Article rédigé par , le 06 novembre 2015
Rafraîchissant. Une aubaine est un « avantage inattendu ». Le nôtre est celui que nous devons au Christ : la vie éternelle. De cette certitude découle le fait que nous savons que nous ne sommes que de passage sur terre. Et nous condamne à l’espérance. Si notre temps « est un temps de misère, c’est donc le temps béni pour la miséricorde. Il faut tenir notre poste et être certain que nous ne pouvions pas mieux tomber ».
Notre place de catholique doit nous éloigner de toute idéologie. Nous ne sommes pas les hommes de l’un ou l’autre parti : « Se tourner vers le Christ, c’est d’abord se tourner vers quelqu’un ; adhérer à un parti, c’est adhérer à quelque chose. » Or on ne peut comprendre entièrement quelqu’un. Pour évangéliser, il nous faut donc nous tourner vers Jésus, ce qui « nous tourne nécessairement vers tous les autres. » L’« apostolat de l’apocalypse » est limpide : « Là où le propagandiste du parti s’impose par la conquête, le missionnaire de Dieu s’expose par la contemplation : il cherche le Sauveur déjà présent à l’extérieur, dans l’étranger, dans l’indifférent, mais de manière cachée. »
Le philosophe nous met en garde contre la vision – certes compréhensible, mais terriblement humaine – d’un monde qu’il faudrait changer. « L’adhésion à un parti qui veut changer le monde est toujours soit nostalgique soit utopique. Il s’agit de s’exalter dans l’optimisme, avec le progrès du monde de demain, ou de s’étaler dans le pessimisme, avec le regret du monde d’hier. Mais, en vérité, cela va toujours mieux et toujours plus mal, simultanément. La parabole du bon grain et de l’ivraie nous apprend que tout se développe à la fois vers le meilleur et vers le pire, et qu’au nom de l’utopie ou de la nostalgie, vouloir extirper tout le mal ne peut qu’aboutir à arracher le bon grain avec, car ce serait vouloir abolir la liberté. »
Or nous sommes dans une situation où « plus rien ne va de soi ». La présence de l’homme dans le monde n’est plus une évidence. L’Église est de plus en plus contrainte de « défendre la nature », au lieu d’annoncer le surnaturel, de « révéler Dieu ». « Cette situation terrible […] est formidable, parce qu’alors tout ne peut plus repartir que de Dieu. » Nous sommes donc dans l’ère de « la fin du progrès » et du « commencement de l’espérance. »
Nous avons donc à « être mystiques, pour reconnaître ce qui saute aux yeux… » « Car le christianisme […] c’est […] considérer les lys des champs (Mt 6, 28), se nourrir du travail de ses mains, chanter un chant ancien et nouveau, avec sa femme comme une vigne généreuse, avec ses fils et ses filles autour de la table comme des plants d’olivier. (Ps 128 [127], 2-4), être ensemble assidus à l’enseignement de l’amour, fidèles à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (Ac 2, 42). Autant de choses très simples, mais qui, pour être protégées, réclament le sang des martyrs. »
C’est limpide, notre temps est une aubaine. Mais il fallait bien Fabrice Hadjadj pour nous en convaincre.
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