Article rédigé par Contact, le 06 mai 2016
[Source: Liberté politique]
Bruno Le Maire est venu à Versailles le lundi 2 mai, au Palais des congrès, faire la promotion de sa candidature à la primaire des Républicains. Étaient présents à ses côtés François de Mazières, député-maire de Versailles, et un certain nombre d’élus comme Olivier de La Faire, conseiller général élu du PCD.
Des manifestants locaux de La Manif pour tous étaient présents à ce meeting, sans la présence de dirigeants nationaux : les résistants versaillais voulaient rappeler au candidat Le Maire qu’ils ne lâchaient rien sur la question de l’abrogation de la loi Taubira.
Fabien BOUGLÉ, conseiller municipal d’opposition du groupe Versailles Familles Avenir, était également présent. Liberté politique l’a interrogé sur cette soirée et sur les leçons que l’on peut en retenir en termes politiques.
Liberté politique : Bruno Le Maire était à Versailles le 2 mai, que s’est-il passé exactement ?
Fabien BOUGLÉ : Beaucoup de manifestants et militants de La Manif pour tous de Versailles ont été particulièrement choqués par les propos de Bruno Le Maire rapportés dans Le Figaro qui évoquaient « la connerie noire » de tous ceux « qui prétendent ou ont prétendu » qu’ils reviendraient sur la loi instituant le pseudo-mariage homosexuel.
Outre le caractère choquant de ces propos, de très nombreux manifestants se sont sentis personnellement insultés par Bruno Le Maire. À cet égard, Gabrielle Cluzel avait déjà répondu dans Boulevard Voltaire par un article cinglant : « M. Le Maire, les cons noirs vous saluent ».
Après avoir insulté les manifestants de La Manif pour tous, le député des Républicains vient les provoquer à Versailles… un des lieux emblématiques de la lutte contre la loi Taubira. Il n’était pas envisageable de rester sans réaction face à cette provocation. C’est pourquoi une trentaine de Versaillais sont venus participer aux débats, sans d’abord exhiber ni drapeaux ni signes apparents, et se sont répartis dans l’assistance du Palais des congrès.
voir la vidéo: Bruno Le Maire perd ses nerfs face aux manifestants issus de La Manif pour Tous !
Au moment opportun, l’un des nôtres a posé une question sur l’avortement : « Que pensez-vous de l’argument favorable à l’avortement qui dit qu’une femme a le droit de disposer librement de son corps ? » Il faut souligner ici les réactions très négatives de l’assistance à cette question qu’il est légitime de poser : on aurait cru que notre camarade venait de proférer des insultes ! Bruno Le Maire, gêné par la question, a tout de même tenu à répondre, professant son attachement à ce « droit » : « L’interruption volontaire de grossesse [notez la réticence de Bruno Le Maire à employer le mot “avortement”] a été votée et adoptée dans notre pays, il n’est pas question pour moi de revenir dessus », sous les applaudissements nourris de ses militants.
Puis un autre lui pose cette question : « Vous avez récemment injurié des centaines de milliers voire des millions de Français partisans de l’abrogation de la loi Taubira en les disant affectés d’une “connerie noire” ; comptez-vous ériger cette façon de faire en méthode de gouvernement, Monsieur Le Maire ? », sous les applaudissements cette fois de nos partisans.
Liberté politique : Quelles ont été la réaction du public et celle de Bruno Le Maire ?
Le public a réagi de façon contrastée. Ce qui est très intéressant de souligner en premier lieu, c’est que, hormis quelques curieux, il y avait très peu de Versaillais à ce meeting, le public était principalement composé d’élus des Yvelines, de leurs proches et d’étudiants engagés pour faire la claque, soit environ 300 personnes. En tant qu’ancien élu et militant étudiant, je connais parfaitement les méthodes des partis et en particulier du RPR pour faire croire à un engouement populaire, et je puis vous assurer qu’il s’agissait d’une opération parfaitement montée.
Pour le coup, la réaction de Bruno Le Maire a été très mauvaise, limitée à la défensive et affectée par la bronca suscitée par sa réponse aux deux questions posées. S’est ensuivi un pugilat, l’orateur ne maîtrisant pas ses troupes et ses partisans. Après que notre ami qui avait posé la deuxième question eut sorti un grand drapeau de La Manif pour tous, des gros bras de Bruno Le Maire sont venus l’agresser physiquement. C’est finalement assez triste : pour Bruno Le Maire qui se prétend un grand démocrate, un grand Républicain…
La forme de son meeting qui se voulait un débat participatif aurait dû permettre une discussion. Finalement, il ne souhaite le débat que lorsque les questions vont dans son sens. Il n’est pas étonnant d’ailleurs qu’il mette à son programme le refus de tout dialogue avec les syndicats. C’est son mode de gouvernement : il veut bien dialoguer, mais uniquement avec ceux qui sont d’accord avec lui !
Dans cette affaire Bruno Le Maire a perdu ses nerfs et a montré son incapacité à gérer une situation de crise qui en l’espèce n’impliquait qu’une trentaine de personnes. On l’imagine président de la République, face à la CGT ! Je m’interroge donc : ce candidat à la primaire est-il vraiment capable de gouverner notre pays ? C’est un bon « communicant », un peu lisse, faisant mousser ses interventions toujours assez creuses, mais son socle de valeurs semble déstructuré. Il semble n’avoir aucune conviction réelle, mis à part des poncifs de la doxa dominante. Bref, un excellent représentant du système politico-médiatique actuel…
Liberté politique : De ses différentes interventions, que retenez-vous de sa vision sur la famille, la place du religieux, la laïcité ?
Je crois qu’il est intéressant de retenir qu’il est en contradiction totale avec ce qu’il prétend être, à savoir un catholique avec une vision traditionnelle de la société. Il fait partie de toutes ces personnalités qui font de beaux discours, agréables à entendre, plaisants et rassurants, pas dérangeants pour un sou. De telles personnalités politiques sont nombreuses dans les Yvelines, et à Versailles en particulier : je les côtoie tous les jours…Mais dans les faits, dans l’action, ils soutiennent absolument le contraire de ce qu’ils prônent ou prétendent être publiquement.
C’est une sorte de trahison que nous devons dénoncer, car une telle attitude conforte nos adversaires déclarés !
En fait, Bruno Le Maire adopte un discours antireligieux. Selon lui, rien de la sphère religieuse ne doit impacter la « chose » publique. Il n’est pas possible qu’une conviction personnelle puisse avoir un impact politique. Il a une vision totalement extrémiste et totalitaire de la laïcité. La défense de la vie de la conception à la mort naturelle est un des points non négociables rappelés par Benoît XVI : il est normal, et même indispensable, que des élus ou des hommes politiques défendent la vie, ne serait-ce qu’en vertu du décalogue. Le religieux ou le divin doivent évidemment avoir une influence sur la vie politique. Dire le contraire, c’est ouvrir la porte à des régimes totalitaires comme on en a déjà connu.
Par ailleurs, la France a des racines chrétiennes, et ces racines sont une réalité. Nier que ces racines puissent avoir une influence sur notre législation, c’est nier « l’ADN » de notre pays. Considérer que la France est avant tout un pays culturellement et historiquement chrétien devrait être admis comme une nécessité dans le cadre d’une laïcité bien comprise.
C’est pour cette raison que, derrière un discours édulcoré et parfois plaisant à l’oreille de ceux qui ont pu participer aux grandes Manifs pour tous, la vision de Bruno Le Maire m’effraie. Son discours reste particulièrement dangereux, et c’est pourquoi nous sommes allés lui rappeler avec vigueur et détermination, mais sans violence, l’existence de deux points non négociables : le mariage ne peut être que l’union d’un homme et d’une femme, et la vie doit être respectée de la conception à la mort naturelle.
Manifestement ému par notre démonstration de force, Bruno Le Maire devait, à la fin du meeting qu’il a écourté, interpeller Francois de Mazières en ces termes : « Mais c’est la révolution à Versailles !… » Pourquoi pas !