Article rédigé par Roland Hureaux, le 19 décembre 2015
François Hollande voudrait favoriser l'accession au pouvoir de Marine Le Pen en 2017 qu'il ne s'y prendrait pas autrement. Parlant de Hollande et Valls, Le Parisien u 16 décembre évoque « leur plan pour dynamiter la droite », « un plan diabolique pour torpiller l'opposition ».
Ce plan ? Rebondir sur l'idée du Front républicain que la gauche a imposé aux régionales pour attirer dans l'orbite du président une partie de l'UMP, celle qui est la plus éloignée du Front national : Alain Juppé, Jean-Pierre Raffarin, Nathalie Kosciusko-Morizet, Xavier Bertrand et même Christian Estrosi auquel le PS a permis d'accéder à la tête de la région PACA. Le résultat prévu : faire voler en éclat Les Républicains, marginaliser Nicolas Sarkozy, campé sur le ni-ni : ni alliance avec le Front national, ni avec le Parti socialiste. François Hollande, n'ayant plus aucun espoir d'être réélu comme candidat du PS, veut l’être comme celui de LRPS (ex UMPS).
Pour le Front national, le bénéfice serait triple.
Le seul grand parti d’opposition
D'abord, François Hollande l'installe dans le rôle du seul grand parti d'opposition. Car le Front républicain n'est qu'un autre nom de LRPS, dénoncée par le Front national. Rapprocher la droite et la gauche « républicaines », c'est cautionner ce que dit Marine le Pen : que rien d'essentiel ne les sépare. La seule alternative à leur politique commune serait donc le Front national. Certes l'opposition ne gouverne pas. Pas encore : il est dans la nature de la démocratie que le grand parti d'opposition accède un jour au pouvoir. On peut barrer la route à un parti marginal, on ne peut pas le faire à la principale force d'opposition. Même en Suède, même au Japon, même au Mexique (et demain sans doute en Russie) où le même parti s'était installé au pouvoir pendant des dizaines d'années, l'alternance a fini par avoir lieu.
L'élection de Marine Le Pen en 2017 paraît monstrueuse à beaucoup et par là inimaginable. Mais, qui s'en souvient ? après vingt-trois ans de gaullisme et de giscardisme, celle de François Mitterrand en 2001, surtout lesté de ministres communistes, ne le paraissait pas moins à beaucoup. Après son élection, beaucoup écarquillaient les yeux car ils avaient du mal à y croire. Le même François Mitterrand, parlant de Jacques Chirac, dit vers 1994 : « C'est le tour de Chirac. » Le peuple français ne raisonne pas autrement : il dira « C'est le tour de Marine Le Pen. »
Radicaliser l’opposition modérée
Ensuite, même si la manoeuvre aboutissait à marginaliser Nicolas Sarkozy, une partie de l'UMP, autour de lui ou d'un autre, ne l'acceptera pas. Et, isolée, elle ne manquera pas de durcir ses positions. François Hollande souhaite qu'aucun candidat de la droite classique n'accède au second tour de la présidentielle.
Mais obtenir alors le ralliement d'une UMP en bon ordre de marche est une chose, l'avoir démembrée avant l'élection en est une autre. On a dit que le Front n'avait pu passer la barre du succès au second tour dans les régions où il était en tête parce qu'il lui manquait une « réserve ». Cette réserve, le président, par ses manoeuvres, la lui prépare !
Le centre le plus éloigné du peuple
Enfin, quand on se gargarise sur les zones de recouvrement entre la droite du PS et la gauche des Républicains (avec l'UDI, le MoDem etc.), recouvrement qui permettrait de prendre des initiatives communes, sur l'emploi par exemple, qui ne voit que c'est dans cette zone de recouvrement que se trouvent les politiques les plus honnies du peuple français, celles qui le poussent le plus à voter pour les extrêmes ?
À la gauche de la gauche, il y aurait des thèses propres à plaire au peuple : la justice fiscale, la limitation des inégalités.
À la droite de l'UMP, un souci accentué de la sécurité ou de l'identité nationale sont également propres à maintenir un certain ancrage populaire à ce parti.
Mais si l'on devait résumer tout ce qui pousse les Français à se détourner des partis classiques, c'est précisément dans la zone de recouvrement de la droite et de la gauche classiques qu'on le trouverait : un attachement sans le moindre recul aux logiques européennes, à l'atlantisme et au libre-échange, probablement l'adhésion au TAFTA, contre lequel se dressent Jaques Myard et Jean-Luc Mélenchon mais sûrement pas Jean-Pierre Raffarin et Emmanuel Macron, un droit-de-l'hommisme paralysant pour toute politique efficace contre la délinquance ou l'immigration clandestine et surtout le conformisme technocratique en toutes matières : suppression de la commune, des professions à statut comme les notaires et les pharmaciens, suppression du repos le dimanche, cher à Macron, bref tout ce qui déconstruit et par là désespère, au nom d'un libéralisme mal compris, la société française.
Quant à l'emploi, parlons en : s'il est une convergence entre Macron et Juppé ou Kosciuszko-Morizet, c'est un attachement sans faille à l’euro. Mais l'euro, au moins tel qu'il est géré, n'est-il pas le principal obstacle à la solution au problème de l'emploi ? Quelle initiative commune pourraient donc prendre les convergents pour faire mieux, dans le cadre étriqué des contraintes imposées par Bruxelles, que ce qu'ont déjà tenté successivement et sans succès Sarkozy puis Hollande ?
Les centristes sont on le sait, gens arrangeants, entre eux certes, mais surtout à l'égard de toutes les logiques internationales ou technocratiques, précisément celles qui révoltent le peuple. Si l'on s'en tenait aux critères du XIXe siècle où l'extrême-droite désignait alors le parti le plus éloigné du peuple, la vraie extrême-droite, aujourd'hui, tel est le paradoxe de notre temps, c'est le centre ! Comme, chacun à sa manière, Nicolas Sarkozy et Martine Aubry l'ont compris, le meilleur moyen de rendre un peu plus haïssables les partis de gouvernement est de s'en tenir à leur dénominateur commun.
Il est clair que l'actuel chef de l'État, qui se drape si volontiers dans la toge républicaine de l'opposition intransigeante au Front national, fait tout, par intérêt personnel, pour le rapprocher du pouvoir.
Roland Hureaux
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