Article rédigé par Béatrice de Ferluc, le 09 juillet 2015
Le secrétariat général de l’enseignement catholique (SEGEC) et l’Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL) ont soutenu par différents communiqués officiels le projet de réforme des collèges du gouvernement, ce qui a déplu à un grand nombre de parents, qui se sont sentis trahis par leurs représentants nationaux. Mais le divorce entre instances nationales et parents d’élèves ne date pas d’hier : voici le témoignage d’une mère de famille confrontée à la transformation du projet éducatif de l’école de ses enfants.
L’EVOLUTION de l’enseignement catholique « libre » a toutes les raisons d’être jugée préoccupante par une partie des parents qui ne trouvent plus dans les écoles de leurs enfants ce qu’ils attendent. C’est le cas précisément des catholiques dits « pratiquants ».
L’exemple vécu de cette petite école élémentaire catholique de la région toulousaine, entre 2009 et 2015 est révélateur.
Le projet initial
En septembre 2009, inscrivant notre enfant en maternelle, nous avons signé un projet éducatif rédigé en ces termes : « Notre école catholique veut dire, témoigner, annoncer Jésus-Christ et établir les bases nécessaires pour que chaque élève puisse donner un sens à sa vie d'enfant puis d'adulte. »
LE PROJET EDUCATIF DE L'ECOLE |
SAVOIR ÊTRE Accueillir et aimer l'enfant tel qu'il est. L'aider à se reconnaître et à reconnaître les autres. L'aider à être à l'aise dans sa tête et dans son corps. L'aider à comprendre et à vivre les règles de la communauté. |
SAVOIR-FAIRE
Par l'acquisition de connaissances ouvrant :
Développant : |
Ces références trouvent leur source dans l'Évangile. La communauté éducative veille à ce que l'esprit évangélique soit présent dans l'école, elle dispense une culture religieuse, organise les groupes de catéchèse (au primaire) et d'éveil à la foi (à la maternelle) qui invitent l'enfant à manifester sa foi dans une prière, une liturgie ou dans un service aussi bien personnel que communautaire (participation à des actions caritatives), privilégie le dialogue, le partage des responsabilités, l'évaluation et la réactualisation de son action. Les exigences pour tous les membres sont :
- Prendre du temps pour accueillir, connaître, expliquer, célébrer, privilégier la relation éducative qui vise à la fois la formation de la personne et l'acquisition du savoir, |
À la rentrée suivante, la nouvelle directrice nous présente un nouveau projet éducatif, rédigé par le corps enseignant, sans consultation préalable des parents, au motif que le précédent était vieillot et inadapté :
OUVRIR NOTRE ECOLE A TOUS L’école catholique exige de tous, quelles que soient les différentes cultures et religions de chacun, le respect de valeurs morales indispensables à la vie en société, ainsi que la tolérance vis-à-vis de chacun. Elle suppose une relation de confiance entre tous les membres. Faire grandir les enfants, dans un esprit chrétien
- en leur transmettant des connaissances selon les programmes définis par l’Éducation nationale, Créer avec les enfants un climat de confiance Cette confiance dépend surtout d’une bonne écoute de l’enfant de la part de ceux qui sont chargés de son éducation et d’une compréhension entre parents et enseignants. Cette collaboration est indispensable et doit être perçue par l’enfant ». |
Un caractère propre, deux projets éducatifs
D’un projet éducatif à l’autre, qu’avons-nous observé ?
"- Les mots « Jésus-Christ » et « Évangile », remplacés par « esprit chrétien ».
- La distinction entre « savoir-être et savoir-faire » abandonnée.
- « Aimer l’enfant tel qu’il est » remplacé par « tolérance vis-à-vis de chacun ».
- « Créativité et esprit de discernement » passés sous silence au profit de la « transmission de connaissances selon les programmes définis par l’Éducation nationale ».
- La culture religieuse, dispensée auparavant dans toutes les classes à raison d’une heure par semaine par les enseignants, est purement et simplement abandonnée, au motif qu’elle ne fait pas partie du programme et que cette heure supplémentaire n’est pas rémunérée."
L’éloignement des objectifs
On le voit, par souci de « s’ouvrir à tous » et « de ne pas choquer » par des termes trop précis évoquant le caractère propre, on s’éloigne des objectifs de l’école catholique, ce qui a pour conséquence d’attirer de nombreux parents de l’extérieur, parfois déçus par les établissements publics, et désireux de trouver un cadre éducatif de bon niveau scolaire pour leurs enfants.
De fait, il nous a été impossible de contenir cette évolution, qui ne choquait apparemment pas les parents engagés à l’APEL. En six années, j’ai pu constater la diminution de moitié des mamans et des enfants s’impliquant dans la catéchèse, assurée en dehors des heures scolaires, alors même que les effectifs de l’école ont augmenté de 20%. Inéluctable ?
S’adapter au monde
Quant à l’APEL nationale, son journal bimestriel Famille & Éducation reflète parfaitement cette évolution qui tend à abandonner les fondamentaux, jugés rétrogrades, à l’image de ce qui s’est passé au niveau de notre école, sans que personne ne puisse vraiment s’y opposer.
Aujourd’hui, il est demandé aux enfants et aux enseignants de mettre leur foi au vestiaire, et aux parents de laisser tomber leur « vision rétrograde » de l’éducation, car des « spécialistes » ont pris en main le devenir de l’école catholique, pour en faire une super école laïque où règne un « esprit chrétien », terme suffisamment vague pour être opposable à toute tentative de clarification. Sans projet éducatif précis, hormis le respect et la tolérance, il devient beaucoup plus facile d’introduire subrepticement des idéologies qui n’ont rien de catholique, mais qui sont défendues avec beaucoup d’ardeur par certains sous prétexte de s’adapter à un monde en mutation…
C’est pourquoi nous ne sommes pas étonnés de voir aujourd’hui l’APEL et la Direction nationale de l’enseignement catholique emboîter le pas au gouvernement sans plus de concertation avec les familles concernées.
Béatrice de Ferluc
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