Article rédigé par ECLJ, le 07 juillet 2014
Une conférence internationale de parlementaires pro-vie s’est réunie à Madrid pour étudier le projet de loi espagnol destiné à rééquilibrer les intérêts de la mère et de l’enfant.
Les 3 et 4 juillet dernier se réunissaient dans l’enceinte du Parlement espagnol 150 représentants de 16 pays d’Europe et d’Amérique du Sud (Argentine, Arménie, Chili, Equateur, El Salvador, Slovaquie, Espagne, France, République fédérale de Yougoslavie Macédoine, Hongrie, Italie, Mexique, Pologne, Portugal, Royaume-Uni et République tchèque) en compagnie de députés espagnols à l’occasion d’une conférence organisée par L’Action mondiale des parlementaires et des gouvernants pour la vie et la famille et parrainée par le Parti populaire (Partido Popular-PP).
Ses participants y discutaient du nouveau Projet de loi sur la protection de la vie de l’enfant à naître et des droits de la femme enceinte émis en décembre 2013 par le gouvernement espagnol et qui devrait être prochainement discuté par le Parlement. Celui-ci réforme la loi organique n° 2/2010 sur « la santé sexuelle et reproductive et l’interruption volontaire de grossesse », largement critiquée, en particulier lors des manifestations de 2009 où un million de personnes avaient exprimé leur désaccord.
Après le discours introductif du député espagnol et secrétaire général de l’Action mondiale des parlementaires José Eugenio Azpiro, avec Angel Pintado, sénateur et président de cette organisation, le débat a fait intervenir divers professionnels. Un scientifique (Dr Nicolás Jouve), un médecin (Dr Ana Martin), un philosophe (Pr Christophe Tollefsen) et le juriste Grégor Puppinck se sont exprimés.
L’approche multilatérale de l’IVG
Grégor Puppinck, directeur de l’ECLJ (European Center for Law and Justice) à Strasbourg, a tout d’abord souligné le fait que, bien que reflétant une position encore minoritaire en Europe, ce projet de loi s’inscrit parfaitement dans le cadre de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (Strasbourg) et respecte de même toutes les normes européennes et internationales. De fait, nulle convention internationale ne créerait un droit à l’avortement. Le projet de loi espagnol propose au contraire de garantir le respect du droit à la vie dans le cadre des conventions internationales. Il a ensuite exposé comment l’avortement ne doit plus être considéré dans une perspective juridique unilatérale, mais bilatérale, et plus encore multilatérale.
La notion de “droit à l’avortement” doit être mise en cause, car elle implique de considérer l’avortement comme un droit positif et subjectif unilatéral ne prenant en compte qu’un seul intérêt, celui de la mère. Une telle approche conduit à nier l’existence ou la valeur de l’enfant à naître contre lequel un tel droit s’applique. Ce fut la perspective dans laquelle s’inscrivait la loi espagnole adoptée par le précédent gouvernement. Cette approche unilatérale du droit à l’avortement est idéologique, car elle est fondée sur la négation d’une parcelle de la réalité (l’enfant) et tend à y faire primer la volonté pure d’un tiers (de la mère). Comme toute approche idéologique, son application intégrale serait destructrice : s’il existait réellement un droit à l’avortement, il faudrait alors supprimer toutes les limites, et l’autoriser sans condition de délai.
Ce qui s’oppose à la prétention d’un droit à l’avortement, c’est la réalité : l’embryon, le fœtus, l’enfant à naître, existent bel et bien physiquement : ils ont en outre tous les caractères « d’être humains » à leurs degrés respectifs de développement. La reconnaissance de cette réalité conduit la législation en matière d’avortement à devoir prendre en compte à la fois l’intérêt de la mère et celui de l’enfant dans une perspective juridique bilatérale. Il s’agit alors de peser ces intérêts lorsqu’ils s’avèrent contradictoires et d’adopter des mesures proportionnées visant à garantir les intérêts de la mère et ceux de l’enfant. C’est d’ailleurs ainsi que le droit relatif à l’avortement est conçu : l’avortement est avant tout une exception au droit à la vie de l’enfant et, par suite, dans de nombreux de pays, incluant la France, il fut dépénalisé et non légalisé. Si l’enfant à naître n’avait aucune valeur, aucune loi ne serait nécessaire pour autoriser l’avortement.
L’approche bilatérale ne suffit cependant pas à appréhender de façon complète et adéquate le problème de l’avortement. D’un point de vue social, la question de l’avortement doit aussi être abordée dans une perspective multilatérale afin d’inscrire la relation mère-enfant dans son contexte social naturel. Cette approche multilatérale, qui doit impliquer les divers acteurs, en particulier la famille et la société, est nécessaire pour dépasser une relation conflictuelle bilatérale entre la mère et l’enfant, et porter remède aux causes de ce conflit ; car ces causes sont le plus souvent extérieures à la relation entre la mère et l’enfant et résident le plus souvent dans des difficultés sociales, économiques et affectives.
Une question de santé publique
La société est en effet un acteur essentiel de la relation entre la mère et l’enfant. Elle est responsable de la protection de leur santé ainsi que de leurs intérêts économiques et sociaux. Il en résulte que l’avortement est, comme l’a souligné la sénatrice espagnole Beatriz Elorriaga et divers intervenants lors de la conférence, un problème « public » et non privé. Il revient en effet à l’État de protéger le droit à la vie de l’enfant à naître. L’avortement est aussi une vraie question de santé publique dans les pays, à l’exemple du Portugal, où il est pratiqué à un taux élevé. Plutôt que de garantir un droit quasiment illimité à l’avortement, la conférence recommande de développer les services sociaux d’aide à la mère et à l’enfant ainsi que des alternatives efficaces à l’IVG, en particulier dans les situations de handicap.
Enfin si les considérations démographiques jouent un rôle important, les considérations éthiques et familiales sont aussi déterminantes dans ce projet de loi et il est nécessaire d’y associer toutes les personnes impliquées dans l’acte d’avorter. Au delà de la mère et de l’enfant et en plus du rôle de la société, le projet de loi vise aussi à impliquer d’autres acteurs tels que le père, la famille de la femme enceinte et le personnel médical. Le projet vise à la fois à soutenir et à responsabiliser les familles, et à donner la possibilité au personnel médical d’agir en conscience.
Le projet de loi est donc avant tout fondé sur « le constat de l’existence réelle de l’enfant conçu » (Grégor Puppinck) et de son droit à l’existence. Il prévoit une exception au droit à la vie de l’enfant dans les 14 premières semaines de la grossesse, si elle résulte d’un viol, et dans les 22 premières semaines s’il existe un danger pour la vie de la mère ou de l’enfant. Ce risque doit être attesté par un comité d’experts indépendant.
Enfin l’avortement est autorisé jusqu’au terme de la grossesse lorsqu’il existe une « incompatibilité avec la vie » non-diagnostiquée pendant les 22 premières semaines et attestée médicalement. Le délai de 22 semaines correspond au seuil de viabilité fixé par l’Organisation mondiale pour la santé. En outre, la publicité de l’avortement est interdite et la possibilité est donnée aux médecins et au personnel médical, d’avoir recours à l’objection de conscience lorsqu’ils ne souhaitent pas pratiquer cet acte. Les parents d’une femme mineure ont le droit d’être informés de la grossesse de leur enfant. La femme enceinte doit également être informée du fait qu’elle dispose d’un délai de réflexion.
Une tendance progressiste
Les membres de la conférence ont rappelé qu’en dépit du développement dans de nombreux pays de « l’avortement systématique » et de la généralisation de la perception de l’avortement comme un droit, ce projet de loi n’est pas singulier. Il reflète aussi une tendance parallèle, en particulier aux États-Unis, vers la plus grande protection de l’enfant à naître. Ainsi le secrétaire d’État hongrois Bence Rétvari, a rappelé que dans son pays, les droits à la vie et à la protection de la famille sont des droits constitutionnels. Aux États-Unis, de nombreux États ont réduit le délai légal pour l’avortement. On estime que la population y juge à 49% que c’est un acte immoral. Le projet de loi espagnol se veut pionnier en la matière.
Le projet de loi devrait être examiné par le Parlement dans les mois à venir pour une adoption avant Noël 2014.
Au terme de la conférence les intervenants et divers représentants ont adopté la déclaration de Madrid s’engageant pour la défense de la vie et du droit de l’enfant. Celle-ci pose la fécondation comme “Big Bang” de la vie ; elle conclut que « rien n’est plus progressiste que la défense de la vie humaine ».
ECLJ-European Center for Law and Justice (Strasbourg)
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