Article rédigé par Roland Hureaux, le 07 mai 2015
La désignation de la tête de liste UMP (unie à l’UDI et au MoDem) aux régionales de la nouvelle région Midi Pyrénées-Languedoc Roussillon ne va pas sans remous. Le profil libéral-libertaire du parachuté Dominique Reynié est aux antipodes des attentes des électeurs et des militants de droite de la nouvelle région. Pour La Manif pour tous, c'est une provocation. La résistance politique s’organise contre lui dans une région qui ne pourra se gagner que dans l’unité.
BEAUCOUP se sont étonnés que les élus locaux aient désigné le politologue Dominique Reynié, né à Rodez certes, mais sans passé politique dans la région. Intellectuellement proche de Richard Descoings, l’ancien directeur de Sciences Po, il dirige dans cet établissement le principal département, celui des sciences politiques.
Favorable au « mariage pour tous »
Il avait été nommé en 2004 directeur de la Fondapol, Fondation pour l’innovation politique proche de l‘UMP. Dès le 14 décembre 2004, il y organisait un colloque sur « la mobilisation en faveur de l’égalité des couples (homosexuels et hétérosexuels) » avec la participation d’Act Up, la fédération LGBT, l’AGPL (Association des parents gays et lesbiens), Têtu, le Nouvel Obs...
Il devait se prononcer plus tard, au nom de la fondation, en faveur de la loi Taubira, au contraire de la grande majorité des parlementaires UMP et, plus récemment, soutenir la PMA et la GPA.
Il est clair que le profil de Dominique Reynié, ultra-européiste, ultra-libéral, et ultra-libertaire est très éloigné de celui de l’immense majorité des militants et électeurs de droite de la grande région méridionale plus conservateurs que ceux de la capitale.
La prime médiatique
Faute qu’une personnalité locale s’impose d’emblée, les grands élus de droite avaient mis au point une procédure officieuse de désignation, excellente sur le papier mais au résultat aléatoire : elle comportait le dépôt des candidatures trois semaines à l’avance (dix se sont déclarées, dont seulement quatre ou cinq crédibles) et le choix s'est fait après audition du lauréat final lors d’un séminaire qui s’est tenu à Sète le 26 avril dernier. Au dernier tour, Dominique Reynié a battu Bernard Carayon, maire de Lavaur et ancien député par 23 voix contre 16.
Le profil de ce dernier, issu de la droite populaire, ardent promoteur de l’intelligence économique en vue de préserver le patrimoine technique national, était certainement différent de celui de Dominique Reynié, aux allures hors-sol à la fois sur le plan régional et national. Mais Carayon, connu depuis longtemps, avait, dans la région, davantage d’ennemis que Reynié, que personne ne connaissait personnellement. Reynié a convaincu par sa notoriété, résultat de ses passages fréquents dans les médias où ses prises de position politiquement correctes lui ont permis d’être invité souvent au cours des dernières années, et sa maîtrise de l’exercice qui consiste à passer devant un jury.
La manif pour tous, vent debout
Il est clair que cette désignation ne fait pas l’unanimité. Non seulement à l’UDI : après s’en être réclamé, Reynié a annoncé qu’il avait promis à Nicolas Sarkozy de s’y inscrire, mais aussi à l’UMP. Jean-Pierre Grand, sénateur de l’Hérault est déjà entré en révolte ; considérant cette candidature comme un parachutage illégitime, il appelle à la constitution d’une liste dissidente.
Le PCD envisage d'en faire une aussi.
Les résistances les plus vives viennent cependant de la société civile : La Manif pour tous, bien implantée à Toulouse et à Montpellier tient cette désignation pour une provocation et pourrait donner à ses militants la consigne de ne pas voter pour la liste Reynié.
Un succès loin d’être assuré
De quoi faire réfléchir les états-majors parisiens de l’UMP, de l’UDI et du MoDem qui ne peuvent se permettre aucune fausse manœuvre dans cette région gagnable, mais où le succès de la droite est loin d’être assuré.
Aux européennes de 2014, la gauche avait montré qu'elle était encore forte : environ 39 % des voix pour les deux régions toutes tendances confondues (mais seulement 15,5 % pour le PS !). Il reste qu'elle est loin de la majorité historique qu'elle y possédait. Les élections départementales ont été meilleures pour elle grâce à l'effet réseau.
Toujours aux européennes, la droite, là aussi toutes tendances confondues, et le FN se tiennent au coude à coude : respectivement 28% et 27 %.
Boulevard pour le FN
Comme la gauche ne sera probablement pas unie et que le Parti socialiste en tant que tel est très affaibli, il faut que l'UMP, l'UDI et le MoDem fassent le plein de leurs voix avec une tête d'affiche fortement légitime et qui tente de reconquérir les voix du FN.
Il n’est pas sûr que Reynié, qui s’est fait une spécialité de dénoncer dans ses livres le « populisme », soit l’homme de la situation. Sa sensibilité branchée a peu de chances de détourner les électeurs de Louis Alliot, tête de liste prévue par le FN, ni même de séduire la gauche « cassoulet », de tradition anti-parisienne. Certains militants du FN se réjouissent déjà de cette désignation qui leur « ouvre un boulevard » ! Il est clair que l’affaissement de l’UMP-UDI dans une région aussi emblématique constituerait un mauvais présage pour 2017.
Roland Hureaux
Photo : France 3-Régions