Article rédigé par Elizabeth Montfort, le 22 mai 2014
Tout avait si bien commencé ! Pour les députés de la majorité, c’était leur revanche sur le report de la loi Famille décidée par le Premier ministre Ayrault. Ils avaient donc déposé une proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, dite APIE. Mais les députés de l’opposition ont travaillé le texte en profondeur, comprenant que cette PPL était une nouvelle étape dans la réforme du droit de la famille. Derrière le statut du beau-parent, il s'agissait d'ouvrir la famille à la "pluriparentalité".
L'un des rapporteurs, Erwan Binet, était très clair : « Il s’agit de faire entrer le statut du beau-parent dans le code civil. » Mais pour ne pas affoler les Français, ce devait être un statut light… à peine contraignant ! Et le député PS de l’Isère se plaisait à expliquer que le conjoint d’une mère ou d’un père séparé ne peut pas juridiquement s’occuper de l’enfant qui n’est pas le sien, dans la vie quotidienne.
Or, rien n’est plus faux ! La loi du 4 mars 2002 consacre la survivance du couple parental à la rupture du couple conjugal, en cas de séparation ou de divorce et aborde ce genre de situation. Les parents continuent d’exercer conjointement leur responsabilité de parents à l’égard de leurs enfants et peuvent s’en remettre au tiers qui vit avec l’enfant.
L'opposition, elle, a résisté aux arguments de la gauche, et contraint Mme Rossignol, secrétaire d'Etat chargé de la famille, à constater le report de l'examen de la proposition de loi du groupe socialiste qu'elle soutenait, faute de temps.
Une proposition inutile
Il reste que la proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant est inutile et ne répond pas à l’intérêt de l’enfant :
Statut du beau-parent
Ainsi, la loi de 2002 et la jurisprudence envisagent déjà que le tiers peut se charger de l’enfant de son conjoint pour les actes usuels.
Or la PPL graverait dans la loi, d’une manière rigide et abstraite, ce que la loi du 4 mars 2002 prévoit déjà. Celle-ci a fixé un cadre général que le juge aux affaires familiales ajuste au cas par cas pour répondre au plus près de l’intérêt de l’enfant. Car chaque enfant a une histoire singulière et vit dans un cadre qui lui est personnel. Dans ce contexte, la multiplication de référents, au statut juridique reconnu, auprès d’un enfant est un risque de conflit entre les adultes et d’insécurité pour l’enfant.
En inventant les concepts de « mandat d’éducation quotidienne » ou de « convention homologuée par le juge », il s’agit bien de créer un « statut du beau-parent » tout en rappelant d’ailleurs le maintien de la coparentalité au-delà d’une séparation. C’est la reconnaissance juridique de la parentalité sociale au même titre que la parenté.
Résidence alternée
La résidence alternée est prévue d’une manière égalitaire entre le père et la mère, quel que soit l’âge de l’enfant. C’est ignorer le besoin de tout enfant à vivre dans un cadre stable et sécurisé, surtout lorsqu’il est tout petit (avant 3 ans ½) avec son père ou sa mère. L’aspect systématique et obligatoire de la résidence alternée empêcherait de prendre une décision ajustée à l’intérêt de l’enfant.
L’ouverture à la pluriparentalité
La proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant s’inspire du rapport Théry. Ce rapport, intitulé « Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle », a été rendu public le 9 avril dernier.
Irène Théry milite pour la reconnaissance d’une pluriparentalité et pour attribuer un rôle particulier à « TOUS les parents » qui ont participé à la fécondation ou qui participent à l’éducation de l’enfant : parent (père et mère) intentionnels, sociaux, biologiques….
Ce rapport veut « métamorphoser le droit de la famille » en remplaçant la famille par « responsabilité générationnelle ».
Révolution du droit
La PPL sur l’autorité parentale s’inscrit dans le sillage de cette révolution du droit de la famille. Celle-ci avance à petits pas, au nom de l’intérêt de l’enfant.
Le doyen Carbonnier avait à ce titre souligné le danger de l’utilisation d’une notion si difficile à cerner : « Rien de plus fuyant, de plus propre à favoriser l’arbitraire judiciaire. » Selon lui, l’intérêt de l’enfant est une notion à contenu variable en raison de la diversité des interprètes de cette notion : les parents, le juge aux affaires familiales, le législateur et, dans une moindre mesure, les grands-parents et les enfants eux-mêmes.
Le débat s’est arrêté. Il restait 361 amendements à examiner sur les 700 déposés. Cette pause doit maintenir notre vigilance. Car, même si nous ne connaissons pas la date du report, le gouvernement avance à petits pas : aujourd’hui, statut du beau-parent pour une reconnaissance juridique de la « famille sociale », demain, PMA et GPA.
La révolution du droit de la famille aura atteint son but lorsque ce droit sera affranchi de toute réalité humaine, au profit d’une volonté désincarnée des adultes dont l’enfant sera la première victime.
Elizabeth Montfort et Nicole Thomas-Mauro sont anciens députés au Parlement européen
www.nouveaufeminisme.eu
Pour en savoir plus :
Dossier de l'Assemblée nationale « Autorité parentale et intérêt de l’enfant »
Analyse du Nouveau féminisme européen-NFE
Présentation de la PPL APIE à la Commission des lois :
Sur Liberté politique :
Rapport Théry : un texte explosif pour orienter l’avenir « des familles »
Rapport Théry sur la filiation : la voix discordante de l’humanisme chrétien
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