intérêt général. En considérant les militaires comme de simples exécutants muets, monsieur Juppé exprime en fait sa volonté de voir une caste politicienne conserver le pouvoir et ses prérogatives, en faisant taire les Français qui veulent ardemment sortir la France de l’impasse dans laquelle elle se trouve (...)"
Quant au général (2S) Jean-Marie Belmer, il a écrit directement à Alain Juppé pour lui dire ceci :
"(...) Cette phrase dont il est difficile d’imaginer qu’elle n’ait pas été prononcée dans un moment de défaillance, révèle, sans doute possible, votre stupéfiant mépris à l’égard de ceux des Français qui ont choisi le service des armes de leur pays. Elle adresse en outre un message affligeant d’irresponsabilité à des jeunes sur le point d’entrer dans la vie active. Une telle suffisance est absolument indigne d’un homme politique qui brigue des responsabilités nationales (...)
Votre très long passé de politicien vous aura probablement appris que tout citoyen se doit de dire la vérité à la représentation nationale. En outre, un général n’est ni en accord, ni en désaccord avec les députés de la Nation. Il leur donne tous les éléments dont il dispose pour éclairer leurs débats et leur choix le moment venu. C’est ce qui est attendu de lui. Peut-être eussiez vous menti à sa place ?
De la même manière qu’il convient de ne pas mettre tous les hommes politiques dans le même sac, un homme politique qui se respecte s’interdit tout amalgame discriminatoire. Les militaires sont des citoyens respectables. Parmi eux, vous trouverez probablement des individus critiquables mais vous ne trouverez pas de repris de justice.
Ceux dont vous attendez qu’ils ne pensent pas en dehors de certaines limites et qu’ils ferment leurs gueules, savent que le Président de la République, est le chef des Armées. Je ne me tromperai pas en disant que, comme toute la communauté militaire, ils auraient un haut le cœur à la simple idée de vous imaginer, dans un véhicule de commandement, passer les troupes en revue le 14 juillet 2017."
Philippe Carhon