Article rédigé par Olivier Hanne, le 12 juin 2015
Les capacités de hacking de l’État islamique inquiètent de plus en plus, mais ne doivent pas tromper. La France s’est faite d’autres ennemis…
APRES LE PIRATAGE de TV5 Monde le 8 avril 2015, le site intranet du ministère de l’Intérieur français a été violé et bloqué pendant plusieurs jours fin mai dernier, sans que l’information n’ait fuité dans les médias.
Cette cyber attaque de grande envergure a aussitôt été revendiquée par Daech. Réussir une offensive informatique à un tel niveau laisse songeur : comment Daech a-t-il pu pénétrer un site gouvernemental, et celui de l’Intérieur qui plus est ? Pourra-t-il dans quelques mois s’en prendre à l’intranet militaire ?
En réalité, la revendication par l’État islamique ne doit pas tromper, car l’organisation terroriste n’a encore aucune capacité à mener une cyber-guerre. Elle peut jouer sur la diffusion de vidéos et d’images, mais nullement s’attaquer aux réseaux informatiques saoudiens ou occidentaux, ni même à leurs moyens de transmission, de renseignement numérique et de téléphonie. Daech utilise un Internet qu’il ne peut contrôler. La section numérique de l’organisation, pourtant en plein développement, n’est capable que de piratages locaux et de pister une adresse IP pour suivre son abonné.
Le précédent russe
L’origine d’une telle attaque est plus simple et doit être mise sur le compte des mêmes hackers russes qui ont piraté TV5 Monde[1], peut-être la section appelée APT28, ou une autre défendant les mêmes intérêts étatiques.
La coïncidence du piratage du ministère de l’Intérieur avec le refus de livraison des deux Mistral n’a rien de surprenant : « on » nous fait payer notre manque de respect des contrats d’armement, mais aussi notre politique hostile à Bachar al-Assad, notre méfiance de l’Iran, nos accointances avec les jihadistes soi-disant modérés de Syrie.
Si la Russie tire les ficelles des plus grandes cyber-attaques des dernières années — en 2014, les serveurs officiels saoudiens avaient aussi été bloqués par des hackers russes —, c’est parce que les États-Unis et la France lui refusent sa place dans le monde, et rejettent ainsi les principes de la diplomatie multipolaire.
Quant aux hommes de Daech, ils sont trop heureux de profiter du prestige immérité de telles humiliations numériques pour l’Occident.
Olivier Hanne est l’auteur de L’État islamique. Anatomie du nouveau Califat, Giovanangeli, 2015.
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