Article rédigé par Roland Hureaux, le 07 septembre 2015
Le président de la République a donné lundi 7 septembre 2015 sa sixième conférence de presse sans convaincre, dans un climat de défiance de plus en plus profond. En cas d’élection présidentielle, il serait éliminé du second tour. L’homme se perd dans des catalogues de mesures où la liberté réelle du chef de la nation ne parvient jamais à s’exprimer.
LE PRESIDENT Hollande a dû être épaté, comme d'autres, par la réélection facile de David Cameron en mai dernier à la tête du Royaume-Uni. De même doit-il être sidéré, lui qui plafonne à moins de 20 % d'intentions de vote (IFOP, 7 septembre) de voir Poutine à près de 80 % d’opinion favorable dans son pays.
La différence de régime n'explique pas tout. Il se tromperait fortement s'il imaginait que la situation économique y est pour quelque chose. Elle n'est pas meilleure en Russie qu'en France.
Non, le ressort fondamental qui fait qu'un chef d'État ou de gouvernement est populaire ou ne l'est pas est, depuis l'aube des temps, son rapport au sentiment national.
Incarner la nation
Poutine incarne la fierté russe ; les Russes ont le sentiment d'être avec lui à la fois honorablement représentés et défendus. Et plus les pays occidentaux lui marquent leur hostilité, plus ce sentiment est fort. Cameron est, certes, presque autant que Hollande, inféodé aux États-Unis mais c'est moins gênant, compte tenu des liens historiques entre les deux pays, pour un Anglais que pour un Français. Surtout il ne l'est pas à l'Europe de Bruxelles et c'est cela qui importe aux Britanniques, de plus en plus hostiles à celle-ci.
Les performances économiques de la Grande-Bretagne ne sont pas sans rapport avec le fait qu'il n'est pas lié par les contraintes de l'euro, ce qu'oublient de dire ceux qui se réfèrent à elles pour tourner la France en ridicule. Les Écossais n'ont pas fait le choix de l'indépendance lors du dernier référendum mais ils savent qu'ils peuvent compter sur le parti indépendantiste, plus que sur tout autre, pour défendre l'Écosse ; ils lui ont pour cela donné massivement leurs voix.
Le « prince esclave »
Il est peu probable que Hollande connaisse le livre de Gaston Fessard, jésuite entré très tôt dans la Résistance, intitulé Le Prince esclave, une expression qu'il applique à Pétain. Le théologien explique que Pétain ne peut être tenu pour le chef (un « prince ») légitime des Français parce qu'il lui manque la qualité première qui fait la légitimité du chef : la liberté. La nécessité que le chef soit libre est un principe anthropologique fondamental qui vaut autant dans les tribus africaines que les empires asiatiques, pour les rois comme pour les gouvernements républicains.
Un vrai chef doit être libre non seulement par rapport aux puissances intérieures (financières notamment), mais surtout par rapport aux puissances étrangères. S'il a quelque attache, voire quelque lien de subordination avec quiconque, ses concitoyens peuvent penser qu'il ne sera pas disponible pour faire ce qu'ils attendent de lui avant tout : défendre leurs intérêts. D'autres intérêts, éventuellement contraires aux leurs, passeront en premier. Il ne sert donc à rien. Il perd sa légitimité.
L'actuelle négociation du traité transatlantique, que François Hollande, appuie au point de trouver qu'elle ne va pas assez vite, montre au passage ce que veut dire le conflit entre des intérêts étrangers et ceux du peuple français.
La signature de la France
Les socialistes qui invoquent à tort et à travers Pétain pour stigmatiser la droite ou l'extrême-droite feraient bien de considérer ce qu'est l'attitude de Hollande face au pouvoir de Washington, voire à celui de Berlin.
Pourquoi donc n'a-t-il pas honoré la signature de la France en livrant les Mistral (au point d'imposer à notre pays aux finances exsangues deux milliards de dédit[1]) ? Même Sarkozy qui ne passe pas pour un antiaméricain primaire réclamait cette livraison. Il était tellement facile à Hollande de dire à ses partenaires qu'il ne faisait qu'exécuter un contrat qui avait été conclu avant lui et que la signature de la France l'obligeait. Mais il y a eu un veto américain et il n'a pas osé passer outre. Comme les Mitral n'intéressent personne d'autre que le Russes, même pas la Marine française, il est aujourd'hui question de les détruire. De les saborder ! Comme la flotte française à Toulon se saborda en 1943, parce que le gouvernement de Vichy était trop inféodé à Hitler pour lui laisser prendre le large. Qui parle de Pétain ?
Le comble de la honte
Mais le comble de la honte pour ceux qui aiment leur pays, à commencer par Jean-Luc Mélenchon, faisant chorus pour l'occasion avec Jacques Myard et Marine Le Pen, a été atteint le 9 mai avec le refus du président français d'assister aux cérémonies par lesquelles la Russie célèbre le 70e anniversaire de sa victoire sur l'Allemagne nazie.
Même si nous sommes aujourd'hui en situation de tension avec la Russie de Poutine — pour des raisons qui d'ailleurs restent à approfondir — l'importance de cette cérémonie, les évènements à la fois tragiques et grandioses qu'elle commémorait, le pacte de sang qui, depuis la guerre de 1939-1945, lie les Français aux Russes exigeaient une représentation au plus haut niveau — d'autant que le président Poutine avait eu, lui, la courtoisie de venu célébrer avec nous le débarquement en Normandie.
On dira ce qu'on voudra de la victoire russe de 1945 : que le patron de l'URSS était Staline qui ne valait pas mieux, à certains égards, qu’Hitler, qu'avec un plus grand ménagement des hommes, elle aurait pu être acquise à moindre coût, que les Russes ont été aidés par des livraisons de matériel américain. Peut-être, mais le sacrifice de tant d' hommes (22 millions) mérite un respect d'autant plus grand que l'effort russe a contribué plus que tout autre à libérer le territoire français : on peut discuter pour savoir si les Russes seraient finalement arrivés à Berlin sans les Américains, on ne peut nier que si toutes les divisions allemandes mobilisées à l'Est avaient été en Normandie, la France serait restée longtemps occupée.
Un président soumis
Dans ce lamentable épisode, François Hollande a montré encore une fois qu'il n'est pas un chef indépendant et que donc il n'est pas un chef.
Même si l'emploi et la croissance redémarraient en flèche (on peut toujours croire au Père Noël !), tant que les Français auront le sentiment d'être gouvernés par quelqu'un dont la soumission à des puissances étrangères leur fait chaque jour un peu plus honte, l'actuel président ne doit pas espérer redresser sa courbe de popularité.
Roland Hureaux
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[1] Officiellement, la France devra 896 millions d’euros de dédit à la Russie, mais elle devra également rembourser les frais d’aménagement du port de Vladivostok, d’adaptation des 32 hélicoptères russes et de formation des 400 marins russes, à hauteur de 100 millions d’euros. A cela, s’ajoutent les frais de réadaptation nécessaire à la « dé-russification » des navires (200 millions d’euros), le gardiennage des navires à Saint-Nazaire (5 millions d’euros), le remboursement de la marge bénéficiaire qu’aurait dû se faire le constructeur DCNS (250 millions d’euros) et la restitution à Moscou des équipements électroniques. Au total : près de 2 milliards d’euros (NDLR, source : Valeurs actuelles, 12 août 2015).***