Article rédigé par Thomas Flichy de la Neuville, le 01 décembre 2014
En Turquie, le pape François a parlé de la « grande responsabilité » de la Turquie. Comme son prédécesseur, il a saisi le rôle de « pont » de l’immense Asie mineure. Quelles sont aujourd’hui les options géopolitiques d’Ankara pour dominer ses concurrents ?
À l’échelle mondiale, la situation géopolitique présente est marquée par une opposition très nette entre les États-Unis et leurs alliés océaniques d’une part, et une alliance continentale rassemblant la Chine, l’Iran et la Russie, d’autre part. Cherchant à tout prix à éviter la constitution d’une puissance eurasiatique qui mettrait immédiatement fin à leur leadership, les États-Unis se sont appuyés sur la Turquie et son arrière pays turcophone (cf. carte), afin de rendre improbable l’avènement d’un nouvel empire mongol.
Leadership régional
Toutefois, cette alliance n’empêche pas aujourd’hui la Turquie de faire preuve de réalisme en matière de politique étrangère. Son objectif est naturellement d’obtenir le leadership régional au Moyen-Orient face à ses concurrents : Iran et Arabie saoudite. Pour ce faire, le pays joue sur trois directions.
La première option pour la Turquie, consiste à se tourner vers son gigantesque arrière-pays oriental turcophone. N’oublions pas que la Turquie actuelle n’est que l’extrême-Occident d’un immense territoire de langue et de culture turque, s’étendant jusqu’aux confins de la Chine.
La seconde option consiste à fédérer le monde arabe autour d’un nouvel empire ottoman. De ce côté, la Turquie a connu quelques déboires. Sans parler d’un soutien direct à l’État islamique et aux djihadistes de Syrie, la Turquie sert depuis 2011, de plateforme logistique à tous les trafics et déplacements d’armes, de liquidités et de recrues qui ont permis à al-Nosra puis à Daesh de se renforcer. L’immense majorité des combattants islamistes venus de Paris, de Londres et de Bruxelles a transité par la Turquie, avec l’indifférence bienveillante des autorités turques [1].
Géant démographique
La troisième option pour la Turquie consiste à exiger son entrée dans l’Union européenne afin de profiter des avantages d’un grand marché ouvert. Toutefois, ce processus se heurte à de nombreux obstacles.
Qui plus est, il est probable que la Turquie cueillera dans quelques années les fruits de sa politique pragmatique d’équilibre : en 2030, la Turquie, qui sera devenue un géant démographique de 90 millions d’habitants et un pays-atelier émergent, fera figure de pôle de stabilité aux côtés d’Israël et de l’Iran dans une sous-région menacée par l’instabilité chronique.
Th. Fl. de La N.
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[1] « Les ambivalences d’Ankara face à l’EIIL », La Croix, 18 août 2014.
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