Article rédigé par Bruno de Seguins Pazzis, le 08 mars 2016
Oscars 2016 : Il faut rendre à César…
Juste avant la cérémonie des oscars 2016 et à une semaine d’intervalle l’un de l’autre, deux films américains à gros budgets sont sortis sur les écrans français et concourraient pour recevoir ces statuettes si convoitées. Le premier The Revenant proposé pour 12 oscars en a récolté trois et pas des moindres, le second, Ave, César !, n’a même pas été proposé une fois. Le premier, un drame en même temps qu’une injure à l’homme qu’il réduit à l’état d’un être sauvage et foncièrement mauvais. Il n’est également pas loin d’être une injure au cinéma. Le second, une comédie débridée qui, si elle n’est pas très optimiste sur la nature humaine est un petit monument d’humour, d’intelligence, de talent et un hommage au cinéma qui prend la forme d’une déclaration d’amour. On peut raisonnablement éviter d’aller voir The Revenant, spectacle profondément décadent et surtout ne pas s’interdire de passer un bon moment avec le César des frères Coen, rendant ainsi à César ce qui est à César.
The Revenant de Alejandro Gonzalez Inarritu (2016) EU
1823 dans le Dakota du Sud. Dans une nature profondément et après une bataille sanglante contre des indiens, le trappeur Hugh Glass est attaqué par un ours et grièvement blessé. Abandonné par ses compagnons, il est laissé pour mort. Mais Glass refuse de mourir. Seul, armé de sa volonté et du souvenir de sa femme décédée et leur fils assassiné, Hugh Glass entreprend un voyage de plus de 300 km dans cet environnement très hostile, sur la piste de l’homme qui l’a trahi et a tué son fils. Sa soif de vengeance lui donne l’énergie nécessaire va se transformer en une lutte héroïque pour braver tous les obstacles qui vont se trouver sur sa route et revenir au campement et assouvir sa soif de vengeance. La rédemption sera-t-elle au bout de ce calvaire ? Avec : Leonardo DiCaprio (Hugh Glass), Tom Hardy (John Fitzgerald), Domhnall Gleeson (Andrew Henry), Will Poulter (Jim Bridger), Forrest Goodluck (Hawk), Paul Anderson (Anderson), Kristoffer Joner (Murphy), Joshua Burge (Stubby Bill), Robert Moloney (Dave Chapman), Lukas Haas (Jones), Brendan Fletcher (Fryman), Tyson Wood (Weston), McCaleb Burnett (Beckett), Fabrice Adde (Toussaint, le chef des trappeurs de l'Ouest canadien), Vincent Leclerc, Stephane Legault (des trappeurs de l'Ouest canadien), Emmanuel Bilodeau (un interprète francophone de l'Ouest canadien). Scénario : Alejandro González Iñárritu et Mark L. Smith, d'après « Le Revenant » de Michael Punke. Directeur de la photographie : Emmanuel Lubezki. Musique : Ryuichi Sakamoto, Alva Noto et Bryce Dessner.
Récompenses : Oscars du Meilleur réalisateur, Meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio, Meilleure photographie (2016), Meilleur film dramatique, Meilleur réalisateur, Meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio aux Golden Globes (2016), Meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio aux Screen Actors Guild Awards (2016), Meilleur réalisateur aux Directors Guild of America Awards (2016), Meilleur film, Meilleur acteur pour Leonardo DiCaprio, Meilleur réalisateur, Meilleure photographie, Meilleur son aux British Academy Film Awards (2016).
On est tous des sauvages…Cette inscription sur une pancarte accrochée autour du cou d’un indien pendu à la branche d’un arbre est le message du film qu’Alejandro Gonzalez Inarritu met tout de même quelques 2h32 à délivrer ! Pour ce faire, il s’appuie sur le roman de Michael Punke qui retrace l’histoire, véritable celle-ci, du trappeur Hugh Grass. En 1823, dans le Dakota du Sud, suite à une attaque de grizzli, Hugh Grass est laissé pour mort par ses camarades d’expédition. En raison, sans doute d’un instinct très développé de survie et certainement en raison d’un grand courage, Hugh Grass survit et finit par retrouver ses compagnons qui avaient poursuivi leur chemin. Cette aventure romancée par Michael Punke a déjà donné lieu en 1971 à une adaptation cinématographique sous le titre Le Convoi Sauvage (Man in the wildeness) par un cinéaste peu connu Richard C. Safarian. Alejandro Gonzalez Inarritu se ressaisit du sujet mais plutôt que de chercher à l’approfondir et à l’enrichir, à mettre évidences les aspects anthropologiques et moraux de cette aventure, il la simplifie, la vide de toute substance humaine, pour n’en faire qu’un très médiocre film de survie et au service d’une philosophie on ne peut plus pessimiste.
Une quasi absence de scénario
Le scénario est à la fois peu clair et très mince, et sans doute pas clair parce que très mince, l’absence de clarté pouvant servir à dissimuler la minceur du propos. Le personnage d’Hugh Grass arrive de nulle part. On ne sait trop rien de son passé si ce n’est qu’il a beaucoup aimé sa femme décédée, qui était indienne et dont il a eu un fils. Ce ne sont pas quelques scènes oniriques totalement stupides et très artificiellement plaquées (donner du contenu au vide…) qui renseignent utilement le spectateur. Du côté des indiens, on ne sait pas vraiment qui ils recherchent, ni pourquoi. Il en est ainsi de tous les personnages, de sorte qu’aucun de ceux-ci, n’ayant un contenu psychologique, le spectateur à de la peine à ressentir de l’émotion à ce qui ne devient plus qu’un déballage de séquences de bravoures toutes aussi spectaculaires les unes que les autres mais auxquelles le spectateur ne peut que finir à se désintéresser, d’autant que pour celui-ci, cela fait longtemps que le héros devrait être mort !
L’homme est un animal sauvage
La morale de tout ceci c’est donc que l’homme est foncièrement mauvais. C’est en effet ce qui justifie et sous-tend toutes ces séquences aussi épouvantables les unes que les autres : le combat collectif qui ouvre le film , (long d’une vingtaine de minutes et dont le réalisme et l’extrême cruauté sont au western ce que la séquence d’ouverture du film de Steven Spielberg, Il faut sauver le soldat Ryan (1998) est au film de guerre), le combat d’Hugh Grass avec l’ours « numérique », le viol d’une indienne et ainsi de suite jusqu’à la lutte final, clôture incontournable d’un western. Les indiens sont cruels, les trappeurs canadiens aussi mais ceux-ci sont en plus sadiques, Fitzgerald, l’ennemi d’Hugh Grass est prêt à tuer père et mère mais se limite ici à tuer le fils d’Hugh Grass, le jeune Jim est un pleutre, quant au personnage qui est omniprésent à l’écran (course à l’oscar oblige…), il n’est mu que par une soif inextinguible de vengeance, si bien que celle-ci assouvie, il ne vivra jamais en paix, aucune rédemption n’apparaissant possible.
L’art de filmer le vide
La morale c’est aussi qu’Alejandro Gonzalez Inarritu, après avoir donné l’impression qu’il avait quelque chose à dire avec le 7ème art (Amours chiennes, 21 grammes, Babel, Biutiful) et même si cela semblait un peu abscons, confirme avec Birdman (2014) et The Revenant qu’il n’en est rien. Après le très pessimiste Biutiful, deux voies semblaient alors possibles pour la suite de la filmographie du cinéaste. Soit, en raison du thème de l’héritage, de celui des esprits et en raison de la présence d’une iconographie religieuse, Biutiful aurait mené le cinéaste, par une conjonction de son talent de metteur en scène et une vision du monde qui tournerait le dos à la désespérance, vers un épanouissement en trouvant au-delà des pesanteurs humaines, le chemin d’une espérance et d’une épure stylistique. Soit, Alejandro Gonzalez Inarritu s’enfermerait dans des récits de plus en plus sombres, sans issus et son cinéma deviendrait stérile, exercice inutile de style. Dans la première hypothèse, le réalisateur prenait une option sérieuse pour entrer dans le cercle des grands cinéastes. Malheureusement, avec Birdman, une première partie de la réponse était donnée et avec The Revenant, il faut bien constater que le cinéaste a pris la seconde voie. Si le cinéaste ne fait plus dans The Revenant une religion du plan séquence, il cherche toujours la performance technique dans des séquences qui se veulent toutes plus sensationnelles les unes que les autres et c’est ce qui lui fait oublier son personnage qui n’évolue pas d’un iota. Du début jusqu’à la fin du récit, Hugh Grass est sur le point de mourir, devrait mourir, devrait être mort, mais renaît toujours de ses cendres car il faut bien une séquence suivante au moins aussi spectaculaire que la précédente.
Une médaille d’or plutôt qu’un oscar
Ainsi, pour Leonardo DiCaprio, la performance ressort plus d’une médaille d’or aux Jeux Olympiques que d’un oscar du meilleur acteur et de fait, C’est bien plus son interprétation remarquable dans Le Loup de Wall Street (2013) de Martin Scorcese qui aurait dû lui valoir cette statuette. Ce vide qui personnifie The Revenant est pourtant allé jusqu’à faire faire à la critique professionnelle un rapprochement avec Terrence Malick. Dans « Le Figaro » du 24 février 2016, Eric Neuhoff est allé jusqu’à écrire : « C’est Jeremiah Johnson revu et corrigé par Terrence Malick ». C’est d’une part faire une injure à un cinéaste, sinon catholique, au moins chrétien et assurément inspiré, même si son inspiration très « New Age » est influencée par la pensée heideggerienne et le transcendentalisme à l’origine duquel se trouvent Ralph Waldo Emerson et David Henry Thoreau. Ce n’est pas non plus la présence derrière la caméra de The Revenant du très talentueux directeur de la photographie Emmanuel Lubezki, également souvent derrière celle de Terrence Malick qui peut justifier un tel rapprochement. L’image, les cadres et les angles de prises de vue sont très beaux, même si une prédominance de la couleur bleue devient très pénible à la longue. Mais ces paysages magnifiques que n’importe quel documentaire peut nous restituer sont bien peu de choses comparés à cette avalanche de sauvagerie, ce spectacle complaisant et coupable de violence qui ne fait qu’exalter un retour à la barbarie.
Ave, César ! (Hail, César !) de Joel et Ethan Coen (2016) EU
Hollywood dans les années 50. La folle journée d’Eddie Mannix dans les coulisses d’un grand studio. Une époque où la machine à rêves turbinait sans relâche pour régaler indifféremment ses spectateurs de péplums, de comédies musicales, d’adaptations de pièces de théâtre raffinées, de westerns ou encore de ballets nautiques en tous genres. Eddie Mannix est « fixer » chez Capitole, un des plus célèbres Studios de cinéma américain de l’époque. Il y est chargé de régler tous les problèmes inhérents à chacun de leurs films. Un travail qui ne connaît ni les horaires, ni la routine. En une seule journée il va devoir gérer aussi bien les susceptibilités des différentes communautés religieuses, pour pouvoir valider leur adaptation de la Bible en Technicolor, que celles du très précieux réalisateur vedette Laurence Laurentz qui n’apprécie que modérément qu’on lui ait attribué le jeune espoir du western comme tête d’affiche de son prochain drame psychologique. Il règle à la chaîne le pétrin dans lequel les artistes du studio ont l’art et la manière de se précipiter tous seuls. En plus de sortir une starlette des griffes de la police, ou de sauver la réputation et la carrière de DeeAnna Moran la reine du ballet nautique, Eddie Mannix va devoir élucider les agissements louches du virtuose de claquettes, Burt Gurney. Cerise sur le gâteau, il a maille à partir avec un obscur groupuscule d’activistes politique qui, en plein tournage de la fameuse superproduction biblique « Ave César » lui réclame une rançon pour l’enlèvement de la plus grosse star du Studio, Baird Whitlok. Le tout en essayant de juguler les ardeurs journalistiques des deux jumelles et chroniqueuses ennemies, Thora et Thessaly Thacker. La journée ne peut donc qu’être mouvementée. Avec : Josh Brolin (Eddie Mannix), George Clooney (Baird Whitlock), Alden Ehrenreich (Hobie Doyle), Ralph Fiennes (Laurence Laurentz), Jonah Hill (Joseph Silverman), Scarlett Johansson (DeeAnna Moran), Frances McDormand (C.C. Calhoun), Tilda Swinton (Thora et Thessaly Thacker), Channing Tatum (Burt Gurney), Max Baker (John Howard Hermann), Christophe Lambert (Arne Slessum), Heather Goldenhersh (Natalie, la secrétaire d'Eddie Mannix), Patrick Fischler (Benedict), David Krumholtz, Fisher Stevens, Fred Melamed (des scénaristes communists), Clancy Brown (un acteur de Ave, César!) Robert Picardo (Rabbi), Emily Beecham (Dierdre), Peter Jason (Sam Stampfel), Clement von Franckenstein (le sénateur Sestimus), Geoffrey Cantor (Sid Siegelstein), Tom Musgrave (Tom), Robert Trebor : Walt Dubrow. Alison Pill (l’épouse d’Eddie Mannix), Michael Gambon (la voix du narrateur), Scénario : Joel et Ethan Coen. Directeur de la photographie : Roger Deakins. Musique : Carter Burwell.
Un film sur un crétin mais pas pour les crétins,…
Après O’Brother (2000) et Intolérable cruauté (2003), Ave, César ! semble devoir être le troisième film de la trilogie « Numskull trilogy » (la trilogie des idiots) évoquée par les frères Coen comme le relate le site « AlloCiné » en décembre 2013 en reprenant une interview des Frères Coen accordée à Anna Thompson dans « Thompson on Hollywood » du 11 décembre 2013: « Il y a de bonnes chances pour que ce soit notre prochain film » déclare Joel, Ethan, précisant dans la foulée : « C'est un film sur le cinéma, la vie, la religion et la foi. La foi et le business du cinéma. Et toujours avec George. » Pourquoi ce « toujours avec George »? Tout simplement parce qu'il s'agit d'un « vieux » projet, évoqué pour la première fois en... 2004. Ce Hail, César ! serait même le dernier volet de la « Trilogie des idiots » après O'Brother et Intolérable cruauté ! L’interview donnée par George Clooney au quotidien « Le Figaro » du 17 février 2016 l’authentifie en quelque sorte : « À chaque fois que les Coen me donnent un scénario à lire en me disant qu'il y a un rôle pour moi, j'ai le personnage le plus crétin! » Quoiqu’il en soit, considérer Ave, César ! dont le style est quelque peu désinvolte comme un film mineur dans la filmographie des frères Coen est sans doute une erreur, erreur dans laquelle est tombée une grande partie de la critique officielle.
Un film pas très chrétien, quelque peu pessimiste et paradoxal,…
Il y a en fait plusieurs niveaux dans Ave, César ! Le film s’inspire d’un personnage véritable Eddie Mannix (1891-1963) qui était « fixer » à la MGM (Metro Goldwin Mayer), c’est-à-dire qu’il était employé par le studio pour régler tous les problèmes annexes à la production d’un film, et principalement les affres des stars hollywwoodiennes , les coucheries , les grossesses embarassanteset autres dérapages d’ordre privé qui pourraient entacher la réputation des vedettes qui étaient des idoles fabriquées de toutes pièces par les « major companies ». Le véritable Eddie Mannix fera une belle carrière professionnelle puisqu’il deviendra directeur général vice- président de la MGM ! Il eut de nombreuses aventures extra conjugales mais le couple, réputé très catholique, resta marié. Mais les frères Coen n’ont pas voulu réalisé ce qu’on nomme aujourd’hui de cet affreux acronyme un « biopic » abrévation anglo saxone de « biographic picture », tout bonnement une biographie filmée. Ils s’appuient simplement sur ce personnage pour tourner en dérision la religion chrétienne et plus particulièrement catholique, montrant Eddie Mannix (remarquable interprétation de Josh Brolin qui avait déjà brillé en 2007 dans No Country for Old Men des mêmes frères Coen) dès la première image du film dans un confessional pour s’accuser d’avoir succombé à la tentation de fumer une cigarette alors qu’il s’était engager vis à vis de son épouse à s’arrêter de fumer ! Péché bien véniel parmi d’autres, mais surtout comparé aux énormités que le spectateur va le voir commettre dans la suite d’un récit, précisons le encore, totalement imaginaire. La seconde séquence amène le spectateur sur le plateau du tournage d’un film sur la vie du Christ, ce qui va donner l’occasion à Eddie Mannix de réunir dans un bureau, sous le prétexte d’obtenir leur agrément sur la représentation qui est faite du Christ dans le film en tournage, un prêtre catholique, un prêtre orthodoxe, un pasteur protestant et un rabbin (pas encore d’imam car la religion des préceptes techniques n’est pas encore renaissante en ces années-là !). Cela donne lieu à un concile œcuménique sauvage et burlesque qui tourne en eaux de boudin. L’opinion des frères Coen sur la religion et les religions en générale est dite ! Ce qu’il faut remarquer, c’est que c’est la religion catholique qui sert de cathaliseur à ce jugement péremptoire ! Sur ce point nous pouvons même parler d’un premier niveau qui est de loin le niveau principal, le socle du scénario, puisque revenant comme un leitmotiv avec d’autres séquences du tournage du fameux film, jusqu’à celle de la cruxifiction, et plusieurs retours d’Eddy Mannix au confesionnal pour avouer des fautes toujours très vénielles. Un autre niveau tout aussi sérieux aussi est l’évocation du communisme, présentée comme une croyance au même titre que les religions, au travers de ces scénaristes qui se liguent et vont même parvenir à convertir la star Baird Whitlock, le crétin de service, qui est prêt à avaler n’importe laquelle des idéologies et qu’ils ont kidnappé aux fins de faire aboutir leurs revendications. Vient ensuite ce qui est le plus évident à l’image, la satire des mœurs hollywoodiennes de l’époque. Les frères Coen nous décrivent un monde de mensonges, de tromperies, d’apparences et de combinaisons qui synthétise tout leur pessimisme et, en même temps et très paradoxalement, leur film sous la forme d’une satire des mœurs hollywoodienne et d’une parodie des années 50 est une déclaration d’amour au cinéma comme Hugo Cabret (2011) de Martin Scorcese en était une aussi mais au travers d’un conte cinématographique s’inspirant de la vie de Georges Mélies. La différence est de taille, car là où Martin Scorcese louait la magie du cinéma en ce qu’elle pouvait avoir de beau et être au service du beau, Joel et Ethan Coen n’en retiennent que la face sombre.
…mais un grand moment de cinéma
En même temps, et c’est encore un autre aspect paradoxal, cela fait déboucher le film sur ce qu’il a de meilleur, en dehors de l’humour décapant dont les deux cinéastes ont le secrêt, une succession de reconstititions toutes aussi méticuleuses que décalées des genres les plus populaires à l’époque, le western évidemment mais aussi, le péplum, les comédies musicales ou sentimentales, les féries nautiques façon Esther Williams dans les films musicaux Le Bal des sirènes (1944) de George Sydney ou dans La Premièe Sirène (1952) de Mervyn LeRoy…Les cinéphiles trouvent ici leur bonheur. C’est cette suite de morceaux de bravoure qui donne au film tout son rythme, sa vigueur, son aspect jubilatoire, ces différentes séquences se succédant par leur raccrochement habile à l’intrigue principale tout en permettant aux cinéastes d’aborder, l’air de rien, quelques autres petits sujets comme la puissance de la presse et son double jeux avec les deux sœurs jumelles journalistes Thora et Thessaly. Vu sous cet angle, le film ne se limite pas à une pochade et comme il est remarquablement mis en scène et monté, avec juste deux petites longueurs mais si belles (la séquence du ballet aquatique et celle de la comédie musicale), très sutilement photographié par le talentueux Roger Deakins (onze films avec les frères Coen), et admirablement interprété par Josh Brolin mais aussi par George Clooney (cabotin à souhait et décidément parfait pour les rôles d’imbéciles) et surtout Alden Ehrenreich (Tetro de Francis Ford Coppola en 2009, Blue Jasmine de Woody Allen en 2013) dont la prestation éblouissante est sans conteste la meilleure de toute une troupe qui est magistralement dirigée, on ne peut que se laisser prendre à ce jeu très jubilatoire, au point qu’il faut quelque temps après le mot « fin » pour dégager les aspects négatifs de ce qui est, indéniablement et à la fois, un grand moment de cinéma et un bouillonnement d’humour et d’intelligence.
Bruno de Seguins Pazzis