Article rédigé par Roland Hureaux, le 31 juillet 2014
À en croire une information émanant de la CIA en date du 23 juillet, il serait “certain” que la destruction en vol du Boeing du vol MH17 de Malaysia Airlines qui a fait 298 victimes n'a pas été volontaire ; il serait “probable” que le tir émanait des rebelles russophones ukrainiens.
DECRYPTONS le message : si l'agence dit seulement qu'il est "probable" que le tir soit parti des rebelles ukrainiens, c'est qu'elle n'en a pas la moindre preuve. Si elle en avait, le ton, n'en doutons pas, eut été plus péremptoire.
D'ailleurs tout le monde admet que les rebelles n'ayant pas d'aviation, ils n'auraient pu abattre un avion de ligne volant à 10 000 m d'attitude que s'ils avaient disposé de missiles lourds de type SA 11. On laisse entendre de manière accusatoire que le gouvernement russe les leur aurait livrés. Mais aucune preuve sérieuse de la présence de tels engins entre les mains des rebelles n'a été à ce jour rendue publique. Pas davantage les Américains n'ont publié leurs enregistrements radar juste avant le crash comme le leur demandent les Russes.
Donc les États-Unis n'ont pas la moindre preuve de l'implication des rebelles russophones dans ce malheureux drame.
Qui est responsable ?
Dans ce cas-là, qui a tiré ? Si les Américains ne le savent pas, comment peuvent-ils assurer que le tir est involontaire ? En disant cela, n'avouent-ils pas qu'en fait, ils connaissent le fond de l'affaire ? Ne peut-on soupçonner qu'ils veulent d'avance exonérer le véritable auteur du tir, ce que bien entendu ils ne feraient pas s'ils avaient la preuve que ce sont les russophones ? Qui est donc responsable ? Il ne peut s'agir bien entendu que de l'armée régulière ukrainienne.
Tout cela n'a pas empêché, dès les premières heures qui ont suivi le drame, le gouvernement américain, aussi bien le président Barack Obama que le secrétaire d'Etat John Kerry, d'accuser la Russie, et ces accusations ont si bien porté que le gouvernement russe a été pointé du doigt dans tout le monde occidental pendant plusieurs jours. Il s'est trouvé ainsi un peu plus diabolisé.
Dans la foulée, les gouvernements européens se chamaillent sur les sanctions à prendre contre Moscou sans même se demander s'il y a lieu d'en prendre.
Dans les tous derniers jours, la rhétorique s'est déplacée : on dit que ce crash n'aurait pas eu lieu si l'Ukraine n'était pas en guerre ; or si elle est en guerre, c'est la faute à la Russie qui livre des armes aux rebelles. Autre indice d'une absence de vraie certitude.
Et s'il était avéré, au contraire, que l'armée ukrainienne est responsable du crash, gageons qu'aucun porte-voix d'un gouvernement occidental ne le reconnaîtra : les choses resteront durablement dans le flou.
Ces soupçons sont confirmés par la récente offensive de la dite armée qui empêche depuis deux jours les experts dépêchés par l'OSCE de travailler sur le site du crash, une offensive qui n'avait, selon les observateurs, aucun caractère d'urgence. Ils le seront encore bien davantage si s'avérait fondée l'information selon laquelle le pilote ukrainien qui a tiré sur le Boeing aurait avoué : une révélation énorme, qui n'est relayée pour le moment, n'en soyons pas étonné, que par des médias allemands.
C'est la première impression qui reste
Mais les spécialistes de la communication le savent : en situation de crise, la première impression seule reste dans les esprits.
De ce point de vue, Washington a gagné dans cette tragédie une grande bataille psychologique. Comment le Kremlin aurait-il pu s'y opposer d'ailleurs, puisque il n'a aucune influence sur les médias occidentaux ?
Mais en même temps, l'affaire a révélé au grand jour jusqu'où allait la mutation des valeurs occidentales. Longtemps ce dernier pouvait se targuer, face à l'Union soviétique ou d'autres, d'un avantage moral considérable : la liberté de la presse et de la communication (le troisième "panier" des accords d'Helsinki de 1975), la libre circulation de l'information et par-là, la possibilité pour chaque citoyen d'accéder à la vérité.
La quasi-unanimité avec laquelle la presse occidentale a, de manière explicite ou implicite, accusé les rebelles russophones et la Russie avant de disposer de la moindre preuve — et pour cause, puisqu'il n'y en a pas —, montre comment le monde que l'on disait libre est devenu une immense machine de manipulation des opinions publiques.
C'est peut-être ce qui, dans cette affaire, est le plus inquiétant.
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